L’auteur invité est Patrick Cros, collaborateur au magazine français Développement durable
Face à une spéculation qui s’emballe dans la production d’énergie solaire, l’État a décidé de réagir. Le Ministère de l’Ecologie vient d’annoncer une baisse du prix de rachat par EDF de l’électricité des installations photovoltaïques des bâtiments agricoles et des entrepôts. Une décision dénoncée par les chambres d’agriculture, les panneaux solaires représentant un complément de revenu apprécié dans un secteur en crise.
Nombre d’investisseurs avaient flairé la bonne affaire : EDF était tenu d’acheter l’électricité des installations solaires intégrées au bâti à 58 centimes par kilowattheure (KWh) au lieu des 31,4 centimes pour les autres installations. Du coup, les demandes de contrat sont montées en flèche pour finalement exploser, passant de 5.000 par mois mi-2009, à près de 3.000 par jour aujourd’hui. A ce rythme, la France aurait certes disposé d’une puissance de 5 400 mégawatts dès 2010 – soit avec dix ans d’avance sur le calendrier initial – mais l’Etat, qui rembourse EDF pour ce tarif aidé, aurait dû débourser 56 milliards d’euros sur 20 ans, soit 2,8 milliards d’euros par an. « Il aurait fallu augmenter de 10 % la facture d’électricité des Français », selon le ministère de l’Energie qui a annoncé, mercredi 13 janvier, de nouvelles règles et de nouveaux tarifs plus restrictifs.
8 à 16 centimes de baisse
Seuls les équipements intégrés dans les toitures de logements neufs ou existants et d’établissements de santé ou d’enseignement bâtis depuis au moins deux ans bénéficieront désormais d’un kilowattheure (kWh) à 58 centimes d’euro. Les autres constructions (bureaux, sites industriels ou agricoles, entrepôts…), auront un tarif inférieur : 50 centimes d’euro le kWh s’ils sont anciens, 42 centimes s’ils sont neufs ou incomplètement clos. Objectif : lutter contre les « faux bâtiments » couverts de panneaux photovoltaïques qui se multiplient en France pour profiter du tarif de rachat subventionné de l’électricité solaire. En décembre, un rapport de la Commission de régulation de l’Energie (CRE) dénonçait la construction de bâtiments « inutiles » tels qu’immenses serres vides.
Les agriculteurs pénalisés
« Nous nous sommes engagés résolument dans le Grenelle, et atteindre les objectifs de 2020 avec 10 ans d’avance est plutôt bon signe. Je comprends qu’il faille faire le tri entre des projets durables et les projets spéculatifs, mais nous souhaitons d’abord que soient couverts tous les toits de France avant de s’attaquer aux terres dont la planète a besoin pour se nourrir », a commenté Luc Guyau, président des Chambres d’agriculture. La baisse de près de 30 % décidé par l’État concerne en effet plus particulièrement les agriculteurs, les logisticiens et la grande distribution, qui disposaient ainsi d’une source supplémentaire de revenus appréciée.
Avec les nouvelles conditions d’achat par EDF, seules les installations « intégrées » sur les bâtis agricoles déjà « existants » bénéficieront d’un tarif réduit à 50 centimes par kilowattheure. Inquiète par les conséquences de celle évolution dans un secteur déjà en crise, les Chambres d’agriculture réclament que les projets d’installations intégrées sur des bâtiments agricoles futurs, dont l’usage professionnel est justifié, puissent aussi bénéficier de ce tarif. « Concernant les installations sur bâti avec intégration simplifiée (42 centimes par kilowattheure) et les installations au sol (31,4 à 37 centimes par kilowattheure), la différence de tarif amènera les porteurs de projet à se diriger préférentiellement sur des centrales aux sols, ajoute les Chambres d’agriculture dans un communiqué. Ceci va complètement à l’encontre des objectifs de préservation du foncier agricole prévus dans la Loi de Modernisation Agricole portée par le Ministre de l’Agriculture ».
On trouve le texte sur le site du journal Développement durable
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