En France, le Grenelle de l’environnement est ce Sommet de 2007 au cours duquel l’État, les grands acteurs socioéconomiques et ceux du domaine de l’environnement ont convenu de la nécessité d’une vaste mobilisation nationale pour accélérer le passage à une économie plus durable. Aujourd’hui, alors que plusieurs grands programmes de mises en œuvre sont encore débattus dans les différentes chambres parlementaires, la défaite que vient de subir le président Sarkozy aux élections régionales pourrait cependant rendre problématique de larges pans de sa mise en oeuvre.
Mais d’abord, un mot sur ce Grenelle de l’environnement : selon une étude du Boston Consulting Group, pour le ministère du développement durable, les 15 grands programmes du Grenelle de l’environnement devraient participer significativement à la relance de l’économie en générant une activité sur douze ans d’environ 450 milliards d’euros, financés à hauteur d’environ 170 milliards d’euros par l’Etat et les collectivités territoriales – mais autofinancé jusqu’à 45 % grâce aux économies d’énergies. On soulève le chiffre de création de 600 000 emplois par année en moyenne (en comptant les emplois directs, indirects et les intérimaires) sur la période 2009-2020, principalement grâce aux projets d’infrastructures durables.
Le secteur du bâtiment serait l’un des piliers de cette croissance verte, alors que 735 000 emplois seraient créés en 2018 avant de retomber à 650 000 en 2020. L’impact économique prévisible du Grenelle se trouve dans l’amélioration importante de la balance commerciale du fait de la réduction de la consommation d’énergie thermique de 25 % à horizon 2020.
Par rapport aux autres pays industrialisés, la France maintiendrait ainsi une place plutôt avantageuse. Avec 14,3 milliards d’euros annuel jusqu’en 2020, soit 0,9 % du PIB, la France prévoit des investissements destinés aux mesures vertes bien supérieurs aux Etats-Unis (8,5 milliards soit 0,1 du PIB) ou à l’Allemagne (5,2 milliards soit 0,3% du PIB).
Alors que les projets de loi sont en discussion, les écologistes dénoncent cependant l’adoption d’amendements qui assouplissent les accords initiaux. Selon le député vert Yves Cochet, « les niveaux de performance exigés pour la rénovation thermique et la construction des logements ont été très nettement abaissés. La taxe poids lourds est affaiblie, les centrales à charbon sont relancées, les pesticides bénéficient de dérogations pour échapper aux objectifs de réduction, les projets d’autoroutes sont confirmés, le nucléaire est passé sous silence. » Le parti annonce d’ailleurs qu’il s’abstiendra sur le texte final. Une position soutenue par de nombreuses associations dont le Réseau action Climat qui estime que « les députés ignorent l’engouement écologique des Français ».
Mais nouveau coup de théâtre il y a quelques semaines, le premier ministre Fillon annonce l’abandon du projet de création de la taxe carbone, une des mesures clef du Grenelle. Si la décision, selon certains analystes, répond aux attentes de la droite (le Medef, la grande association patronale), elle inquiète les écologistes qui y voient la mort annoncée du Grenelle. La décision ne serait pas vraiment une surprise, tant elle était discutée dans les rangs du parti du gouvernement. On estimait que cette taxe « qui a fait l’objet de nombreux débats dans notre majorité, n’a de sens que si c’est à l’échelle européenne, on ne peut pas le faire nous, en France, avant les autres ».
Plus tard la semaine dernière, le président Sarkozy a d’ailleurs annoncé qu’à la demande de la France, la Commission européenne proposera en juin un mécanisme carbone aux frontières de l’Union « pour taxer les importations de pays rechignant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ». Donc la taxe carbone sera européenne ou ne sera pas. Mais la France sait très bien que l’Union européenne n’est pas du tout disposée à adopter une mesure de ce type.
En effet, selon une étude de la Commission européenne, la création d’une taxe carbone aux frontières serait jugé non conforme aux règles de l’OMC et trop coûteux. « Une taxe carbone aux frontières présente un nombre considérable d’inconvénients, auxquels il faudrait remédier » selon la Commission européenne. Elle estime qu’une telle taxe pourrait, entre autre, mener à des conflits commerciaux.
Pour la gauche, qui était opposée au projet tel qu’il avait été préparé par le gouvernement, l’annonce de François Fillon démontre « que ce gouvernement n’est pas du tout prêt à respecter la promesse faite de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 ». De son côté, le Réseau action climat qui regroupe 9 des principales associations de défense de l’environnement dont Greenpeace, WWF-France, et Les amis de la Terre, a estimé que « l’abandon de la taxe carbone scelle la mort du Grenelle ». Dans une lettre ouverte au président de la République elles indiquent : « Entre la frénésie pro-environnementale des premiers mois de votre mandat et le déni qui caractérise votre politique actuelle, il ne s’est écoulé que trois ans. Que nous réservez-vous pour demain ? L’abandon du Grenelle ou de ce qu’il en reste ? ».
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