L’auteur invité est la Confédération syndicale internationale (CSI), qui représente 176 millions de travailleurs dans 312 organisations affiliées dans 155 pays et territoires
Des décennies de déréglementation, d’avidité et de spéculation mercantiliste ont plongé le monde dans une récession économique profonde, entraînant des répercussions effroyables pour les travailleurs et leurs familles aux quatre coins du globe. Déjà 34 millions d’emplois perdus et on n’est pas près de voir le bout du tunnel. Avec 64 millions de personnes supplémentaires acculées à l’extrême pauvreté, l’objectif de l’abolition de la pauvreté dans le monde semble toujours plus inaccessible. Cette page de l’histoire où les gouvernements renoncent à leurs responsabilités de gouverner doit être tournée pour de bon. On ne peut plus laisser les banques et les spéculateurs financiers régner en maître absolus sur l’économie mondiale ou simplement glisser la facture aux gouvernements quand leur incompétence et leur avidité plonge l’économie mondiale dans le marasme. Ceux qui ont profité à un tel point et depuis si longtemps de la destruction de vies humaines et du pillage des ressources de notre planète doivent être tenu responsables de leurs actions, et ceux qui sont coupables de crimes économiques doivent en subir les conséquences.
Les gouvernements ont dépensé des trillions de dollars pour renflouer les banques. Même aux tréfonds de la récession, les banquiers et les financiers continuent à ponctionner des quantités faramineuses d’argent de l’économie sans se soucier du tort qu’ils causent. Les devises sont attaquées, les bonus multimillionnaires refont leur apparition et la spéculation financière bat de nouveau son plein, cependant que l’économie réelle est privée des moyens nécessaires pour soutenir et créer l’emploi. Le casino mondial reste ouvert et ce sont encore une fois les gens ordinaires qui trinquent tandis que leur avenir économique est bradé pour satisfaire l’avarice des autres. Pendant ce temps, l’écart entre les riches et les pauvres continue de se creuser, outre les décennies d’inégalités croissantes qui ont, en soi, contribué au développement de la crise.
Il appartient aux gouvernements d’assumer leurs responsabilités en gouvernant dans l’intérêt des peuples, en mettant la finance au service de l’économie réelle, en créant des emplois décents et en veillant à ce que les employeurs respectent les droits des travailleuses et travailleurs. Il leur revient de recouvrer, moyennant la taxation des banques et des finances, les moyens financiers requis pour rétablir l’ordre économique mondial et subvenir aux coûts de la lutte contre la pauvreté et les changements climatiques désastreux. Si le gouvernement manque d’honorer ses obligations et passe outre aux besoins des classes vulnérables et marginalisées, un conflit social aux proportions inédites depuis des décennies devra être considéré comme une issue inéluctable.
Nous demandons que le gouvernement reprenne sa place centrale, que la tendance à l’affaiblissement de la démocratie au nom du capital soit renversée et que ceux qui ont pris et continuent à prendre le pouvoir par des moyens non démocratiques se soumettent à la volonté populaire. Tout le monde doit avoir la possibilité de remplir ses aspirations, tant pour soi-même que pour les générations futures. Chacun et chacune doit avoir la possibilité de construire une vie décente, grâce à un travail décent et des services publics qui satisfont à leurs nécessités.
Ce sont les gouvernements qui ont sauvé le système financier international en oeuvrant ensemble pour sortir du marasme causé par leur propre déréglementation et l’avarice des banquiers. Les gouvernements se doivent désormais de tenir jusqu’au bout. A cette fin, il leur revient de rejeter les demandes visant à la suppression du soutien aux économies fragiles et à une réduction drastique des dépenses publiques. Il leur appartient désormais d’intervenir conjointement et sans plus tarder pour contrôler et réguler les marchés financiers. L’alternative : Une nouvelle récession, plus profonde, entraînant une misère humaine encore plus noire.
Le déficit béant en termes de gouvernance mondiale démocratique ne se limite pas à la crise économique continue. L’échec pitoyable des gouvernements à la Conférence sur le climat à Copenhague est venu accélérer de plus belle la course folle de la terre vers des changements climatiques désastreux. Le besoin d’une transition de grande portée et équitable vers une économie mondiale respectueuse de l’environnement se fait plus pressant de jour en jour. Les gouvernements ont le pouvoir mais il leur faut aussi la volonté de sauver le monde qui se trouve désormais au bord d’une catastrophe environnementale.
Les effets du changement climatique seront le plus durement ressentis dans les pays du Sud, ne faisant qu’ajouter à l’indifférence affligeante à l’égard des besoins des nations les plus pauvres et à l’échec à atteindre les objectifs fixés et les promesses faites par les pays riches en vue de l’abolition de la pauvreté dans le monde. Un nouvel agenda de développement international est requis, qui aide les pays les plus défavorisés du monde à s’extirper du gouffre de la pauvreté, à construire la démocratie, la responsabilité et le respect des droits humains et syndicaux et contribue à la création d’emplois décents et durables pour tous.
Les structures et les politiques de la Banque mondiale, du FMI et de l’OMC devront être remaniées de fond en comble, de façon à assurer une place centrale au travail décent et soutenir la résurgence de la responsabilité et de la gouvernance démocratiques dans chaque pays et à niveau mondial. L’OIT devra se trouver au centre d’une nouvelle gouvernance internationale qui agisse dans l’intérêt des citoyens et qui garantisse un avenir durable et équitable à l’humanité.
Le mouvement syndical international s’est mobilisé pour s’attaquer à cette crise de plein front. Nous nous sommes mobilisés pour exiger une réforme fondamentale et avons défendu la cause des travailleuses et des travailleurs au G20, aux Nations unies et dans l’ensemble des institutions internationales. Nous poursuivrons notre campagne pour la justice sociale, pour démanteler l’édifice de corruption et d’excès et pour construire sur de nouvelles bases. À partir de cette crise, une nouvelle économie mondiale devra être créée qui :
• génère du travail décent et respecte pleinement les droits syndicaux de tous ;
• soit basée sur une gouvernance mondiale effective, démocratique et responsable, qui accorde la priorité aux intérêts des citoyens ;
• garantisse une réglementation financière forte, mettant la finance au service de l’économie réelle et l’économie réelle au service des citoyens ;
• garantisse le respect des droits de tous les travailleurs, sans distinction, et mette fin à la pauvreté, à l’inégalité, à la discrimination et à l’exploitation ; et
• contribue au développement durable, à travers des investissements et des emplois verts.
Le défi devant lequel nous nous trouvons aujourd’hui est parmi les plus grands que le mouvement syndical ait eu à affronter au cours de son histoire. Nous ressentons une grande fierté et avons foi en notre tradition de solidarité qui est aujourd’hui plus forte que jamais et qui nous donne les bases nécessaires pour réaliser notre aspiration à un monde fondé sur la démocratie, la justice, l’égalité et le progrès durable.
On peut lire le texte sur le site de la CSI
Discussion
Pas de commentaire pour “Déclaration du Premier mai 2010 – De la crise à la justice globale”