Rendre les spéculateurs seuls responsables de la crise des finances publiques de la Grèce serait de la démagogie. S’il n’y avait pas, au départ, une perte de contrôle des dépenses de l’État, une corruption généralisée, un système fiscal poreux et une devise (l’euro) surévaluée, la Grèce ne serait pas aussi fragile devant ces gigantesques fonds qui jouent (ou manipulent lorsqu’ils le peuvent) les marchés contre les besoins financiers des États. Les mesures exceptionnelles qui ont été prises par les membres de l’Union européenne montre que cette situation est, d’une certaine manière, un bien pour un mal : n’avait été cette crise, le gouvernement économique de l’Europe n’aurait pas franchi le pas qui a été fait la semaine dernière.
Mais avant ce tournant adopté par l’Europe, le 8 mai, certains économistes proposaient un plan B qui aurait eu l’énorme avantage de faire payer une partie de la crise des finances publiques grecques par les institutions financières qui ont prêté sans compter et qui continueront à profiter, amplement, de cette situation en exigeant des primes de risque importantes. L’économiste Nouriel Roubini, qui ne croit pas au succès durable du plan de sauvetage de la Grèce, propose plutôt un plan B : une restructuration de la dette grecque, une formule qui est normalement utilisée dans les cas extrême (faillite d’entreprise ou situation catastrophique de pays en développement).
Or, le cas de la Grèce est justement extrême. Il est surtout politiquement insoutenable. Il y a quelques années, avant la création de l’Eurozone, la Grèce n’aurait eu qu’à dévaluer le drachme (et par le fait même réduire les salaires relatifs de toute la population active) puis laisser-faire ou aider les acteurs économiques à s’adapter à la nouvelle donne économique. Comme l’Argentine il y a quelques années. Avec l’euro ce n’est plus possible. Pour arriver aux mêmes résultats, l’État doit intervenir directement sur les agents économiques ! Dans un pays comme la Grèce, qui n’a pas de culture de concertation, c’est politiquement insoutenable. Surtout que ce qu’on demande à la Grèce est socialement inacceptable. Alors que les déficits publics sont au-delà de 10 % du PIB, on estime que, dans le meilleur des cas, le pays devrait dégager un excédent primaire (avant paiement des intérêts de la dette) équivalent à 10 % du PIB en 2010-2011. On comprend facilement que les spéculateurs ont beau jeu de miser sur l’échec du plan d’aide ou sur une récession qui va conduire le pays dans les abîmes.
C’est pourquoi des économistes soutiennent que l’Europe devrait accepter une « restructuration de la dette », faute de quoi elle sera aux prises avec une catastrophe. Pour soulager les Grecs durant cette crise, « les prêteurs [devraient] accepter de reculer les échéances de la dette grecque, que les rendements soient révisés à la baisse. » La décote des titres de la dette publique permettrait ainsi d’absorber une partie du choc du redressement économique de la Grèce qu’aura à assumer la population.
Mais pourquoi, alors, ce plan B est mal accepté en Europe ? Bien évidemment parce que ce sont les banques françaises et allemandes qui détiennent la dette grecque et que la France et l’Allemagne sont les deux poids lourds de l’UE ! Interrogée sur cette question, la ministre des Finances de la France, Christine Lagarde a déclaré : « Non, la restructuration (de la dette) est hors de question. Il y a une grande détermination et une grande motivation pour redresser la situation ». Dans l’intérêt de qui ?
Pour comprendre la crise…
http://www.voltairenet.org/article165451.html