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Le samedi 23 avril 2022

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Ces économistes qui avaient prévu la crise

L’auteur invité est Gilles Raveaud, maître de conférences en économie à l’Institut d’Etudes Européennes de l’université Paris 8 Saint-Denis et collaborateur à la revue Économie politique

On connait les faillites de la profession des économistes à prévoir la Grande Crise actuelle. Paul Krugman avait écrit une longue et passionnante charge contre les errements et les aveuglements des plus célèbres et distingués membres de la profession. Mais dans son looooooooooong texte, Krugman n’accordait que deux misérables phrases aux économistes qui avaient, eux, vu juste. Deux phrases !

Dans un superbe texte maintenant traduit en français, James Galbraith rend justice à ces économistes qui se sont retrouvés aux marges de la profession, alors que leurs modèles théoriques et leurs analyses empiriques n’ont rien à envier – bien au contraire – à ceux des grands professeurs qui tiennent le haut du pavé.

Comme le montre Galbraith, la justesse de vue de ceux qui avaient perçu que les déséquilibres n’étaient pas tenables peut tenir soit à leur orientation théorique (puisée dans les travaux de Keynes ou de Minsky), soit à leur bonne connaissance des faits, comme le niveau d’endettement des ménages et le prix des logements, qui s’étaient bien trop écartés de leur valeur normale.

Ce que nous montre Galbraith, c’est que la théorie standard (l’idéologie standard ?) du “tout va bien, les agents sont rationnels et les marchés à l’équilibre”, non seulement ne sert pas à comprendre la réalité, mais que, de plus, elle empêche proprement de voir ce qui se passe. Ces lunettes sont tellement fausses qu’elles rendent, au mieux, myopes ceux qui les chaussent, quand elles ne les aveuglent pas complètement.

Comme le dit Galbraith, le plus incroyable est que ces mêmes personnes se donnent le droit de dire que ceux qui font autrement sont des économistes mineurs, bons à enseigner dans des universités de périphérie, pour des salaires moindres et des conditions de travail bien moins bonnes – quand ils arrivent à être recrutés. Car ce sont ces “meilleurs” économistes qui sélectionnent les articles dignes d’être publiés dans les “meilleures” revues, et décident qui sera recruté ou non. Autrement dit ce sont eux qui décident qui sera reconnu comme un économiste et aura le droit de vivre de son métier et de s’exprimer publiquement en tant que tel.

Je sais que ces propos sont étonnants pour des personnes extérieures au monde de l’université, et de la science économique en particulier.

Mais la chasse aux sorcières et le refus des théories alternatives sont des réalités centrales de notre discipline. En France, cela se traduit par la très grande difficulté qu’il y a accéder à un poste de maître de conférences (et, pour ceux qui se sont glissés dans les mailles du filet, de passer à l’échelon supérieur, celui de professeur des universités), qui laisse de nombreux très bons économistes sur le carreau. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, les solutions sont plus radicales, comme le licenciement et la fermeture des départements considérés comme trop hétérodoxes.

C’est précisément parce que la situation est très grave au sein de l’université que nous avons créée l’Association Française d’Economie Politique, dont la première des revendications est l’existence du pluralisme au sein des universités. Car autant je peux être furibard contre la théorie néo-classique, autant je trouve essentiel qu’elle soit enseignée. Mais d’autres théories doivent se voir donner une place équivalente, comme, notamment, l’analyse keynésienne, l’analyse marxiste (que Galbraith ne goûte pas trop, snif), l’analyse institutionnaliste, et l’analyse environnementaliste.

En attendant, ceux qui veulent découvrir qui sont ces économistes (américains) lucides, ainsi que les raisons de leur mise au ban de la profession, peuvent passer un bon moment en lisant le texte de James Galbraith.

On peut lire le texte sur le blog d’Alternatives Economiques

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