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Le samedi 23 avril 2022

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Europe 2020 sur des sables mouvants

L’auteure invitée est Clotilde de Gastines, du journal en ligne Metis, correspondances européennes du travail

Qu’est ce qui cloche dans la nouvelle stratégie européenne Europe 2020 ? Au cours des discussions qui précèdent l’adoption d’Europe 2020 au mois de juin, l’ETUI (Institut syndical européen) prend position. Philippe Pochet, directeur général, décortique les propositions de la Commission intitulées « Europe 2020 » dans un document essentiel : Pourquoi la stratégie UE2020 n’est-elle pas appropriée ? Présentation de Clotilde de Gastines.

Le manque d’évaluation de la stratégie précédente (dite de Lisbonne). Aucun des objectifs n’a été atteint, pourtant certains indicateurs restent identiques. Notamment dans les 5 objectifs prioritaires sont variés.
- Atteindre un taux d’emploi de 75% pour les 20-64 ans, 5 points de plus que dans la stratégie de Lisbonne. Cet objectif sera réaliste si la sortie de crise réussit.
- Investir 3% du PIB dans la R&D. Ce dont doute la Commission elle-même, car cet indicateur ne prend pas en compte la dynamique entre recherche et innovation.
- Réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre et augmenter de 20% la consommation d’énergies vertes. (dans le Paquet énergie-climat adopté en décembre 2008)
- Réduire de 10% l’échec scolaire (30% au Portugal!) et atteindre un taux de 40% de hauts diplômés (15% des 30-34 ans en République Tchèque).
- La seule nouveauté et le seul objectif social est de réduire à 20 million (environ 25%) le nombre de personnes risquant de tomber dans la pauvreté.

Mais, insiste Philippe Pochet, si les objectifs sont uniquement nationaux, et mis en oeuvre à l’échelle nationale, la supervision communautaire est-elle pertinente ?

L’absence de prise en compte de la crise environnementale et économique actuelle. Les propositions ne prennent pas en compte les effets à court et moyen-terme de la crise. Pas un mot sur le budget européen et le niveau idéal auquel il pourrait être fixé. Paradoxalement, Europe 2020 sous-entend limiter la capacité de régulation des autorités publiques. L’agenda pour une meilleure régulation (« better regulation ») a pourtant été rebaptisé régulation intelligente (« smart regulation »), or la stratégie ne tire pas les leçons de la crise ! Elle évite de mentionner que les origines de la crise financière exigent une supervision robuste des risques systémiques sur les marchés financiers, des bulles spéculatives (entre autres dans l’immobilier) et du consumérisme à crédit. Une demi-page sur les 30 concerne la régulation du secteur financier.

Les tensions et les contradictions entre les différents objectifs. Sous l’appellation « sept initiatives-phare » (« flagship initiatives »), Europe 2020 vise des domaines pour lesquelles l’Union Européenne n’a pas encore ou peu de compétence. Compte-tenu de la crise actuelle, des changements géopolitiques, des défis écologiques, financiers et démographiques, la Commission aurait pu prendre pour point de départ qu’en 2020, le monde pourrait être davantage multipolaire, plus préoccupé d’écologie, mieux régulé suite à la crise et plus vieux. L’exercice intellectuel s’appauvrit sans ces projections.

Les propositions. Philippe Pochet prend comme point de départ la lutte contre les inégalités de toutes sortes pour formuler d’autres propositions. Les Européens sont face à un trilemne : préserver l’Etat-Providence (population vieillissante) et les services publics, se consolider fiscalement, investir dans le Vert. La dimension sociale de l’Europe ne peut pas se limiter à la question de la pauvreté, quoique ce problème soit important. La plupart des pays ont connu une augmentation des inégalités salariales et une fragmentation du marché du travail (surtout les nouveaux emplois en CDD ou CDI). Les auto-emploi ont proliféré, ébranlant la solidité des normes collectives. Il faut repenser la cohésion sociale à l’échelon territorial, car la compétition se fait davantage à l’échelle nationale, entre travailleurs aux statuts et nationalités différents qu’entre pays ! Ces tendances vont exploser avec le chômage des jeunes (prêt à travailler pour le minimum). Ainsi une réponse « fléxicuritaire » n’est pas du tout appropriée.

Pour répondre à ces questions, il faut ré-interroger le rôle des droits sociaux contre celui des droits économiques. Les jugements de la Cour de Justice (Viking-Laval;..) ont jusqu’à présent donné raison aux droits économiques. Toute proposition sur le nouveau modèle social européen sera construit sur des sables mouvants, si ce déséquilibre entre les dimensions sociale et économique perdure.

Il est central de percevoir les vrais problèmes et de formuler les défis qu’ils posent. Il faut remettre en question au sein de discussion fondamentales et de révision : les politiques fiscales, industrielles, commerciales, de transport, d’emploi (transition, emplois verts) pour accomplir une transition juste vers un modèle radicalement différent.

On peut lire le texte complet sur le site de Metis, correspondances européennes du travail

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