L’auteur invité est Manuel Domergue, journaliste d’Alternatives Economiques
Comment contrebalancer l’influence politique des acteurs du monde de la finance ? En créant un contre-pouvoir associatif capable de promouvoir une véritable régulation des marchés financiers, propose un appel lancé par une vingtaine de députés européens.
Une vingtaine de députés européens, de toutes nationalités et de tous groupes politiques, du Parti populaire européen à la Gauche unitaire européenne, ont lancé lundi 21 juin un appel à créer un observatoire de la finance. Ces députés, pour la plupart membres de la Commission des affaires économiques et financières, au premier rang desquels le député d’Europe-Ecologie Pascal Canfin, ex-journaliste à Alternatives économiques, regrettent « la pression exercée par l’industrie financière et bancaire pour influencer les lois qui la régissent ». Et appellent « la société civile (ONGs, syndicats, universitaires, think-tanks…) à s’organiser pour créer une (ou plusieurs) organisation non gouvernementale capable(s) de développer une contre expertise sur les activités menées sur les marchés financiers par les principaux opérateurs (banques, compagnies d’assurances, hedge funds, etc…) ».
Qui sont les lobbyistes de la finance ?
Confrontés, dans leur travail parlementaire quotidien, à un intense lobbying de l’industrie financière, qui s’est dotée d’une expertise pointue et de relais d’influence efficaces auprès des parlementaires et des hauts fonctionnaires, les élus signataires de l’appel ne jugent pourtant « pas anormal que ces entreprises fassent entendre leur point de vue et discutent régulièrement avec les législateurs ». Mais ils dénoncent « l’asymétrie » entre les protagonistes engagés dans le travail d’influence : des dizaines d’appels téléphoniques, d’argumentaires et de demandes rencontres reçus de la part des représentants des acteurs financiers, soucieux par exemple de rendre indolore la directive sur les fonds spéculatifs actuellement en discussion, mais rien ou si peu de la part des associations ou des syndicats…
L’efficacité du lobbying du monde de la finance est renforcée par la proximité de ses dirigeants avec la sphère politique. Depuis une vingtaine d’années, les transferts d’un monde à l’autre se sont banalisés. En France, la carrière d’un Michel Pébereau, polytechnicien et énarque, est éclairante : conseiller technique de Valéry Giscard d’Estaing à Bercy dans les années 1970, il passe ensuite des cabinets ministériels à la direction de grandes banques, comme le Crédit commercial de France ou la BNP. En parallèle, il est régulièrement chargé d’écrire divers rapports pour les gouvernements successifs et préside le conseil de direction de Sciences Po, tout en cumulant des postes d’administrateurs dans six entreprises du CAC 40. Une position au carrefour de plusieurs réseaux de pouvoir qu’aucun dirigeant d’ONG ne peut aujourd’hui espérer égaler, loin de là.
L’ouverture d’une enquête préliminaire pour « prise illégale d’intérêts », annoncée le 23 juin 2010, au sujet de la nomination de l’ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée François Pérol à la tête du groupe Banque populaire-Caisse d’épargne (BPCE), vient d’ailleurs rappeler toute l’ambiguïté de la consaguinité des élites politiques et financières.
Pourquoi créer un nouvel outil associatif ?
Et en face ? « Il n’existe pas aujourd’hui de contre-pouvoir suffisant dans la société civile », affirment les signataires. Pourtant, de nombreuses organisations de la société civile ont déjà vocation à placer la finance sous surveillance, comme par exemple ATTAC, Oxfam, le réseau européen Banktrack ou encore la Confédération européenne des syndicats. Mais chacune d’entre elles reconnaît qu’elle ne dispose de moyens équivalents à ceux déployés par les lobbies de la finance pour maîtriser des dossiers très techniques et faire valoir leurs opinions à Bruxelles. Le réseau européen Banktrack, par exemple, qui piste les financements des acteurs financiers en direction de projets controversés sur le plan social ou écologique, ne dispose que de trois experts salariés…
Sur des points précis comme la lutte contre les paradis fiscaux ou pour la restitution des « bien mal acquis » des chefs d’Etats placés à l’étranger, des réseaux ou des ONG comme la Déclaration de Berne ou Oxfam, ont acquis une expertise significative. Mais ils peinent à aborder tous les sujets sur le fond. « Pour travailler sur les hedge funds, les marchés dérivés ou les chambres de compensation, nous n’avons clairement pas la masse critique », regrette ainsi Yann Louvel, chargé de campagne spécialiste du suivi des acteurs financiers aux Amis de la Terre.
Comment des élus peuvent-ils appeler à créer un nouvel outil de la société civile ?
Le texte des parlementaires est un appel du pied aux ONG pour qu’elles s’organisent et se renforcent, au sein d’une sorte de « Greenpeace de la finance ». La démarche est inhabituelle, puisqu’elle consiste explicitement à participer à la structuration de la société civile, qui se caractérise généralement par son extériorité à la sphère politique. Pascal Canfin se veut rassurant : « Il ne s’agira pas pour les parlementaires que nous sommes de faire partie de cette ONG, écrit-il, et notre rôle d’interpellation s’arrêtera à la rentrée de septembre ». Le rôle des acteurs politiques revendiqué ici est donc davantage d’équilibrer le poids des divers intervenants dans le processus de décision, par exemple en votant des subventions pour renforcer les moins fortunés des acteurs que sont les associations.
Celles-ci ont bien accueilli l’initiative, mais la route est encore longue pour sortir du tête-à-tête entre pouvoirs publics et lobbies de la finance.
On peut lire ce texte sur le site du magazine Alternatives Economiques
Observer la finance c bien, mais la soumettre à la justice c mieux!
Nous devons annuler les titres spéculatifs et refonder un système de crédit public orientant exclusivement l’argent vers l’économie productive.
Mettre les banques au pas et redonner le la:
LE GLASS-STEAGALL GLOBAL
ET LE PRECEDENT FRANCAIS
http://www.solidariteetprogres.org/article6594.html