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Le samedi 23 avril 2022

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La méthode de l’OCDE : une juste mesure de l’endettement du Québec ?

L’auteur invité est Louis Gill, économiste, professeur retraité de l’UQAM

Dans des entrevues prébudgétaires accordées aux médias le 19 mars dernier, le premier ministre Jean Charest a tenu à l’égard de l’état de l’économie et de la dette du Québec des propos qui tranchent avec les propos alarmistes des quatre « experts indépendants » du ministre des Finances qui ont fait beaucoup de bruit au cours des dernières semaines.

Le premier ministre s’est en effet réjoui de ce que notre performance économique est de loin supérieure à ce qu’on constate ailleurs sur la planète. Quant à la dette, il estime qu’elle est loin du portrait que certains en ont présenté (y compris son propre ministère des Finances, doit-on rappeler). Elle se situe au contraire, a-t-il précisé, « dans la moyenne des pays de l’OCDE » [1].

Il est à souhaiter que son personnel politique et économique tienne compte de ce verdict et commence à donner l’heure juste, afin que cesse la campagne de confusion propagée dans le public à cet égard.

Pour ce qui est de la comparaison de l’endettement du Québec avec celui des pays membres de l’OCDE, il faut d’abord corriger la fausse impression qu’en donne un récent document du ministère des Finances [2], qui ne présente qu’une évaluation de l’endettement brut des administrations publiques du Québec en demeurant silencieux sur leur endettement net, et dont les calculs reposent sur des biais qui ont pour effet de surestimer l’endettement du Québec [3].

Mais, même lorsqu’il est fait correctement, le calcul de l’endettement du Québec selon la méthode de l’OCDE n’est pas sans poser un sérieux problème, en raison du poids considérable que représente la part de la dette du gouvernement fédéral dans cet endettement, une dette sur laquelle le gouvernement du Québec n’a aucun contrôle.

La somme des engagements financiers bruts de l’ensemble des administrations publiques du Québec, incluant une part de 20 % des engagements financiers bruts du gouvernement fédéral, s’établit en effet comme suit en milliards de dollars, en date du 31 mars 2009 [4] :
123 (dette directe du gouvernement du Québec – actifs du Fonds des générations)
+ 20 (autres éléments de passif du gouvernement du Québec)
+ 19 (dette des municipalités)
+ 1 (dette des réseaux de l’éducation, de la santé et des services sociaux)
+ 126 (20 % de la dette non échue du gouvernement du Canada et de ses autres passifs, ou 20 % de 514 + 114 milliards)

Au total, 289 milliards ou 95 % du PIB, au-dessus de la moyenne de l’OCDE de 92 % le 30 juin 2009.
On constate que la part de l’endettement du gouvernement du Canada imputée au Québec, établie à 126 milliards, représente 44 % des engagements financiers bruts de 289 milliards de l’ensemble des administrations publiques du Québec, alors que la part du gouvernement du Québec, qui est de 143 milliards ou 49 % du total, est à peine supérieure.

En somme, la mesure de l’endettement brut selon la méthode de l’OCDE est d’une validité douteuse si on veut l’utiliser comme moyen de pointer du doigt le gouvernement du Québec pour l’ampleur de sa propre dette. Pour évaluer celle-ci, le seul concept de dette qui soit valable est celui de la dette brute du gouvernement. À 151 milliards, elle représentait 50 % du PIB au 31 mars 2009, ce qui n’a rien à voir avec les 95 % du PIB calculés selon la méthode de l’OCDE, dont près de la moitié provient de la dette du gouvernement fédéral sur laquelle le gouvernement du Québec n’a aucun contrôle.

Cette anomalie est en partie corrigée dans le calcul de l’endettement net, en raison du fait que près de la moitié de l’endettement brut du gouvernement fédéral est compensée par des actifs financiers. Voilà pourquoi il est capital, lorsqu’on se réclame de la méthode de l’OCDE, de calculer aussi les engagements financiers nets, ce à quoi le ministère des Finances a choisi de ne pas procéder dans son récent document sur la dette.

Je rappelle que le montant des engagements financiers nets de l’ensemble des administrations publiques est obtenu en soustrayant des engagements financiers bruts les actifs financiers bruts du gouvernement du Québec, les actifs du Fonds d’amortissement des régimes de retraite (FARR) et du Régime de rentes du Québec (RRQ), ainsi que 20 % des actifs financiers bruts du gouvernement du Canada. Nous obtenons alors, en milliards de dollars [5] :
289 (engagements financiers bruts des administrations publiques du Québec)
- 42 (actifs financiers bruts du gouvernement du Québec)
- 36 (actifs du FARR)
- 26 (actifs du RRQ)
- 60 (20 % des actifs financiers bruts du gouvernement du Canada, de 299 milliards)

Au total, 125 milliards, ou 41 % du PIB, dix points sous la moyenne de l’OCDE qui était de 51 % le 30 juin 2009.
Notes

[1] Le Devoir, 20-21 mars 2010, p. A12
[2] Finances Québec, La dette du gouvernement du Québec, février 2010.
[3] Voir ma critique : « Mauvaise dette » et méthode de l’OCDE. Les biais et omissions de Finances Québec », accessibles sur les sites des Classiques des sciences sociales et d’Économie Autrement . Voir aussi Jean-François Lisée, « Quand les brutes parlent de la dette, c’est pas net », Le blogue de Jean-François Lisée, L’Actualité.com, 2 mars 2010.
[4] « Mauvaise dette »…, op. cit., p. 5.
[5] Ibidem.

On peut lire le texte au complet sur le site d’economieautrement.org

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