CESD-Oikos-989x90

Le samedi 23 avril 2022

Recherche:

Au sujet de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG)

Les auteurs invités sont Catherine Caron et Claude Vaillancourt, d’ATTAC-Québec

Quels enjeux pour les populations, les territoires et l’économie sociale et solidaire en Europe et au Québec ? De fortes inquiétudes confirmées quant aux conséquences de l’AECG sur la politique sociale, la protection de l’environnement, les services publics ou la culture.

Poussé par les lobbies d’affaires, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne ( AECG ) se veut plus ambitieux que l’Accord de libre-échange canado américain ( ALÉ ).

Mai 2009, les négociations ont débuté et doivent se terminer d’ici la fin de l’année 2011.

Janvier 2010, les plus grands syndicats du secteur public canadien et leurs vis-à-vis européens ont publié une étude qui soulève la majorité des enjeux majeurs présentés ci-après.

19 avril 2010, l’Internationale des services publics, la Fédération syndicale européenne des services publics, de concert avec des syndicats affiliés et des organisations de la société civile membres du Réseau canadien pour le commerce juste, dont fait partie ATTAC-Québec, ont dévoilé certains aspects de l’ébauche de l’AECG, obtenue grâce à une fuite. Leurs inquiétudes ont été confirmées quant aux conséquences de cet accord pour la politique sociale, la protection de l’environnement, les services publics, la culture, les droits de propriété intellectuelle, la souveraineté alimentaire et d’autres domaines essentiels pour les citoyens européens et canadiens. Ensemble, ils ont demandé à la Commission européenne et au gouvernement canadien de ne pas négocier un accord qui permette aux entreprises de remettre en question les politiques gouvernementales locales d’achat ou de réglementation et de soutenir plutôt la protection sociale et le travail décent dans le monde entier – un impératif dans le contexte de la crise mondiale. Le Réseau canadien a publié une déclaration faisant part des demandes qui devraient être prises en compte avant que les négociations ne puissent continuer.

Juillet 2010, la 4e ronde de négociations aura lieu à Bruxelles et ces demandes ne sont toujours pas entendues. Le processus de négociations est mené avec la seule participation des milieux d’affaires, sans transparence ni débat public démocratique. Des centrales syndicales québécoises se sont aussi vues refuser une rencontre avec le négociateur du Québec.

Un AMI en puissance

Les négociateurs canadiens ont inclus un mécanisme de règlement de différends calqué sur le chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Cela permettrait à des multinationales de demander des compensations financières lorsque des réglementations entravent leur capacité d’engranger les profits escomptés. Par exemple, la multinationale américaine Dow Agrosciences réclame actuellement 2 millions de dollars au Canada en raison de l’interdiction par le Québec de la vente de son pesticide 2,4-D, utilisé à des fins esthétiques. Les pays de l’U.E. pourraient ainsi voir leurs réglementations en matière de lutte aux changements climatiques contestées, puis abolies. La France, qui a joué un rôle majeur dans le rejet de l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI) pourrait se trouver à accepter ce qu’elle a refusé hier.

Impacts sur l’environnement et l’agriculture

La visée fondamentale du libre-échange est l’abolition de ce qui est considéré comme des obstacles au commerce. Du point de vue des milieux d’affaires canadiens, la divergence des normes techniques et de la réglementation de l’U.E. et du Canada dans les secteurs de la santé et de la sécurité, et de la protection environnementale est un irritant. Sont visés : les obstacles non tarifaires que représentent à leurs yeux la politique agricole commune, la réglementation de l’U.E. concernant les OGM, l’interdiction concernant l’utilisation des hormones dans la production du bétail et les dispositions liées au nouveau programme de réglementation des produits chimiques REACH, entre autres. Les pays de l’U.E. risquent de voir leurs normes environnementales – supérieures à celles d’un pays comme le Canada, entre autres adversaire affirmé de la réduction des gaz à effet de serre – affaiblies, voire contestées à travers l’organe de règlement des différends.

Marchés publics et libéralisation des services

L’ouverture des marchés publics est l’une des priorités des Européens qui ont, à cette fin, insisté pour que les provinces canadiennes soient impliquées directement dans les négociations. Presque toutes les entités publiques sont visées à tous les niveaux de gouvernement. C’est là un approfondissement très inquiétant du libre-échange qui conduirait à toutes fins pratiques à la destruction des marchés publics en tant qu’outil de développement local, un outil d’autant plus précieux dans le contexte de crise mondiale actuelle C’est la capacité même des pouvoirs publics de mener des politiques publiques en toute souveraineté, que ce soit pour favoriser l’emploi local, l’achat local ou une réglementation environnementale, par exemple, qui est mise à risque.

Ainsi, il sera difficile pour les divers paliers de gouvernement de développer des politiques favorables à l’économie solidaire. De surcroît, ce que l’Union Européenne hésite à demander aux pays en voie de développement à la suite d’intenses pressions – soit les services d’eau potable –, elle ose le demander au Canada dans l’intérêt de ses multinationales. Par ailleurs, voir dans cette ouverture des marchés publics un instrument efficace de lutte à la corruption est utopique et peu crédible car « améliorer la transparence et la responsabilité ne nécessite pas de sacrifier la puissante contribution que les marchés publics peuvent apporter à la réalisation d’objectifs sociaux, économiques et environnementaux » (Scott Sinclair, Negociating from weakness, Centre canadien des politiques alternatives, avril 2010, p.10).

Quant à la libéralisation des services poussée par les Européens, elle pose définitivement une menace sur les services publics et établit de nouveaux droits des investisseurs qui rendront quasi impossibles la sortie de privatisations ratées (pensons à la re-municipalisation de services de l’eau en France).

• L’Union Européenne est favorable à une approche dite positive comme dans l’AGCS où seul ce qui est listé est libéralisé.

• Le Canada, pour sa part, cherche à imposer une approche plus globale et radicale, dite négative : tous les secteurs de services seraient libéralisés à l’exception des plus sensibles qui seraient listés et exemptés. Cette approche fait en sorte que tout ce qui est oublié ou nouveau tombe automatiquement sous la coupe de l’accord. Elle a fait partie des nombreuses raisons qui ont conduit au rejet par les populations du projet de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA).

La culture non protégée

ATTAC-Québec a appris avec stupéfaction, de la bouche même du négociateur du Québec lors d’une rare conférence publique, que même la culture était sur la table de négociation, ce qui est en contradiction avec les engagements pris par le Canada et la Communauté européenne dans le cadre de la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ce que la France et l’Europe ont soutenu avec fermeté, en accord avec le milieu de la culture, apparaît menacé dans ces négociations.

Paver la voie à une autre crise financière

Autre sujet préoccupant : la poursuite de la déréglementation de la finance qui se fait à travers le libre-échange. Scott Sinclair du Centre canadien des politiques alternatives (CCPA) est l’un des rares chercheurs à avoir analysé le contenu de l’ébauche de l’AECG. Il affirme : « En dépit de la récente crise financière qui a conduit l’économie mondiale au bord du gouffre, les négociateurs européens veulent l’imposition d’un test de nécessité restrictif concernant toutes les mesures visant à assurer l’intégrité et la stabilité du système financier. Cette proposition, plus intrusive que toutes celles des autres grands traités internationaux de commerce, serait une barrière à la réglementation financière des gouvernements d’une manière plus poussée que ce qui existe actuellement dans l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et l’ALÉNA. Si acceptée, cette proposition alarmante affaiblirait considérablement la capacité des gouvernement de réglementer les pratiques nuisibles tant dans le système financier formel qu’informel, et de prévenir la récurrence d’une autre crise financière. » (Negociating from weakness, CCPA, avril 2010, p.18 ).

Ce ne sont là que quelques-uns des aspects préoccupants et profondément antidémocratiques de l’AECG qui, en affaiblissant systématiquement le pouvoir des gouvernements, fait en sorte que ceux-ci ne pourront représenter les intérêts de la majorité de la population. De plus, une fois l’entente conclue, en vertu du principe de la nation la plus favorisée de l’ALÉNA, les concessions que le Canada aura faites à l’Union Européenne devront aussi être faites aux investisseurs et fournisseurs de services des États-Unis et du Mexique, aggravant les impacts de cet accord.

On peut lire ce texte sur le site régional français Assorennes

Discussion

Pas de commentaire pour “Au sujet de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG)”

Commentaire

Inscrivez votre courriel ci-dessous pour recevoir le bulletin hebdomadaire:

Agenda Public

Un code est requis pour ajouter des evenements a l'agenda.
Appuyez sur "Obtenir un code" ci-dessous pour s'inscrire.

Si vous avez un code, inserez votre code ci-dessous:

Votre compte étant nouveau, s'il vous plait enregistrer vos informations:











Informations sur l'evenement a ajouter: