L’auteur invité est le collectif d’Économie Autrement et d’autres collaboratrices et collaborateurs
Le débat actuel sur les défis que le Québec doit relever est orienté à partir d’une vision étroite et biaisée des questions économiques. Selon les membres du Comité consultatif sur l’économie et les finances publiques constitué par le ministre des Finances, nous vivons au-dessus de nos moyens. Si la population québécoise se limitait aux mêmes services publics que celle de l’Ontario, les dépenses de l’État seraient réduites de 17,5 milliards de dollars. Nous aurions ainsi un surplus budgétaire et les moyens d’abaisser la dette publique.
La question fondamentale est justement de savoir si la population québécoise est disposée à troquer les services qu’elle reçoit et ses programmes sociaux contre une fiscalité plus légère qui l’obligerait à mettre la main dans sa poche à répétition pour payer ces services ou à s’en priver, pour les moins fortunés d’entre nous. Mais la population québécoise a fait un autre choix. La mesure de nos défis doit reposer sur ces choix de société et non sur des comparaisons comptables avec des sociétés différentes.
Il est vrai que le Québec dépense plus qu’ailleurs pour ses programmes sociaux, notamment pour ce qui est du soutien à la famille. Mais le rendement de ces investissements est remarquable quand on constate la remontée du taux de natalité et la progression du taux d’activité des femmes sur le marché du travail depuis l’adoption de la politique familiale en 1997.
Sommes-nous trop taxés et trop endettés ?
Le Québec arrive au premier rang parmi les provinces canadiennes en 2008 pour ce qui est du poids des impôts sur les revenus, des cotisations sociales et de certains droits, soit 23,5 % du revenu personnel. Mais la moyenne canadienne est de 22,5 %. L’Alberta et l’Ontario suivent de près avec environ 23 %. La différence n’est pas énorme, surtout quand on considère les services supplémentaires que l’on reçoit.
Au cours de la dernière décennie, le poids de la dette par rapport au PIB a constamment diminué, malgré les réformes de la comptabilité gouvernementale. Pendant ce temps, le service de la dette est demeuré stable, oscillant entre 7 et 8 milliards de dollars et son poids en proportion des revenus de l’État a chuté de 17,7 % en 1997 à 10,6 % en 2009, dégageant une marge de 4,9 milliards.
Les membres du Comité consultatif prétendent que les deux tiers de la dette brute de 151 milliards en 2009 représentent de la « mauvaise dette », c’est-à-dire des dettes contractées pour payer les dépenses courantes, dites aussi « dépenses d’épicerie ». Une telle affirmation fausse le débat. De 1998 à 2008, le surplus budgétaire consolidé du gouvernement s’élève à 580 millions. Entre-temps la dette brute a augmenté de 50 milliards. Cette augmentation s’explique par les effets de la réforme comptable de 2007 et les investissements du gouvernement, et non par les déficits budgétaires, puisqu’il n’y en a pas eu ou presque.
Des choix de sociétés à préserver
La réduction des impôts n’est pas un objectif en soi : elle ne saurait justifier d’aller à l’encontre de nos préférences. Ce sont les revenus de l’État qui sont trop bas et non les dépenses qui sont trop élevées. Le gouvernement a lui-même contribué activement à creuser un trou dans les finances publiques avec les allègements fiscaux consentis aux particuliers et aux entreprises à la veille des élections de l’automne 2007. Il a notamment remis en baisses d’impôts aux particuliers quelque 700 millions de dollars provenant du règlement du déséquilibre fiscal avec le gouvernement fédéral. Cet argent était destiné à l’amélioration des services.
Le dernier budget indique que, pour l’année 2010, le gouvernement se verra privé de 2,5 milliards de dollars, dont 1,5 milliard découlant des réductions de l’impôt des particuliers dans les budgets antérieurs, et 1 milliard découlant des réductions d’impôts aux entreprises. C’est la moitié du déficit actuel qui s’explique par ces mesures discrétionnaires, le reste étant attribuable aux effets de la récession. Il faut donc inverser le raisonnement et partir des services que les Québécois veulent se donner. Cela implique d’ajuster les revenus aux besoins révélés.
Les économistes du Comité consultatif affirment par ailleurs que la dette ne serait qu’un poids pour l’économie et un fardeau pour les générations futures. C’est oublier qu’en contrepartie de la dette, nous laissons aussi des actifs : des actifs matériels d’abord (infrastructures publiques) mais aussi des actifs non matériels, tels une population éduquée et en santé, des services publics de qualité, une solidarité entre les catégories de la population et un tissu social fort. Il est abusif d’assimiler la dette des administrations publiques aux dettes que contractent des ménages qui dépensent plus qu’ils ne gagnent.
Ce sont les dépenses publiques qui ont été allouées aux immobilisations, aux services d’éducation et de santé ou encore aux politiques familiales qui, en tant qu’investissements productifs, ont été et sont garantes du développement économique. Il y a urgence à réhabiliter la dépense publique, non comme un coût mais comme un levier de développement économique.
La véritable dette qui pourrait être laissée aux générations futures serait de leur laisser des services publics de faible qualité et une planète pillée et polluée, véritable dette écologique. Le Comité consultatif ne parle pas de cette dette.
D’autres sources de revenus pour l’État
Le Comité favorise des hausses de tarification, qui induiraient de bons comportements de la part des utilisateurs des services publics, de préférence à une hausse des impôts qui provoquerait selon eux des effets pervers sur l’économie. Nous sommes d’un autre avis. Nous estimons qu’il faut rétablir une structure plus progressive des taux d’imposition, hausser certaines tarifications et taxes comme celles des produits énergivores et de luxe et introduire des redevances sur les ressources naturelles qui en ont été jusqu’ici exemptées et les accroître là où elles existent déjà.
Un débat faussé, à reprendre
Les propos soutenus par le Comité consultatif sont tendancieux et alarmistes. À partir d’un diagnostic non fondé, les solutions qui en découlent surprennent peu : coupures budgétaires, recours accru à la tarification des services publics, privatisation et mise en concurrence des services publics avec les services privés comme étant les seules options possibles. Pendant ce temps, on occulte les vraies questions. Quels sont les défis économiques des années à venir ? Quels moyens souhaitons-nous adopter comme société, pour les relever ? Quelles ressources voulons-nous y consacrer et par quels moyens de financement les constituer ? De toute évidence, le débat reste ouvert.
On trouve ce texte et une version longue sur le site d’EconomieAutrement.org
J’irais plus loin. Le déficit annoncéest de 4,5 milliards. Il est constitué de 9,1 milliards de constructions de route, d’écoles,d’université, d’habitation, de chemin de fer, de tramway, bref toute sortes de choses qui durent entre 200 et 2000 ans et qu’il faudrait payer avant de recevoir la facture. De plus 15 milliards de dollars en terrains et immeubles entre les mains du gouvernement ce n’est pas un actif. Pour que cela le devienne il faudrait que cela soit donné à l’entreprise privée….Vive la magie.
Il est vraiment temps de changer de paradigme économique. Surtout que celui que l’on utilise conduit à la guerre. Il faut toujours produire plus que l’an passé, donc il faut aussi vendre plus que l’an passé. Pour ça il faut éliminer les nouveaux concurrents. Dès que l’on parle d’éliminer on détermine un ennemi.
Je me place d’un point de vue strictement comptable: Les finances publiques sont un faux débat puisque les actifs (Niés par les tenants de la droite et de la loi du plus fort) restent des actifs qu’ils soient propriété de la collectivité, par le biais du gouvernement, ou de l’entreprise privée. Est-ce que l’entreprise privée gère mieux le bien commun? J’ai beau fouillé dans l’histoire je n’en trouve aucune trace. Par contre tout état digne de ce nom, permet la diversité, entre autres en gérant des biens collectifs. Sans oublier la culture dont il fait la promotion et qui est si essentielle pour que les membres de l’état puisse se comprendre quand ils se parlent.