La grogne monte dans l’usine du monde qu’est devenue la Chine. Après avoir subi des conditions de travail de plus en plus intenables, avec des horaires trop chargées, des rythmes effrénés et des salaires de famine, la situation devient explosive. On constate de plus en plus de grèves et d’arrêt de travail en Chine, la plupart du temps dans des gestes spontanés. Le gouvernement, si soucieux d’harmonie sociale depuis le dernier congrès du Parti communiste, commence à s’inquiéter de cette grogne.
Dans la province du Guangdong, les chaînes de montage du constructeur automobile Honda sont à l’arrêt. Cette fois, la crise a pris la forme d’un mouvement de grève. Un phénomène plutôt rare en Chine. Les 1 850 ouvriers entament leur deuxième semaine d’arrêt de travail et demandent une augmentation de salaire d’au moins 20 %. Une première pour Honda en Chine et un signal d’alarme alors que le pays représente 17 % de ses ventes mondiales et ne cesse de croître. Mais pour une fois, pendant quelques jours même les journaux contrôlés par le gouvernement ont brièvement diffusé l’information sur cette grève !
Le salaire actuel des travailleurs de l’usine de Honda gagne autour de 150 $ par mois. L’augmentation qu’ils réclament ajouterait environ 120 $ supplémentaire à leur salaire mensuel. Il y a des ouvriers, dans les usines du sud de la Chine, qui peuvent gagner 300 $ par mois, mais au prix d’un nombre d’heures de temps supplémentaire considérables.
« La Chine est en train de passer du statut de marché émergent à celui d’économie développée et le coût du travail va encore considérablement augmenter. Les industriels et notamment les constructeurs automobiles n’ont pas d’autre choix que d’accepter d’augmenter les salaires de leurs ouvriers s’ils veulent continuer à travailler en Chine », explique Yasuhiro Matsumoto, un analyste de Shinsei securities.
L’enjeu des salaires n’est pas le seul problème. Les conditions de travail sont exécrables. Les « ateliers de misères » dans les secteurs du textile, de la chaussure ou des jouets se transforment, dans les usines de haute technologie, en camp de travail totalitaire. Les suicides à répétition dans les usines de Foxconn – onze de ses salariés se sont tués sur leur lieu de travail depuis le début de l’année – montrent que le modèle économique chinois, basé sur une main d’œuvre à bon marché et très malléable est en crise.
Avec plus de 800 000 employés en Chine, dont 400 000 dans sa gigantesque usine de Shenzen le groupe Foxconn est le plus important sous-traitant d’appareils électroniques au monde, en particulier des si populaires produits d’Apple, qu’ici nous pouvons nous procurer à relativement bon marché. En appliquant d’une main de fer un taylorisme totalitaire, le milliardaire taiwanais Terry Gou engrange des profits pour son entreprise et des devises pour la Chine. Depuis des années, le quotidien des ouvriers de Foxconn est pointé du doigt. Mais il aura fallu attendre les drames de ces derniers mois pour que ses prestigieux clients, dont Apple, Sony et Dell, s’inquiètent pour leur image.
« Mourir pour un gadget ? » titre un quotidien britannique qui rappelle les conditions de travail infernales de ces ouvriers qui produisent le nouveau iPad d’Apple. Selon un reporter du journal chinois « Southern Weekend » qui se serait infiltré pendant un mois dans ces usines « déshumanisation des chaînes d’assemblage » s’ajoute aux conditions de travail épouvantables. Pour les jeunes employés venus des campagnes, déracinés, dont 85% d’entre eux ont moins de 25 ans, le choc est rude.
« Ces ouvriers sont des ‘mingongs’, c’est à dire des ouvriers-migrants. Ils sont plus de 300 millions en Chine venus des campagnes et travaillent pour la plupart dans ces usines gigantesques du Delta de la rivière des perles dans le Sud. Leur quotidien se résume à de longues heures de travail, souvent plus de 80 heures par semaine, des cadences infernales et une pression très forte. Beaucoup sont fragiles psychologiquement et craquent ».
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