L’auteur invité, Gilles Beauchamp, est sociologue et organisateur communautaire à la retraite, animateur du blogue Gilles en vrac…
Un an après avoir produit un premier document de consultation intitulé Cadre de référence pour soutenir l’intégration du Développement des Communautés, qui fut notamment discuté lors d’une (exceptionnelle) rencontre entre la Direction de la santé publique de Montréal et les organisateurs communautaires des CSSS de la région, une autre version actuellement en circulation interne fut produite. Plutôt que d’un « cadre de référence » on parle maintenant d’une Stratégie concertée : Pour l’élaboration d’une stratégie concertée CSSS/DSP de soutien au développement des communautés.
Cette nouvelle version, proposée fin décembre, devrait vraisemblablement être adoptée par la Table régionale des responsables de santé publique, à la fin du mois de mars. Plusieurs critiques formulées à l’endroit du premier document semblent avoir porté fruit : alors qu’on faisait quasi l’impasse sur la contribution historique des CLSC au développement des communautés, le présent document y consacre une partie importante, où peuvent se reconnaître « les vieux » du réseau… Si le premier document pêchait par un langage parfois trop académique (revue de littérature) ou encore trop centré sur les fonctions de connaissance, celui d’aujourd’hui semble avoir mieux intégré les diverses dimensions du soutien à l’action de développement des communautés.
J’y vois même quelque chose qui pourrait constituer l’amorce d’une communauté de pratiques des professionnels et permanents du développement des communautés locales :
« promouvoir la tenue d’un événement annuel d’échanges et de partage sur les expériences de développement des communautés et sur les conditions favorables et propices au développement d’actions concrètes de lutte à la pauvreté et aux inégalités sociales;
encourager l’identification de problématiques et de thèmes particulièrement importants pour notre région et participer à des forums de concertation et d’action ou en favoriser la mise en place. Ces forums permettront entre autres à la DSP de faire état des enjeux de santé publique régionaux mais aussi, avec la collaboration des CSSS et des communautés locales dont elle soutient le développement, de faire écho aux problématiques locales et ainsi favoriser l’arrimage des enjeux locaux et régionaux;
travailler conjointement à la mise en œuvre des solutions pour assurer une cohérence dans le soutien aux communautés locales. »
L’utilisation de ce concept de communauté de pratique, par ce qu’il implique de participation et contribution volontaires de la part des acteurs, permettrait peut-être de réduire les hésitations que d’autres aspects de l’actuelle proposition semblent soulever. Sur cette question des communautés de pratique, je me permets de référer à ce document de novembre 2002.
Alors que le premier document n’abordait que de manière incidente la question de « l’évaluation de la performance » et prenait bien soin d’indiquer que les indicateurs feraient l’objet d’un accord avec les parties (l’élaboration d’une stratégie de monitorage avec des cibles et des résultats à atteindre, développée en étroite collaboration avec les partenaires locaux, nous semble également nécessaire – nous soulignons) le second document développe sur plusieurs pages la question de l’appréciation des résultats. Cela n’est pas sans lien avec l’adoption (le 7 décembre dernier) par la Table régionale des responsables de santé publique d’un Cadre de référence pour le développement conjoint (CSSS/DSP) d’un système d’appréciation de la performance du Plan d’action régional (PAR) et des Plans d’action locaux (PAL) en santé publique du territoire montréalais.
L’évaluation des pratiques en développement des communautés n’est pas chose simple… Le seul programme École en santé donnait lieu récemment à deux rapports d’évaluation : Les facteurs influençant la dissémination et l’adoption de l’approche École en santé et Analyse des interventions de promotion de la santé et de prévention en contexte scolaire québécois : cohérence avec les meilleures pratiques selon l’approche École en santé.
Heureusement le Cadre de référence… reconnaît que la complexité du système de santé publique, la gouverne à plusieurs niveaux du réseau actuel, l’autonomie des acteurs en présence exigent un partenariat volontaire, dynamique et respectueux si l’on veut que les informations recueillies soient comprises et servent à améliorer les choses.
Par ailleurs, on ne peut que comprendre les réticences des organisateurs lorsque, dans le document « Stratégie » on associe au rôle régional de la santé publique « l’accompagnement des communautés dans l’expérimentation des projets novateurs ou du développement de nouvelles pratiques » alors que les pratiques locales sont plutôt définie de manière opératoire : promotion (des pratiques de planification), faire valoir (les programmes régionaux – ouch !) et soutien aux organisations locales… Pourtant au cours des décennies passées plus d’une pratique novatrice et d’expérimentation ont été accompagnées par des organisateurs de CLSC…
En conclusion, s’il est encore temps pour les concepteurs de la proposition régionale de corriger cette « maladresse », il est aussi temps pour les organisateurs des CSSS de la région de saisir l’opportunité que représente cette proposition de stratégie concertée.
Cela pourrait être l’occasion de mettre en place, avec un soutien régional conséquent, une communauté de pratique qui favoriserait, notamment, un partage des expertises et compétences accumulées par plusieurs praticiens avant qu’ils ne partent à la retraite… En effet, d’ici 2-3 ans combien d’entre eux quitteront leur poste ? 30, 40% ? En saisissant la perche, la place que cette « stratégie » permet de prendre, les professionnels du développement des communautés se donnent le moyen d’être des acteurs dans un processus qui se réalisera, de toute façon. Un moyen de se prononcer sur des indicateurs de réussite qui seront choisis, avec ou sans eux… un moyen d’accompagner les leaders locaux dans leurs projets plutôt que de laisser les seuls « accompagnateurs régionaux » prendre toute la place…
On peut lire le texte au complet sur le blogue Gilles en vrac…
Juste une précision : je ne suis pas encore à la retraite, mais responsable de l’observatoire populationnel du CSSS Lucille-Teasdale.