Hydro-Québec (HQ), en accord avec le gouvernement Charest, s’apprête à demander à la commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) de procéder à l’évaluation intégrée de la sécurité (integrated safety review) (ISR) visant au renouvellement de son permis d’exploitation de la centrale nucléaire Gentilly-2, centrale d’une capacité de 675 MW, afin d’en débuter la réfection en 2011 et ultimement la remettre en service en 2013 pour une période d’une trentaine d’années. Ce projet, qui était au départ évalué à 845 M$ par la société d’État, a plus récemment été réévalué à 1,9 G$.

Ces évaluations ne font toutefois pas l’unanimité. Selon Michel Duguay, physicien nucléaire, professeur au département de génie de l’université Laval et coordonnateur du collectif « Sortons le Québec du nucléaire », les dépassements de coûts du projet pourraient éventuellement être d’un facteur de trois.

Dans un article paru le 25 janvier dernier dans l’aut’journal, le professeur Duguay cite un rapport du Congressional Budget Office selon lequel les augmentations de coûts ont été d’un facteur de trois pour 75 des 103 réacteurs américains en opération. Il rappelle également que les augmentations ont été similaires pour les derniers réacteurs CANDU (Le type de réacteur en place à Gentilly-2) construits au Canada, les quatre réacteurs du complexe de Darlington près de Toronto.

D’autre part, la CCSN, dans un rapport datant d’août 2009, a fait état de seize problèmes techniques irrésolus des réacteurs CANDU qui présentent un danger potentiel pour la population. En principe, la CCSN devrait exiger d’HQ, par le biais de l’ISR, que la société d’état solutionne ces problèmes avant de procéder à la réfection du réacteur, ce qui ferait exploser les coûts du projet. Cependant, comme le note un rapport de Greenpeace rédigé par Gordon R. Thompson et daté de novembre 2008:

« Les critères de la CCSN pour accorder une prolongation de licence pour le CANDU, au Canada, sont vagues. Il est difficile de déterminer à quel point la CCSN appliquera avec rigueur ces critères aux demandes de prolongation de licence et traitera de manière égalitaire toutes les centrales qui en feront la demande. »

Il est donc possible qu’HQ évite ces coûts supplémentaires, mais ceci au détriment de la sécurité de la population. C’est toutefois pour éviter d’affronter cette explosion de coûts que l’Ontario Power Generation a renoncé à la rénovation de ses quatre réacteurs CANDU de la centrale Pickering-B.

De plus, toujours selon Michel Duguay, HQ sous-estime les coûts d’entreposage des déchets radioactifs présents sur le site. HQ évalue ces coûts à 200 M$ la tonne alors qu’il en coûte en moyenne 1G$ la tonne dans les autres pays nucléarisés.

Il conclut donc qu’il serait préférable pour HQ et pour la population du Québec, celle-ci devant ultimement payer un dépassement de coûts par le biais d’augmentations de tarifs, d’abandonner ce projet de réfection de Gentilly-2 et de fermer la centrale définitivement.

Alternative

Comme alternative à moyen terme, le professeur Duguay propose de réinvestir l’argent ainsi épargné dans la filière éolienne qui est « deux fois moins chère que le nucléaire et 25 fois mieux du point de vue des GES. »

En ce qui concerne le court terme, le chroniqueur François Pouliot de canoë proposait dernièrement de troquer la puissance de Gentilly-2 (675 MW) pour celle de la centrale de cogénération de Bécancour (550 MW) mise en service en 2006 et présentement gardée en réserve par HQ. « Hydro-Québec est en surplus d’électricité et n’en a pas besoin. Mais elle est liée par contrat à long terme (20 ans) avec TransCanada Énergie qui a construit la centrale au gaz sur la base qu’Hydro lui achèterait sa production. Hydro croit apparemment être en situation de surplus d’électricité pour encore 6 à 10 ans. » La mise en réserve de cette centrale coûte 150 M$ annuellement à HQ.