L’auteur invité est Gilles Duceppe, député et chef du Bloc Québécois
Vingt ans après l’échec de Meech, un constat s’impose : une offre constitutionnelle du Canada répondant aux besoins du Québec ne viendra jamais. Pendant ce temps, le Canada continue à se construire en fonction de ses intérêts et de ses valeurs qui, trop souvent, vont à l’encontre de ceux du Québec. Pendant ce temps, le poids politique du Québec diminue.
Et les conséquences sont très concrètes: on le voit avec ces assauts répétés contre la loi 101 et contre la culture québécoise; on le voit avec les derniers budgets qui font l’impasse sur les besoins économiques du Québec; on le voit avec cette politique canadienne du tout au pétrole qui va à l’encontre des intérêts stratégiques du Québec.
Je comprends que plusieurs partisans du fédéralisme ne partagent pas mes vues et c’est pourquoi je vous remercie, fédéralistes comme souverainistes, de m’accueillir parmi vous. Je vous demande de faire appel à cette même ouverture d’esprit pour comprendre que, à titre de représentants des Québécoises et des Québécois à Ottawa, nous avons la responsabilité de défendre les intérêts du Québec, et nous allons continuer de l’assumer avec toute la détermination qui est nécessaire.
Les intérêts économiques du Québec sont écartés
Budget après budget, les besoins économiques du Québec sont ignorés et ce n’est pas différent sous les conservateurs. Dans le budget de relance, l’environnement, les industries de la forêt, de l’aéronautique, manufacturière, de la recherche et la culture, très présentes au Québec, ont tous été écartés, alors qu’au même moment les industries de l’auto concentrée en Ontario et du pétrole dans l’Ouest ont reçu un soutien de plusieurs milliards de dollars.
Il y a également ces injustices flagrantes, comme le fait qu’Ottawa s’apprête à verser des milliards de dollars à l’Ontario et à la Colombie-Britannique pour l’harmonisation des taxes de vente, et refuse de verser les 2,2 milliards qu’il doit au Québec qui a déjà procédé depuis longtemps à cette harmonisation.
L’attitude pro-pétrolière du Canada
Au Québec, pour prospérer, il y a une nécessité économique absolue et c’est celle de réduire notre dépendance au pétrole. Avec un baril de pétrole à 75 dollars, comme c’est le cas ces jours-ci, le Québec doit importer pour 20 milliards de dollars de pétrole brut par année. À l’heure des changements climatiques, la réduction de notre dépendance au pétrole est également une nécessité environnementale.
Pour le Québec, pour le Bloc Québécois, il n’y a aucune contradiction entre l’environnement et l’économie. Pour le Canada, c’est le contraire. Le pétrole enrichit le Canada et conditionne toute sa politique économique, fiscale et internationale.
La langue et l’identité
Depuis la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes, nous avons eu de nombreuses démonstrations de l’hypocrisie des libéraux et des conservateurs. Le meilleur exemple, bien sûr, c’est la loi 101, qui a été charcutée et qui n’est même pas appliquée pour tout ce qui est fédéral au Québec. Ensuite, les nouveaux arrivants au Québec se font dire que le Canada est un pays bilingue et surtout anglophone. Ils se font dire que la politique de citoyenneté est fondée sur l’idéologie canadienne du multiculturalisme.
À mon avis, dans ces circonstances, c’est déjà un exploit remarquable que nous ayons réussi à intégrer la moitié des nouveaux arrivants à la majorité francophone au Québec.
L’éducation et la relève comme véhicules de développement
Depuis 15 ans, nous sommes aux prises avec un sous-financement en matière d’éducation, et les premières victimes de cette négligence ce sont les étudiants québécois.
Par exemple lorsque le programme des Bourses du millénaire a été remplacé par le Programme canadien de bourses aux étudiants, le gouvernement du Québec a immédiatement fait valoir qu’un tel programme relevait de ses compétences. Québec aurait donc dû obtenir la compensation de 118 millions de dollars qui représente sa part historique du programme. C’est injuste! Ensuite, pour ajouter à cette insulte, les conservateurs ont également décidé de sabrer dans le financement de la recherche. Au Bloc Québécois, nous sommes convaincus que, pour assurer une prospérité durable, le Québec doit miser sur les trois piliers de développement que sont l’éducation, la recherche et la culture.
Par ailleurs, développer le Québec de demain, c’est assurer la relève nécessaire à ce que toutes les régions au sein du territoire profitent d’une véritable chance. Il faut donc assurer la relève. Et pour assurer cette relève, il faut que les jeunes diplômés aient envie de s’établir dans les régions. C’est pourquoi le Bloc Québécois prône des incitatifs fiscaux allant jusqu’à 8000 dollars sur trois ans aux étudiants québécois, afin de les aider à s’installer en région. Voilà une mesure qui répond aux préoccupations concrètes des finissants et qui amènera des résultats tout aussi concrets. Nous aurons cependant du travail au cours des prochains mois pour que cette mesure soit finalement mise en œuvre.
La souveraineté, la meilleure voie pour tout le monde
Vingt ans après Meech, le Québec est de plus en plus mal servi sur les plans économique et environnemental, comme c’est le cas en matière de langue, de culture et d’éducation. Il est clair qu’au Canada, il n’y a aucune volonté politique de répondre aux aspirations du Québec. Nous allons quand même continuer à faire notre travail et aller aussi loin que possible pour élargir la marge de manœuvre du Québec dans le Canada. Nous allons le faire de bonne foi, comme toujours, en essayant de réaliser des gains substantiels. En même temps, en 2010, le Bloc va continuer à être un des fers de lance du mouvement souverainiste. Nous allons continuer à imaginer le Québec souverain et à mettre notre projet à jour continuellement.
Quand les Québécois réaliseront que l’espoir d’une réforme du fédéralisme est illusoire et que la seule voie d’avenir pour le Québec, c’est la liberté politique, à ce moment-là, nous serons prêts à mettre en œuvre un projet de souveraineté clair et emballant. Nous travaillerons simultanément à expliquer aux Canadiennes et aux Canadiens que la souveraineté du Québec profitera tout autant au reste du Canada.
Je l’ai dit et je le répète, le Québec et le Canada ne partagent pas les mêmes intérêts et la même vision de leur développement. En ce sens, la souveraineté est la solution gagnante pour tous.
On trouve ce texte sur le site d’AmeriQuebec.net
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