L’auteur invité est Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques
D’après le COR [Conseil d’orientation des retraites, organisme multipartite français, NDLR], l’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge légal de départ à la retraite ne suffiraient pas à assurer l’équilibre du système à long terme. Il faudrait donc envisager une augmentation des cotisations et un plafonnement des retraites les plus élevées.
Suite à la publication de nouvelles projections il y a quelques semaines (lire à ce sujet « Retraites : un peu de sang froid SVP »), le Conseil d’orientation des retraites (COR) vient de rendre public le résultat de plusieurs simulations complémentaires chiffrant les effets sur les équilibres économiques du système de retraites de différentes évolutions actuellement discutées dans le débat public. Ces chiffrages montrent que le gouvernement fait fausse route car on ne peut pas rééquilibrer le système en jouant seulement sur l’âge de départ en retraite ou la durée de cotisation comme il le souhaite.
Le COR envisage tout d’abord la poursuite de l’augmentation progressive de la durée de cotisation requise pour une retraite à taux plein de 41,5 ans en 2020 à 43,5 ans en 2050. Elle n’aurait par nature d’effets qu’après 2020. Le solde du régime général serait amélioré de 9 milliards d’euros en 2050, soit environ 15 % du besoin de financement estimé alors à 64 milliards d’euros. Ces effets s’ajouteraient à ceux de la hausse de 40 ans en 2008 à 41,5 ans en 2020, déjà actée, qui avaient été estimés à environ 10 milliards d’euros en 2050 par le COR en 2008.
Seconde hypothèse : l’augmentation progressive, à raison d’un trimestre par an, de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 63 ans et de l’âge d’accès automatique au taux plein de 65 à 68 ans. Cette modification génèrerait des gains financiers plus rapides. Pour le régime général, le solde s’améliorerait ainsi de 17 milliards d’euros en 2030 (soit près de 50 % du besoin de financement estimé alors à 35 milliards d’euros). La hausse des âges légaux conduirait dans les simulations à une légère hausse de la pension moyenne, dans la mesure où des assurés contraints de reporter leur départ pourraient de ce fait acquérir davantage de trimestres. Ceci contribuerait à réduire les gains à long terme : le solde du régime général serait amélioré de 18 milliards d’euros en 2050 (27% du besoin de financement). Lors des travaux du COR de 2008, les effets d’une hausse de l’âge d’ouverture des droits à 61 ou 62 ans avaient été estimés respectivement à 2,2 milliards d’euros et 5,7 milliards d’euros en 2050.
La combinaison d’une hausse de la durée à 43,5 ans en 2050 et d’une augmentation, à raison d’un trimestre par an, de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 63 ans et de l’âge du taux plein de 65 à 68 ans, conduirait à un cumul des effets précédents. Pour le solde du régime général serait ainsi amélioré de 17 milliards d’euros en 2030 (50% du besoin de financement) et de 23 milliards en 2050 (36% du besoin de financement).
Comme le rappelle le COR « un relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite aurait surtout des effets pour les assurés qui, sans la mesure, seraient partis à 60 ans, donc des assurés ayant des durées d’assurance relativement longues. Un relèvement de l’âge du taux plein concernerait principalement les assurés qui, sans la mesure, seraient partis à 65 ans pour bénéficier du taux plein, donc des assurés ayant des durées d’assurance relativement courtes. Enfin, un allongement de la durée d’assurance aurait un impact sur tous les assurés mais de nature différente selon les possibilités pour chacun de prolonger ou reprendre une activité. » Autrement dit, la mesure envisagée qui « rapporte » le plus, la hausse de 60 à 63 ans de l’âge minimal de départ en retraite serait aussi la plus injuste parce qu’elle toucherait surtout ceux qui ont commencé à travailler très tôt, qui sont aussi par ailleurs souvent ceux qui ont les conditions de travail les plus dures et l’espérance de vie la plus faible, ainsi que ceux qui ont eu des carrières à trou, souvent les plus fragiles…
Ces évaluations sont bien sûr à prendre avec des pincettes, surtout celles qui concernent un horizon aussi lointain que 2050, mais elles montrent quand même que les leviers sur lesquels le gouvernement (et le patronat) se sont concentrés jusque là pour réformer le système ne sont pas les bons. En écartant a priori l’hypothèse d’une hausse des cotisations (ou encore celle d’un plafonnement des retraites les plus élevées), on s’interdit en effet tout espoir de rééquilibrer réellement le système. On ne fait que placer une rustine supplémentaire, qui plus est socialement très injuste, sans sauver durablement les retraites, contrairement à ce que prétend le gouvernement. A ce niveau, il ne faut pas faire de démagogie : compte tenu des volumes concernés (il manquerait selon le COR 1,9 points de PIB en 2020 et 2,5 en 2030), il ne s’agit pas seulement d’envisager un prélèvement supplémentaire sur les revenus financiers ou une hausse des seules cotisations patronales. Il faudra aussi faire appel à une hausse des cotisations salariales.
On trouve le texte complet sur le site d’Alternatives Economiques
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