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Le samedi 23 avril 2022

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La dette de l’Ontario selon la méthode de l’OCDE

L’auteur invité est Louis Gill, économiste, professeur retraité de l’UQAM

S’appuyant sur des propos qui lui ont été confiés par l’ex-premier ministre Bernard Landry, le journaliste Claude Picher de La Presse a écrit dans un article intitulé « Les négationnistes », paru dans l’édition du 27 mars, qu’il est clair que la méthode de l’OCDE fournit un « juste portrait » de l’endettement public du Québec et qu’il ne sert à rien de nier que « le problème est très grave ». Rappelons que la mesure qui en a été faite selon cette méthode par le ministère des Finances dans une étude diffusée en février établit à 94 % du PIB les engagements financiers bruts de l’ensemble des administrations publiques du Québec au 31 mars 2009.

Si Claude Picher et Bernard Landry s’étaient donné la peine de faire le calcul pour l’Ontario selon cette même approche, ils auraient constaté que la province voisine se classe immédiatement derrière le Québec, en tête de liste des administrations publiques les plus endettées. En additionnant à sa dette brute, diminuée des engagements envers les régimes de retraite (182 milliards au 31 mars 2009), les autres éléments de passif et la dette des administrations locales (40 milliards), ainsi que 40 % de la dette non échue et des autres éléments de passif du gouvernement du Canada (252 milliards), nous arrivons à 474 milliards, ou 80 % du PIB de 590 milliards. Le pourcentage de 40 % est la part de l’Ontario dans l’économie canadienne, le double de la part du Québec. Doit-on en conclure, à partir de ce « juste portrait » de son endettement, que l’Ontario ferait face, comme le Québec, à « un problème très grave » ?

Si on compare cet endettement brut de 80 % du PIB en date du 31 mars 2009 avec celui des pays membres de l’OCDE pour l’année 2008, comme le fait le ministère des Finances, on constate que l’Ontario se situe au 7e rang des entités économiques les plus endettées du monde, derrière le Japon, l’Italie, l’Islande, la Grèce, le Québec et la Belgique, et au-dessus de la moyenne de l’OCDE de 78,4 %. Cela devrait calmer les élans des prophètes de malheur qui vouent le Québec aux gémonies pour la place qu’il occuperait au sommet du palmarès de la dette excessive.

Comparaison fautive. Méthode non crédible

Il faut toutefois nuancer. Comme pour le Québec, ce constat repose sur une comparaison fautive et sur une méthode non crédible. C’est en effet avec les chiffres de 2009, et non avec ceux de 2008, qu’il faut comparer l’endettement de l’Ontario en date du 31 mars 2009. D’autant plus que l’endettement de tous les pays a considérablement augmenté en raison de la crise financière et de la récession. Entre 2008 et 2009, l’endettement brut moyen des pays de l’OCDE a en effet augmenté de 11,6 points de pourcentage, passant de 78,4 % à 90 %. Dans le classement de l’année 2009, le Québec se situe au 6e rang et l’Ontario, tout en demeurant lourdement endetté, fait un peu meilleure figure, se situant au 12e rang, derrière les six pays déjà mentionnés, auxquels s’ajoutent la Hongrie, la France, les États-Unis, le Portugal et le Canada, ce dernier avec un endettement brut de 82,5 % du PIB.

Au-delà de ces chiffres qui relativisent l’endettement du Québec, il faut être conscient de ce que la part de la dette du gouvernement fédéral attribuée aux provinces selon la méthode de l’OCDE représente 44 % de l’endettement brut total du Québec et 53 % de celui de l’Ontario. Contrairement à Claude Picher et Bernard Landry qui en font l’apologie, on constate de nouveau qu’on peut difficilement accorder une crédibilité à cette méthode qui attribue à l’endettement d’une province cet énorme fardeau provenant de la dette du gouvernement fédéral, une dette qui échappe entièrement à leur contrôle et pour laquelle ils n’ont aucune responsabilité de payeur de dernière instance.

Cette composante illégitime de la dette imputée aux provinces n’est d’ailleurs nullement prise en compte par les agences de notation qui établissent les cotes de crédit sur les marchés financiers. Celles-ci considèrent la dette à long terme du secteur public diminuée des engagements envers les régimes de retraite et ne tiennent pas compte des autres éléments de passif. Pour le Québec, cette dette était de 181,5 milliards au 31 mars 2009 (60 % du PIB), soit 105 milliards de moins que le montant calculé selon la méthode de l’OCDE. Elle comprend la dette garantie par le gouvernement, principalement celle d’Hydro-Québec (37 milliards) dont les énormes actifs, comme il se doit, sont aussi pris en compte par les agences de notation en contrepartie de cette dette. L’ex-ministre des Finances Bernard Landry ne saurait ignorer ces faits. Aussi est-il désolant de le voir intervenir avec Claude Picher à la défense de la méthode de l’OCDE.

Ceci étant dit, il est incontestable que la dette du Québec, mesurée en pourcentage du PIB selon les concepts de dette brute, dette directe, dette nette, etc., est supérieure à celle des autres provinces. Personne, à ce que je sache, ne nie que la dette du Québec soit importante. Certains par contre la relativisent davantage et la mettent, avec raison, en lien avec les importants actifs qu’elle a permis d’acquérir. Je rappelle que près des deux tiers de la dette du Québec est ce qu’on appelle une « bonne dette », contractée pour acquérir des immobilisations.

On peut lire le texte complet (avec les annexes) sur le site EconomieAutrement.org

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