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Le samedi 23 avril 2022

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Le rêve américain n’est-il qu’un rêve ?

L’auteur invité est Jean-François Lisée, ancien conseiller des premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard de 1994 à 1999, maintenant directeur exécutif du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM)

On y va pour faire fortune. Pour laisser son bagage derrière soi et recommencer à neuf. On y va pour se mesurer aux meilleurs. Puis devenir les meilleurs. Car les États-Unis sont l’endroit où chacun peut se hisser vers les sommets.

Y a-t-il un peu de réalité derrière ce rêve ? Plein. Bill Gates et Steve Jobs, partis de leurs bricolages dans le garage paternel, ont bâti deux des plus grandes fortunes mondiales. Il y a mille histoires comme la leur. D’enfants du pays ou d’immigrants. Mille récits qui fondent le rêve américain. Mais on apprend que, si les États-Unis sont le pays où quelques-uns peuvent se hisser en haut de la montagne sociale malgré leurs origines modestes, c’est aussi un des pays où ce phénomène est le moins répandu.

Ce sont les vilains économistes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) — le club des pays riches — qui ont fait, en mars, un trou béant dans le mythe du rêve américain. Ils ont comparé les générations : le salaire du père, le salaire du fils. Dans quels pays la condition de vie du fils est-elle la moins prisonnière de celle du père ? Dans les pays sociodémocrates (Danemark, Norvège, Finlande), en Australie et au Canada.

Et à quel endroit la mobilité sociale est-elle la plus faible, c’est-à-dire où les fils de pauvres seront pauvres et les fils de riches seront riches ?

Aux États-Unis, en Italie et en Grande-Bretagne. La France — pourtant très redistributrice — suit de peu ce groupe où la hiérarchie sociale a le plus de force d’inertie.

Partout, évidemment, la meilleure idée est de naître dans une famille aisée. Tout s’ensuit : meilleur environnement social, meilleures écoles, meilleurs emplois, meilleurs salaires.

Mais on a longtemps voulu nous faire croire que les véritables méritocraties, celles où on grimpe dans l’échelle sociale selon son mérite, se trouvaient dans les pays qui exaltent la liberté individuelle et le moins d’État. L’OCDE dit le contraire. Afin que le mérite, quand il se trouve au bas de l’échelle, puisse se libérer des pesanteurs de la pauvreté, l’État doit intervenir pour lui assurer sa chance.

C’est particulièrement vrai en éducation. Et là, la fameuse étude PISA, qui teste régulièrement les élèves du secondaire du monde — les Québécois se classent toujours dans les 10 premiers en maths, en sciences et en lecture —, nous raconte la même histoire quant à l’inégalité. Dans la plus récente étude (2006), les élèves américains arrivent 35e en mathématiques, les Québécois, 5e. Mais ce qui nous intéresse ici est la mobilité. Les États-Unis sont, de tous les pays ayant fait l’objet de l’étude, celui où l’écart entre les résultats des enfants de familles aisées et de familles pauvres est le plus important. Le Québec, le Canada sont, avec les pays nordiques et la Corée du Sud, les endroits où les enfants ont les résultats les plus semblables — donc une éducation de qualité comparable —, qu’ils soient de milieu modeste ou aisé. C’est donc là, et non au pays du dollar, que le mérite a le plus de chances de percer.

On rétorque parfois que les mauvais résultats statistiques américains sont plombés par les minorités noires ou hispaniques (mais jamais asiatiques, qui font monter la moyenne). Curieux argument, car le pays de la liberté devrait étendre ses bienfaits quelle que soit la couleur de la peau.

Mais une étude sur la santé, publiée en avril dans Population Health Metrics, pose la question et trouve cette réponse. Un Blanc qui a 19 ans aujourd’hui aux États-Unis peut s’attendre à vivre en bonne santé pendant encore 49,3 ans. Au Canada, presque trois ans de plus : 52 ans. (C’est aussi la différence en espérance de vie globale.) Enfin, selon les auteurs, même en corrigeant les mesures en fonction de la race, du sexe, voire du tabagisme, « la population canadienne apparaît substantiellement en meilleure santé » que l’américaine. Comment l’expliquer ? Au Canada, la population a accès à des services de santé grâce à un régime universel, et il y a moins d’inégalités sociales et de pauvreté, notamment chez les personnes âgées (23 % des aînés sont pauvres aux États-Unis, contre 6 % au Canada).

Tout bien considéré, c’est Marx qui avait raison. Pas Karl, Groucho. Résumant dans une boutade l’immobilité sociale américaine, il a dit : « Quand je suis arrivé aux États-Unis, je n’avais pas 10 sous en poche. Aujourd’hui, j’ai 10 sous en poche ! » Pardon, je me corrige : Karl aussi aurait été d’accord.

***

ET ENCORE…

Pour l’OCDE, l’inégalité nuit… à l’économie ! « Les sociétés peu mobiles sont plus susceptibles de gaspiller ou de mal utiliser les compétences et les talents. L’absence d’égalité peut influer sur la motivation, le niveau d’effort et la productivité des gens, avec des effets néfastes sur l’efficience globale et le potentiel de croissance de l’économie. »

Pour prendre connaissance du texte complet avec les tableaux commentés, il faut aller sur le blogue de Jean-François Lisée

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