On connaît le discours de ces économistes et comptables à courte vue qui, sous le couvert de preuves irréfutables, d’une vérité qui ne peut souffrir le doute, nous assurent que nous vivons au-dessus de nos moyens et que pour réussir à sauver ce qui peut l’être, il faut à la fois couper dans les dépenses et augmenter tous les tarifs, quel que soit les services. Je ne doute pas de leurs compétences mathématiques. Ils sont probablement très au-dessus de la moyenne, dans ce domaine. Mais laissez-moi douter de leur sens politique, social et même, étroitement économique, lorsqu’ils commencent à se placer sur le plan des choix publics.

Sur ce plan, vouloir amoindrir une mesure socioéconomique comme celle des CPE à 7 $, c’est comme vouloir améliorer la valeur marchande d’une entreprise technologique en coupant dans les dépenses de R&D. C’est de la gestion à courte vue. Bien sûr, ça peut permettre d’améliorer les résultats trimestriels de l’entreprise et favoriser la hausse de la valeur marchande…mais ce faisant ça risque de diminuer la valeur de long terme de cette entreprise. Les dépenses du programme des CPE doivent être considérées comme un investissement de la collectivité dans le capital humain de ses enfants, comme outil de lutte au décrochage scolaire et pour la préparation à l’école et au marché du travail. Mais le programme va bien au-delà de ça.

Dans un excellent petit document préparé par l’Association québécoise des CPE, on trouve des chiffres très convaincants qui démontrent que ce programme est un pilier essentiel pour le développement socioéconomique du Québec. Voici quelques comparaisons utiles :

• Au Québec, entre 1997 et 2009, le niveau d’activité économique des femmes dans le groupe d’âge 25-44 ans et ayant des enfants de moins de 6 ans a augmenté de 11 points de pourcentage (pour atteindre 77,7 %). Il s’agit d’une hausse deux fois et demie plus élevée qu’au Canada !

• Entre 1997 et 2007, au Québec, le taux de faible revenu chez les familles monoparentales ayant une femme à leur tête est passé de 60,3 % à 20,4 % Au Canada, la réduction est de 26,6 points de pourcentage Entre 1997 et 2007, au Canada, le taux de faible revenu chez les familles monoparentales ayant une femme à leur tête est passé de 53,2 % à 26,6 %

• Entre 2004 et 2008, le nombre de naissances sur une base annuelle est passé de 74 000 à 88 000 au Québec.

• Pour une famille de deux enfants, l’utilisation d’un service de garde à 7 $ coûte actuellement 3 650 $ par année Si le tarif était augmenté à 10 $, il en coûterait 5 220 $ par année pour cette même famille, soit une hausse de plus de 40 %,

• Les familles du quintile supérieur (la tranche de 20 % de la population dont le revenu du ménage est supérieur à 93 000$) assument par leurs taxes et impôts une contribution additionnelle de 9,60 $ par jour du coût des frais de garde payés par l’État, alors que les familles du quintile inférieur (la tranche de 20 % de la population dont le revenu du ménage est inférieur à 24 000 $) assument une contribution de 0,30 $ par jour. C’est ainsi que s’opère notamment l’équité de traitement selon les revenus.

Donc, bien au-delà du calcul économique de long terme qu’on peut prévoir que ce programme engendrera, ses retombées économiques et sociales de court et moyen terme semblent bénéficier déjà à l’ensemble de la société (hausse du taux d’emploi et des revenus du travail, augmentation démographique, réduction de la pauvreté). Comme le souligne très justement le document, tous les contribuables du Québec, avec ou sans enfant, contribuent, par la voie de leurs taxes et impôts, au réseau des services de garde éducatifs à 7 $ et il est juste et équitable ainsi parce que nous en profitons tous. À l’exception évidemment de ceux qui ne rêvent qu’à quitter le Québec pour aller faire fortune ailleurs…