Les lecteurs d’OikosBlogue le savent : nous avons confiance dans le potentiel de renouvellement de la gouvernance mondial par le G20, en remplacement du G8. Mais ce qui est sûr, néanmoins, c’est que la rencontre de Toronto a été d’une inutilité totale, pour un coût astronomique. Cette rencontre n’a eu lieu, finalement, que parce qu’il était intolérable que les grandes puissances émergentes de laisser les dirigeants du monde développé, qui portent les responsabilités de la crise financière, se donner en parade de la gouvernance mondiale sans y être invités.
C’est la rencontre du G8 qu’il aurait fallu annuler, rendant caduque celle du G20. Il faudrait faire comprendre aux dirigeants des pays développés que dans un contexte difficile comme celui que nous connaissons, les dépenses découlant de cette institution désuète – pour être poli – qu’est le G8 sont devenues totalement inacceptables.
Les vraies décisions vont se prendre en Corée cet automne.
Contrairement à ce qu’affirme Josée Legault, on ne peut pas dire que les pays se sont entendus à Toronto pour ne pas imposer de taxes spéciales aux banques puisque ce n’était pas à l’ordre du jour et que plusieurs pays ont déjà commencé à imposer de telles taxes, dont la Grande-Bretagne conservatrice qui va aller chercher un montant appréciable de son plan de réduction du déficit. Il y a tout lieu de penser que les jeux ne sont pas faits et que les forces de la réaction, dont le premier ministre du Canada est maintenant devenu le chef de file, ne contrôlent pas totalement la situation. Prétendre que la résolution sur la baisse de moitié des déficits d’ici 2013 est une victoire de Harper est légèrement exagérée. Si les pays se tenaient à cette résolution ce serait déjà bon : l’Espagne, dont le déficit a explosé à 11,2 % du PIB en 2009, n’aurait pas à le réduire à 6 % en 2011 et à 3 % en 2013 comme le gouvernement espagnol l’a annoncé !
Mais de toute façon les vrais enjeux ne sont pas là. Dans tous les cycles économiques, il faut arriver à un moment donné à recommencer à diminuer la part de la dette. Mais comment y arriver ? C’est là-dessus que nous faisons face à un mouvement réactionnaire d’acteurs politiques et économiques qui refusent de reconnaître que la dernière heure de l’ultralibéralisme a sonné et qu’il est maintenant temps, pour eux, de payer la note. Les Conservateurs canadiens, les Républicains aux États-Unis, les acteurs financiers irresponsables, les pétrolières et tous ceux qui ne veulent pas perdre les privilèges démesurées acquis au cours des trente dernières années sont prêts à tout pour s’opposer aux changements.
Ces réactionnaires s’obstinent à proposer la réduction des déficits par des coupures drastiques dans les dépenses publiques et une déréglementation encore plus forte des marchés. Comme aveuglement on ne fait pas mieux. Même les marchés boursiers – non pas les firmes de notation, mais les centaines de milliers, les millions de porteurs de titres – signalent avec force leur perte de confiance pour une éventuelle reprise de l’activité économique suite à la multiplication d’annonces de plan de lutte contre les déficits.
La lutte au déficit doit se faire par le biais d’une stratégie de relance. D’une part en allant chercher de nouveaux revenus chez les ménages plus favorisés et par une surtaxe sur les profits des institutions financières et des pétrolières; d’autre part en investissant massivement dans la décarbonisation de l’activité économique, sur la base de nouveaux emprunts en « obligations vertes ».
La crise que nous venons de traverser n’était pas une récession classique – c’est-à-dire la phase décroissante d’un cycle d’affaires. Elle marque plutôt la fin, ou au pire le début de la fin, d’un cycle long de croissance. Cette période est caractérisée par l’incompatibilité entre les mesures usuelles de l’ancien régime de croissance, qui ne font plus recettes, et les besoins et opportunités d’un nouveau régime de croissance qui exige l’institutionnalisation des innovations sociales et technologiques en émergence. C’est ça l’enjeu : ou le choix réactionnaire des Harper et consorts, qui mène à la catastrophe, ou une stratégie de relance fondée sur la solidarité et le développement durable.
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