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Le samedi 23 avril 2022

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Réformer la fiscalité française pour orienter la sortie de crise

L’auteur invité est Jacques LE CACHEUX, Professeur à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (CATT/UPPA), directeur du Département des études de l’OFCE/Sciences Po, Paris

Propos recueillis par Pauline Gandré et Camille Sutter, élèves en sciences économiques et sociales à l’École Normale Supérieure de Lyon, en préparation d’un article pour la revue Idées à paraître en juin 2010.

“ D’après vous, la sortie de crise est-elle le bon moment pour réformer le système fiscal français ? « 

La crise n’est pas finie et les perspectives, bien que très incertaines, ne sont pas bonnes, pour l’économie française et pour l’Europe. Néanmoins, la réforme de la fiscalité française, dont les principaux défauts ont été depuis longtemps reconnus, est urgente et souhaitable pour au moins trois raisons.

En premier lieu, les déséquilibres des finances publiques qui se sont brutalement amplifiés depuis le début de la crise engendrent, dans un contexte de croissance faible, une dynamique insoutenable de l’endettement public, que l’on ne pourra pas maîtriser sans augmentation des recettes fiscales, les réductions de dépenses étant à la fois peu souhaitables – sur la santé, sur l’éducation et la recherche, sur les dépenses liées au vieillissement – et irréalisables – sur la sécurité, la justice, le chômage, etc.

En deuxième lieu, cette augmentation de la pression fiscale doit être équitablement répartie, ce qui impose de réformer l’ensemble des prélèvements plutôt que d’agir de manière ponctuelle par des modifications qui altèrent la répartition dans des directions généralement mal évaluées et indésirables ; en d’autres termes, il faut que les catégories les plus aisées, qui sont aussi celles qui ont le plus bénéficié de la prospérité avant la crise et de la plupart des allègements décidés depuis deux décennies, soient imposées davantage.

Enfin, il convient d’encourager la reprise économique et de l’orienter dans les directions que l’on juge souhaitables, notamment celle d’une croissance soutenable, c’est-à-dire sobre en matières premières et à basse intensité carbone, ce qui suppose d’infléchir fortement les incitations, donc de corriger les prix de marché par des taxes pigouviennes.

 » Quelles doivent être les orientations principales d’une réforme de la fiscalité en France dans ce contexte ? « 

Les orientations d’une telle réforme découlent logiquement des motivations énoncées ci-dessus.

Il convient tout d’abord d’améliorer le rendement du système fiscal, ce qui peut être obtenu en élargissement les assiettes ou en augmentant les taux de prélèvement. Cela passe notamment par une refonte de l’impôt sur le revenu des ménages, élargissant l’assiette en soumettant toutes les liches fiscales à une sérieuse analyse coût-bénéfice, en instituant un impôt minimum et en ajoutant une nouvelle tranche supérieure au barème, tout en réformant, voire en abolissant le bouclier fiscal. Idéalement, cette refonte devrait être opérée en fusionnant l’IR et la CSG, pour donner à cet ensemble une cohérence et une équité verticale qui n’existent pas dans le système actuel. L’imposition des placements et celle des entreprises devraient également être réformées, afin d’en élargir les assiettes. On pourrait également souhaiter accroître un peu les impôts sur la consommation, en révisant les taux et les assiettes de la TVA. Enfin, il est impératif d’amorcer la mise en place d’une fiscalité environnementale efficace, dont une taxe carbone d’un montant suffisant et clairement croissant, afin d’orienter les choix des agents économiques vers des choix d’équipements à basse intensité carbone.

 » Quels sont les enjeux de la fiscalité locale dans le contexte de crise et après la réforme de la taxe professionnelle ? « 

La suppression de la taxe professionnelle, remplacée par un prélèvement foncier et une cotisation sur la valeur ajoutée, a été motivée par des considérations d’attractivité fiscale et le souhait d’alléger les prélèvements sur les investissements productifs des entreprises.

Ses effets bénéfiques ne sont pas assurés, et ses conséquences pour l’autonomie fiscale des collectivités seront durablement négatives. L’un des enjeux négligés est celui de l’accueil par les collectivités d’équipements générateurs de nuisances, tels que les centrales nucléaires ou les incinérateurs, que la taxe professionnelle facilitait et que le nouveau dispositif n’encourage plus. En outre, l’enjeu principal de long terme est celui du financement de dépenses publiques locales dont le dynamisme est considérable, notamment en raison des compétences transférées ces dernières années par l’Etat, avec une fiscalité locale qui reposera désormais davantage sur les ménages.

Note : pour aller plus loin dans la réflexion sur les enjeux de sortie de crise de l’Europe, il faut aller lire l’entretien de Jacques Le Cacheux avec Philippe Frémeaux, du magazine Alternatives Economiques (accès payant)

On peut lire le présent texte sur le site touteconomie.org

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