L’auteur invité, Christian Chavagneux, est rédacteur en chef adjoint au magazine Alternatives Économiques.
Serait-ce le tournant rooseveltien du président américain ? Après avoir annoncé sa décision de taxer les banques pour leur faire payer le coût de la gestion de la crise, Barack Obama s’attaque à leurs activités spéculatives. Des pas qui vont dans la bonne direction, d’autant plus qu’ils s’accompagnent d’un discours plus volontariste face au pouvoir des banques. Mais ils ne sauraient se substituer à une véritable réglementation de la finance.
Une semaine après sa proposition de taxer les banques, le président américain a proposé le 21 janvier d’interdire à toutes les banques qui bénéficient d’une garantie publique (FDIC pour les dépôts des clients ou banque centrale pour obtenir de la liquidité) de pouvoir « détenir, investir ou soutenir » un fonds spéculatif ou de private equity et de pouvoir prendre des risques importants en jouant son capital sur les marchés.
Concrètement, cela voudrait dire que des établissements comme Goldman Sachs ou Morgan Stanley devraient modifier leur business model de manière importante. Anciennes banques d’affaires, elles sont fortement engagées dans le type d’activités dénoncé par Obama. Devenues banques commerciales durant la crise pour pouvoir bénéficier de l’aide publique, elles tombent sous le coup de la nouvelle proposition de loi.
La mesure fait sens. Avant la crise, les banques américaines ont largement développé leurs activités de trading pour compte propre ou proprietary trading (« prop trading ») dans le jargon bancaire. Cela consiste à prendre des risques sur les marchés en jouant le capital de la banque et en gérant les positions issues de la vente de produits dérivés risqués à des clients. Les banques françaises, comme BNP Paribas et la Société Générale, ont aussi beaucoup joué à ce jeu. Elles en payent aujourd’hui le prix car ces activités ont été déficitaires au cours des trois premiers trimestres de l’année 2009 pour les quatre grandes banques françaises (BNP, SG, BPCE, Crédit Agricole ; on attend les comptes du 4ème trimestre).
La façon dont le président américain a annoncé la mesure est aussi intéressante. « Nous devons mettre cela en place » affirme-t-il d’abord aux parlementaires du Congrès qui vont devoir débattre de la mesure et qui seraient tentés de la dénaturer en répondant au lobbying des banques. Un lobbying dont il a ensuite dénoncé la pression pour remettre en cause les projets en cours de re-réglementation de la finance, s’adressant au monde des financiers en leur disant que « si ces gens veulent la bagarre, c’est une bagarre que je suis prêt à mener ». Une rupture de ton avec le côté plus consensuel de son secrétaire au Trésor Tim Geithner dont les jours sont peut être comptés, Paul Volker, ancien gouverneur de la Fed et conseiller économique d’Obama voyant son influence, en faveur de régulations plus sévères, s’accroître à cette occasion.
Pour autant, cette nouvelle mesure n’est pas la panacée. Il faut également limiter le terrain de jeu de la spéculation bancaire par un encadrement strict des transactions sur les marchés de produits dérivés, par la mise en œuvre de politiques macroprudentielles qui permettent de casser les bulles de crédits qui nourrissent des bulles d’actifs, par un contrôle serré des centres financiers offshore qui permettent des prises de risques de manière opaque, etc.
Obama se montre plus agressif vis-à-vis de la finance pour tenter de regagner un électorat qui vient de lui faire défaut en élisant un républicain inconnu lors d’une élection partielle. Il sera d’autant plus certain de gagner ce combat qu’il portera politiquement une vraie réforme de la finance américaine et mondiale comme avait su le faire Roosevelt dans les années 1930.
On trouve le texte de Christian Chavagneux sur le site web d’Alternatives Economiques.
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