L’auteur invité est Christian Chavagneux, journaliste d’Alternatives Economiques
Le G20 affiche le désir de limiter l’instabilité de la finance. S’il y parvient, il faudra encore remettre celle-ci au service de l’économie.
Le pouvoir de la finance est-il sans limite ? Pendant les années 2000, banquiers, fonds spéculatifs et autres financiers se sont enrichis en nourrissant une spéculation d’ampleur historique. Les gouvernements ont dû mobiliser des milliers de milliards d’euros pour sauver les banques et éviter que l’économie plonge dans la dépression.
Pratiquement deux ans et demi après la panique qui a suivi la chute de Lehman Brothers, qu’est-ce qui a changé ? A priori, rien. Les banques se sont hâtées de rembourser l’aide des Etats – accordée quasiment sans condition – et se retrouvent les mains libres. Les marchés continuent de spéculer à coeur joie. Ils profitent d’une instabilité qu’ils sont les premiers à entretenir, car plus il y a de volatilité, plus il y a de paris à faire et plus il y a d’argent à gagner. Et comme ils gagnent effectivement beaucoup d’argent, les bonus suivent. Business as usual.
Pourtant, en même temps qu’ils géraient l’urgence, les grands pays ont ouvert de vastes chantiers de régulation, destinés à encadrer le pouvoir de la finance. C’est ce qui se joue au G20. Il est de bon ton, chez les intellectuels, de droite comme de gauche, de qualifier cette instance de « G vain »: plus de deux ans et demi après la faillite de Lehman, les nouvelles politiques de régulation réellement mises en oeuvre se font en effet attendre. Mais rappelons qu’après la crise de 1929, les Etats-Unis n’ont commencé à réguler la finance qu’en 1933. Et qu’après la panique financière qui les avait touchés en 1907, il avait fallu attendre 1913, soit six ans, pour qu’ils créent… une banque centrale. Et ils n’étaient pas obligés de se mettre d’accord à 20 !
De fait, quand on se donne la peine d’aller voir sous le capot, de mettre les mains dans le cambouis des propositions techniques, le regard change. Des institutions de contrôle de la finance ont été créées ou renforcées. Des politiques précises ont été définies et tous les chantiers avancent peu ou prou. Les banques et les fonds spéculatifs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés: le danger est tel qu’ils utilisent toute leur puissance politique pour résister. Rien ne dit qu’ils n’en sortiront pas gagnants, avec une régulation a minima. La bataille se joue en ce moment et l’issue n’en est pas écrite.
S’il réussit malgré les dissensions entre les Etats et le lobbying intense des établissements financiers, le G20 réduira – pour un temps du moins – le pouvoir de nuisance de la finance et son instabilité chronique. Ce sera un progrès, mais il demeurera insuffisant. Car il faudrait ensuite remettre la finance au service de l’économie. Ce qui réclame des mesures plus ambitieuses, porteuses d’une modification en profondeur du comportement des banques, des actionnaires, mais aussi des Etats.
Dans son numéro d’été – juillet-août – Alternatives Economiques aborde de long en large les divers enjeux liés à une régulation durable de la finance.
• Six questions clés pour une réforme
Les pays du G20 affichent leur volonté de réguler la finance internationale pour limiter les risques d’une nouvelle crise. Sont-ils crédibles ? Tour d’horizon des chantiers en cours. Les chefs d’Etat et de gouvernement du G20 vont-ils oui ou non se montrer à la hauteur du défi historique auquel ils sont confrontés: casser le pouvoir de la finance pour limiter les crises que celle-ci ne manque pas de provoquer quand on lui lâche la bride. Pour les optimistes, la liste des chantiers de réglementation ouverts est impressionnante: banques, fonds spéculatifs, produits dérivés, agences de notation, paradis fiscaux…, rien ne semble échapper à l’oeil des Etats. Les Américains ont pris de l’avance et pourraient voter une loi de régulation financière assez impressionnante dès le début juillet, une loi qui » sera une sorte de déclencheur pour les autres pays « , selon Paul Volcker, l’un des conseillers économiques d’Obama.
Imposer de nouvelles règles ne suffira pas à remettre la finance au service de l’économie. Les banques, leurs actionnaires et les Etats doivent aussi changer de comportements. Les meilleures règles du monde ne résistent pas longtemps si les acteurs n’ont de cesse de chercher à s’en affranchir. La régulation de la finance échappera-t-elle à ce sort? Si les projets actuellement en discussion au G20 survivent à l’intense lobbying des banques, les marchés financiers seront en principe mieux encadrés, donc moins instables. Les banques devront mettre davantage de capital de côté, elles seront moins endettées, donc moins vulnérables, mais aussi moins rentables (voir page 8). Le pouvoir de nuisance de la finance sera écorné. Mais l’esprit sera toujours le même tant que les acteurs ne changeront pas.
On peut lire ce texte sur le site du magazine Alternatives Economiques
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