L’auteure invitée est Danielle Lavoie, infirmière et anthropologue médicale, maintenant retraitée du réseau public de santé québécois dans lequel elle a œuvré, entre autres, comme cadre en CLSC et comme conseillère experte auprès des jeunes et ce, pour le compte de l`Agence de la santé et des services sociaux de Montréal.
La place du privé, élément majeur dans la vague du libéralisme économique à la Charest, touche le cœur du système de santé québécois en en réduisant l`accès aux soins publics de santé.
La lutte que mène présentement la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) dans sa ronde de négociations avec le gouvernement Charest illustre bien ce propos.
• Le gouvernement Charest vient de signer une entente avec les 3 plus importantes centrales syndicales du Québec.
• Les professionnelles de la FIQ refusent de se laisser imposer un « décret déguisé« .
• Le ministre Bolduc affirme que ce qui est bon pour les infirmières de ces centrales ( CSN et FTQ) est bon pour la FIQ.
La stratégie du gouvernement Charest, en concluant une entente avec les 3 centrales, excluant la FIQ, était cousue de fil blanc. Le ministre Bolduc n`a d`ailleurs pas tardé à sortir le chat du sac.
En isolant la FIQ et ses 58 000 membres, le ministre Bolduc désire soumettre ces professionnelles à sa vision : « Les filles, je vous demande de suivre mes prescriptions, sinon gare aux sanctions. Les services publics ne doivent pas souffrir de vos caprices ». Lors du déploiement de ressources contre la grippe A H1N1, le ministre Bolduc brandissait ses menaces de renvoi à l`égard des infirmières qui contestaient cette mascarade. Devant un tel mépris, les professionnelles de la FIQ doivent se préparer à un jeu de bras de fer hors du commun.
Ces professionnelles, principales actrices du réseau public de santé, affirment vouloir protéger le réseau public de santé de l`érosion par le privé tout en proposant des dispositions à leur convention collective favorisant la rétention de leurs membres et la reconnaissance de leur travail.
Le système public de santé est réellement touché par la pénétration des entreprises privées de soins
• Entre 1975 et 2008, la croissance des dépenses de santé assurées par le régime public a été inférieure à la croissance économique
• Les dépenses de santé occasionnées par le recours au secteur privé ont été de 50% supérieures à la croissance économique (Voir à ce sujet le blogue de la présidente Régine Laurent, présidente de la FIQ, Dis-moi ce que je veux entendre)
Depuis 2003, le recours aux agences privées n`a cessé d`augmenter. Pensons aux CHU et aux CHSLD en partenariat public-privé et les centres médicaux spécialisés privés.
L`inertie du gouvernement Charest, voire son refus à redresser la barre menace sérieusement les valeurs et la volonté des québécois en un système de santé équitable pour tous.
Le recours au privé, l`abandon des professionnelles de la santé , le maintien des salaires faramineux des médecins, la hausse effrénée des médicaments au profit de compagnies pharmaceutiques , le choix du béton et des soins curatifs au détriment du choix de mesures préventives et promotionnelles de santé illustrent bien l`orientation néolibérale de nos dirigeants : plus de place au privé, au libre marché, moins de réglementation, plus de tarifs et de taxes à la consommation de services de soins pour tous. Il faut comprimer les dépenses publiques et sauvegarder la croissance économique pour les mieux nantis.
Depuis plusieurs années déjà, les infirmières épuisées désertent le réseau public de santé pour rejoindre les agences privées qui offrent de meilleures conditions de travail à meilleur prix. D`où vient l`argent pour payer ces infirmières, pensez-vous? De nos impôts puisque qu`elles sont embauchées par le réseau public avec la bénédiction du ministre Bolduc. En sabrant ainsi dans le réseau public, où veut en venir le gouvernement Charest?
Selon Régine Laurent, présidente de la FIQ, ses 58 000 professionnelles n`ont plus rien à perdre. Elles sont mobilisées et déterminées. Les négociations avec le gouvernement achoppent principalement sur les questions des horaires et du recours aux agences privées. La FIQ propose des aménagements d`horaire sur trois, quatre ou cinq jours et des postes à temps partiel de sept jours par deux semaines. Quant au recours à 3 000 infirmières du secteur privé, la FIQ réclame la mise en place de limites. À cela, Québec répond par la mise sur pied d`un groupe de travail sur des sujets faisant déjà l`objet de négociation. Enfin, la FIQ refuse la bonification des primes aux soins critiques proposée par le gouvernement car pour en bénéficier, « une infirmière devrait renoncer à tous ses congés de maladie », dit madame Laurent ( Les infirmières refusent de se laisser imposer un décret déguisé, Le Devoir, 3 et 4 juillet 2010).
Il est clair que le ministre Bolduc, sous prétexte de limiter les coûts, désire serrer la vis aux infirmières qui réclament de meilleures conditions de travail par, notamment, une meilleure gestion des effectifs dans le réseau public de santé.
Qu’en dit la population ?
Au lendemain du dépôt du budget Bachand, en avril dernier, un sondage produit par la FIQ auprès de la population sur la perception des professionnels en soins et leurs revendications démontrait que :
• 87% de la population estime que, dans le cadre des négociations actuelles, la FIQ défend non seulement l`intérêt de ses membres mais aussi celui du public;
• 83% des québécois croient que l`amélioration des conditions de travail est susceptible d`améliorer le système de santé;
• 80% de la population se dit favorable à la proposition de la FIQ de revoir l`aménagement du travail en transformant tous les postes à temps partiel en postes à temps plein et faire en sorte que l`horaire temps plein passe d`une semaine de 5 jours à 4 jours, avec des journées de travail un peu plus longues;
• 30% des répondants appuient le recours aux entreprises privées de placement en soins par les établissements du réseau public. (Le blogue de la présidente Régine Laurent, présidente de la FIQ, Le militantisme des membres et les sorties publiques de la FIQ dérangent le gouvernement)
Il appartient maintenant au peuple québécois et à toutes les instances influentes de les appuyer car si nos décideurs ne leur offrent pas des mesures structurantes pour mieux dispenser les soins à tout le monde, on risque de devoir dire adieu au principal pan du réseau public de santé québécois que sont ces professionnelles.
« Depuis plusieurs années déjà, les infirmières épuisées désertent le réseau public de santé pour rejoindre les agences privées qui offrent de meilleures conditions de travail à meilleur prix. D`où vient l`argent pour payer ces infirmières, pensez-vous? De nos impôts puisque qu`elles sont embauchées par le réseau public avec la bénédiction du ministre Bolduc. » Est-ce qu’on ne pourrait pas placarder cette phrases sur les autobus et le long des routes (comme on aime tant le faire pour des sujets moins importants) et ainsi faire réfléchir plus de gens sur ce sujet. Les syndiqués y sont sensibilisés mais la croyance populaire démolit beaucoup de leur travail malgré que les avancées pour la population en général viennent aussi des réclamations des syndicats pour une meilleure répartition des richesses collectives. Réfléchissons!