L’auteur invité est Rainer Schlüter, directeur de la plate-forme des coopératives en Europe et directeur général de la section Europe de l’Alliance coopérative internationale. Propos recueillis par Jean-Paul BIOLLUZ, ECO-SOL, Brest (France) pour ARIA-Nord
ARIA-Nord : Vous estimez « que le capitalisme va dans le mur ». Est-ce que cela va changer la donne économique et sociale ?
Il est clair qu’aujourd’hui les citoyens ont perdu confiance dans le système. Et ça, ça va énormément modifier la donne. Dès à présent, on assiste à un retour en grâce des coopératives.
Je pense à l’Angleterre en particulier. On assiste à un «rush» sur ce type d’entreprises. À un retour massif même.
ARIA-Nord : pourquoi ce retour vers la forme coopérative ?
Les gens avaient fait d’autres choix, parce qu’il est vrai qu’ils gagnaient plus facilement ailleurs, dans l’autre économie. Mais avec la crise les gens comprennent qu’on perd aussi plus facilement ailleurs. Ils se tournent vers des modèles plus stables.
Les coopératives n’affichent qu’une rentabilité de 3 %, 4 % ou 5 % , mais une rentabilité assurée sur le long terme. Certes, ce n’est pas 15 %, 20 %, 30 %, mais ce n’est pas non plus brusquement – 20 %, -30 %, -40 %. Les gens ont pris conscience qu’il valait mieux s’investir dans ce type de modèle. Et puis, il y a un retour à certaines valeurs, et à un certain militantisme qui était en crise ces 20 dernières années.
ARIA-Nord : vous êtes directeur de la plate-forme des coopératives en Europe. Que représente cette plate-forme ?
Cette plate-forme a été créée à Manchester en novembre 2006. Elle regroupe 172 fédérations nationales de coopératives dans les 37 pays de l’Union Européenne.
ARIA-Nord : pourquoi cette création ?
Nous avons fusionné les secteurs coopératifs professionnels organisés à Bruxelles et l’Alliance Coopérative Internationale qui, elle, est régionalisée. Nous nous sommes regroupés pour parler d’une même voix au niveau européen. Si la Commission européenne reconnaît les banques coopératives, les coopératives agricoles, ou bien encore les coopératives d’assurance, elle ne reconnaît pas notre particularisme comme modèle d’entreprises avec nos logiques de propriété différentes, nos logiques de gouvernance différentes, nos logiques de gestion du profit tout à fait différentes. On est même attaqué, aujourd’hui, sur certains de ces éléments, notamment les réserves impartageables. On s’est donc regroupé pour avoir une plus grande force d’expression politique, y compris en lançant des pétitions auprès de nos membres.
ARIA-Nord : quels sont les objectifs ?
Entrer dans les grandes sphères de consultation comme le patronat européen sait le faire. Et revendiquer un champ législatif adapté aux entreprises coopératives. Aujourd’hui, c’est un modèle unique, celui de l’entreprise capitaliste qui détermine les décisions prises à Bruxelles. Or, neuf fois sur dix, cela a des impacts négatifs pour nous. On doit donc se défendre, mais pas seulement se défendre. Il faut que nous parvenions à créer les mêmes capacités de développement que les autres avec nos propres instruments. On ne fonctionne pas de la même manière que l’entreprise capitaliste.
Que les pouvoirs publics et institutions diverses le reconnaissent.
ARIA-Nord : comment comptez-vous parvenir à imposer votre point de vue ?
Déjà, par une plus grande cohérence dans notre expression, mais aussi par une plus grande présence à Bruxelles avec la mobilisation de budgets plus importants. Il faut aussi, et c’est un enjeu important, faire des alliances plus larges avec les mutuelles, avec les associations dans le cadre de l’économie sociale. Mais aussi, peut-être avec d’autres types d’acteurs. Je pense aux caisses d’épargne, à des formes non capitalistes d’entreprises qui ne font pas nécessairement partie de l’économie sociale, comme les entreprises publiques qui défendent l’intérêt général.
ARIA-Nord : vous considérez qu’il ne faut pas seulement engager un dialogue social avec les syndicats, mais construire avec eux ?
Il faut développer un partenariat, parce que nous avons d’abord une histoire commune. Nous sommes nés de la même histoire sociale, celle où les travailleurs et les exclus ont revendiqué le droit à manger, le droit à l’habitat, le droit à l’assurance. Des revendications qui sont les mêmes pour les syndicats et le monde de l’économie sociale.
On a un parcours commun, on a des valeurs communes. Aujourd’hui, nous nous retrouvons, trop souvent, de manière erronée, de part et d’autre de la barrière, employeurs – syndicats, pour négocier. C’est important. Mais, ce n’est pas la seule chose. Je crois que nous avons des choses à revendiquer en commun sur le terrain des modèles (modèle d’entreprise, modèle social, modèle qui assurerait une qualité de vie).
On peut lire ce texte sur le site Internet de la conférence internationale « Quel projet de société pour demain ? »
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