Les médias nous inondent présentement de nouvelles optimistes concernant une reprise imminente. On confond allègrement l’évolution des marchés financiers avec l’activité économique réelle. Pourtant, si la crise financière récente devait nous apporter quelques leçons, la plus importante serait de cesser de prendre les vessies des analystes pour des lanternes du savoir !
Pour se faire une idée plus juste de la conjoncture actuelle, et en particulier pour sortir de cette vision trop marchande des analyses faites par les prévisionnistes des grandes institutions financières, je vous suggère de lire cette entrevue réalisée par le magazine Alternatives Economiques avec l’économiste français Michel Aglietta.
S’il y a un constat qu’il faut admettre, c’est que la consommation ne pourra tirer la reprise comme elle le fait dans des cycles d’affaires traditionnels. Aux États-Unis en particulier, la situation financière des banques, la dette des ménages ainsi que celle du pays vis-à-vis l’étranger sont trop importantes pour imaginer une voie de sortie facile. Comme le dit M. Aglietta :
« L’ensemble des conditions de crédit va devenir durablement plus difficile parce que les banques doivent réduire la taille de leurs bilans et que des réglementations plus strictes vont se mettre en place. Par ailleurs, les agents non financiers vont aussi se désendetter. Le piège est une récession qui se nourrit d’elle-même par interaction de la baisse des revenus et de celle de l’endettement. Elle ne peut être amortie que par la dépense publique. La sortie de la récession promet d’être une phase de croissance lente, car l’élimination des mauvaises créances dans une crise bancaire prend entre trois et cinq ans, même si la crise est bien gérée par la puissance publique. »
Parmi les actions qui devront être adoptées pour solutionner cette crise, le retour de la légitimité pleine et entière du rôle de l’État à intervenir dans tous les secteurs d’activités devra s’imposer. Les financiers, qui ont réussi à imposer leur vision de la justice (paradis fiscaux, secrets bancaires, revenus exorbitants), doivent être remis à leur place. Ce ne peut être fait que par le renforcement des capacités d’agir des États.
« Leur vrai rôle [aux États, ndlr] est d’imposer des règles de comportement aux institutions financières: elles ne les adopteront pas spontanément. Le contrôle public doit être plus intrusif. La crise a montré qu’il n’y a pas assez de contre-pouvoirs à l’intérieur des banques. Les Etats – disons les instances publiques de régulation – devraient agir pour que se mette en place une action correctrice précoce afin de repérer les dérapages. Ils veilleront à ce que le contrôle des risques soit effectif. Pour cela, il faudra que la surveillance publique puisse s’exercer jusqu’au cœur même des institutions financières. Et que ce ne soient pas elles, comme hier, qui dictent les règles ».
Cette crise, nous dit l’économiste Michel Aglietta, est d’abord celle d’un modèle de croissance inégalitaire. Son impact sur l’activité sera durable et, conséquemment, de nouveaux modes de régulation vont devoir émerger. Il faudra revenir à un régime fiscal plus progressif mais aussi probablement plus lourd à supporter pour les citoyens. En contrepartie, nous allons récupérer un pouvoir d’influence qui avait été érodé par la mondialisation et la puissance démesurée des grands financiers.
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