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Le samedi 23 avril 2022

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Le fiasco d’Intrawest et les pratiques prédatrices des fonds d’investissement

Les banques créditrices d’Intrawest, propriétaire entre autres des stations de ski du Mont-tremblant et de Whistler, ont saisi les actifs de la société, qui se trouve en défaut de paiement. Les stations détenues par Intrawest devraient être mises aux enchères le 19 février, alors même que Whistler accueillera les épreuves de ski des Jeux Olympiques de Vancouver. Mais les spécialistes affirment tous qu’il n’y a pas de craintes à y avoir, puisque ces stations de ski sont profitables. Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? Mais aussi, qu’elles sont les conséquences de ces ventes de feu ?

Le problème c’est que la société Intrawest appartient au fonds d’investissement privé (ou fonds de private equity) étatsunien Fortress Investment Group. Fortress l’a acquise pour 2,8 milliards $ US en 2006, en empruntant un total de 1,7 milliards $ US pour y arriver. Maintenant incapable de payer les intérêts sur la dette, les prêteurs d’Intrawest ont tiré la prise et averti la société de la reprise de finance de l’entreprise. Fin 2009, la société a été incapable d’honorer un paiement de 524 millions $ à ses créanciers, parmi lesquels on retrouve la firme Davidson Kempner et la banque d’affaires Lehman Brothers.

Y a tout à parier que les perdants dans cette histoire sont les travailleurs et le gouvernement. Les travailleurs parce qu’on va inévitablement demander aux employés des stations de ski de se serrer la ceinture pour passer à travers la crise, ou que l’on va carrément mettre à pied. D’autre part, le gouvernement du Québec a généreusement financé le développement de la station. Or, il est incroyable d’apprendre de la bouche du PDG d’Investissement Québec qu’Intrawest n’a pas encore remboursé un dollar des 21 millions de dollars consentis par Québec à cette société ! Pourtant, comme le signale le député de Nicolet-Yamaska et porte-parole de l’opposition officielle en matière de développement économique, Jean-Martin Aussant, le gouvernement était disposé à lui octroyer une autre subvention de 32 millions en 2008 pour que l’entreprise parachève son projet de construction !

Comme je le mentionnais dans un texte précédent, les syndicats dénoncent depuis des années ces fonds d’investissement rapaces. Ces géants de la finance, qui ont drainé des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars à seule fin spéculative, sont bien connus pour leurs « LBO » ou « Leverage Buy Out ». Le modus operandi de ces LBO consiste au rachat d’entreprises de taille importante avec un fort recours à l’emprunt, dont le remboursement est supporté par l’entreprise achetée. En recourant massivement à l’endettement, l’effet de levier peut être de 4 ou 5 fois celui du capital investi. Les résultats sont une tendance de plus en plus forte, pour ces entreprises, de délaisser les stratégies d’investissement de long terme au profit des rendements de court terme. D’autant plus que l’endettement excessif de l’entreprise implique des taux d’intérêt élevé, parce que risqués.

Les attentes de rendement croissant, trimestre après trimestre, découragent les entreprises à poursuivre des investissements de plus long terme (R-D, formation de la main-d’œuvre, relations partenariales avec les employés ou les fournisseurs) et conduisent certains dirigeants d’entreprises à réduire ces dépenses, à comprimer toutes les dépenses, afin d’améliorer leurs bilans financiers, ou dit autrement, afin d’extraire le maximum de valeurs de court terme. Les travailleurs sont systématiquement les perdants de ces pratiques spéculatives : pertes d’emplois, réduction des avantages sociaux, augmentation des heures de travail.

L’endettement accru de l’entreprise privatisée aggrave par ailleurs sa situation, en réduisant sa capacité d’agir sur le plus long terme. Enfin, ce qui rend ces transactions très lucratives, les fonds d’investissement ont des taux d’imposition de deux à trois fois moins élevés que ceux des entreprises qu’ils ont privatisées, réduisant d’autant l’assiette fiscale provenant des entreprises au profit d’un rendement accru pour les financiers prédateurs. L’effondrement des banques d’affaires américaines est en bonne partie dû à l’échec de ce modèle d’affaires. D’ailleurs, un des créanciers d’Intrawest est la banque d’investissement Lehman Brothers, maintenant en faillite.

Malgré que le mouvement syndical n’a cessé d’avertir les gouvernements des comportements irresponsables de ces fonds d’investissement, ni d’exiger une réglementation plus sévère, en particulier en les soumettant au même régime fiscal, rien n’a été fait dans le passé pour éviter cette situation. Et pas plus aujourd’hui, malgré les intentions. Les gouvernements peuvent faire des choses, mais les travailleurs, dont les fiduciaires des caisses de retraite ont risqué les actifs de leur caisse pour les placer dans ces fonds de private equity, doivent aussi tout faire pour reprendre le contrôle de leurs actifs. Parmi d’autres, les syndicats constituent des outils irremplaçables pour faire ça, pour mettre le capital au service du travail !

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