« Peut-on concilier business et social et promouvoir une économie à visage humain? » nous demandent Christina Losson et Fabrice Rousselot dans un article de Libération publié dans Le Devoir du lundi 8 février (accès aux abonnés). Effectivement, la question mérite qu’on s’y arrête car les forces du capital viennent bien souvent déstructurer les tissus sociaux lorsque seule la poursuite du profit est considérée. Or, selon Muhammad Yunus, dont un entretient est retranscrit dans l’article de Losson et Rousselot, « l’économie doit être refondée sur l’altruisme ». La crise actuelle devrait servir de point de départ pour l’émergence d’une nouvelle façon de faire. Pour Yunus, père du microcrédit, « la crise, c’est l’échec du système ». « Nous continuons comme s’il n’y avait pas de problème, mais cet effondrement du système nous montre bien que, fondamentalement, quelque chose ne marche pas. Nous avons un bouquet de crises : alimentaire, financière, sociale, climatique, etc. Le point commun entre ces crises, c’est qu’elles sont enracinées dans l’architecture du monde économique basé sur l’obsession du profit » rajoute Yunus.
Malgré les annonces venant du G20 quant à la mise sur pied d’un nouveau capitalisme, les institutions formant les grands maillons de la structure économique actuelle n’ont pas été touchées. L’économiste bangladais ne croit pas qu’une réelle volonté politique de changement soit présente dans les grandes institutions qui régulent l’économie. Selon ce dernier, « c’est à nous, les citoyens, de décider, de créer les conditions d’un mouvement social ». Les grands déversements d’argents dont nous avons été témoins au courant de la dernière année ne changeront rien à la donne tant que cet argent utilisera les mêmes créneaux pour se répandre dans la société.
L’économie ne doit pas être mise uniquement au service du monde solvable, les « pauvres » doivent également pouvoir y jouer un rôle. L’idée de départ de Yunus, lorsqu’il concevait le microcrédit, était d’en arriver à concilier le business et le social.
La conception du « business » que défend Yunus n’est donc pas celle dont le seul objectif est la production de revenu toujours plus important. « J’investis, je crée de l’entreprenariat social pour créer des emplois. Et je veux seulement récupérer ma mise » s’explique Yunus. La mise sur pied du microcrédit répond à cet autre objectif en permettant le prêt de petits montants d’argent à des populations qui autrement trouvent difficilement accès au crédit. La banque Grameen fut créée à cet effet par le Bangladais : « je veux aider les gens à s’en sortir, à sortir du chômage. Pour l’auto-entreprise, il faut de l’argent, donc je leur dit : voilà de l’argent et vous pouvez commencer quelque chose ».
L’économiste, appelé le banquier des pauvres, a gagné le prix Nobel d’économie en 2006 pour ses travaux sur le microcrédit. On peut trouver plus d’informations sur les activités de Yunus sur le site du Yunus Centre.
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