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Le samedi 23 avril 2022

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Retraites : mensonges et cynisme

L’auteur invité est Michel Husson, économiste, chercheur à l’IRES et membre d’ATTAC-France

Beaucoup de choses ont été écrites sur le projet de « réforme » mais il faut insister sur son caractère mensonger et cynique. On nous dit, par exemple, que le déficit des retraites serait de 30 milliards d’euros en 2010. Mais la moitié environ est imputable au régime des fonctionnaires sur la base d’un calcul purement fictif. Le budget doit en effet couvrir les traitements et les pensions, de telle sorte que la cotisation des fonctionnaires est virtuelle, puisque l’Etat reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre. Le comble du cynisme est atteint quand on invoque l’équité pour augmenter cette cotisation afin de l’aligner sur le privé, puisque cela ne veut rien dire d’autre qu’une baisse du traitement des fonctionnaires.

« Face à un défi démographique, la réponse démographique relève du bon sens », expliquait Sarkozy le 15 juin dernier. La grande astuce est ici de mélanger le déficit actuel et le déficit dans dix ou trente ans. Or, ils ne sont pas de même nature : le déficit actuel a été provoqué par la crise qui a tari les ressources des régimes. Il faut donc des mesures exceptionnelles de prélèvement sur les revenus financiers. Ce ne serait que justice, puisqu’à notre connaissance, ce ne sont ni les salariés ni les retraités qui ont provoqué la débâcle.

« Si on vit plus longtemps, on doit travailler plus longtemps », nous dit encore Sarkozy. Mais même si les salariés le voulaient, compte tenu de l’état du marché du travail et de la pratique des entreprises, ils ne le pourraient pas. Les mesures d’âge n’auraient comme seul effet que d’allonger la période qui sépare l’emploi de la retraite. Et cela ne suffirait même pas, comme vient de le montrer le Conseil d’orientation des retraites. De plus, celles et ceux qui seront ainsi coincés dans une situation où ils n’auront plus d’emploi mais pas encore de retraite devront bien recevoir des revenus de remplacement qui réduiront d’autant ces « économies ». Chérèque n’a pas tort de dire que cette réforme est faite pour les cadres supérieurs, car les plus touchés seront les salariés aux carrières chaotiques, en premier lieu les femmes. 30 % d’entre elles attendent déjà jusqu’à 65 ans pour bénéficier d’une retraite « à taux plein ». Avec la réforme, il leur faudra attendre deux ans de plus, au-delà de leur espérance de vie en bonne santé qui est de 64 ans aujourd’hui. Quant aux jeunes, le message subliminal qui leur est envoyé est limpide : si vous voulez une retraite décente, épargnez !

Eric Woerth prétend que cette réforme serait « juste ». Mais la « contribution de solidarité sur les hauts revenus et les revenus du capital » que l’on avait fait miroiter s’est réduite, comme prévu, à quelques mesures homéopathiques. Pour l’essentiel, ce sont les salariés qui devront couvrir l’essentiel du déficit dont, encore une fois, ils ne sont pas responsables. Le débat était de toute manière verrouillé par avance en raison du dogme selon lequel on ne peut augmenter les ressources des régimes. Les retraites, c’est aujourd’hui 13 % du PIB, et ce plafond ne devrait plus jamais être dépassé au cours des décennies à venir.

Pour justifier cette règle, le gouvernement ressort l’argument éculé de l’effet négatif des « charges » sociales sur l’emploi. Il a le culot de se réclamer de la défense du pouvoir d’achat pour récuser toute hausse du taux de cotisation et refuse évidemment tout élargissement de l’assiette, au nom de la compétitivité.

La ficelle est un peu grosse, car tous ces arguments reposent sur cet unique postulat : pas touche aux dividendes ! Et ils tombent tous – même celui de la compétitivité – si l’augmentation du coût du travail est compensée par une baisse des dividendes. Modifier la répartition des revenus en la faisant basculer des actionnaires vers les salariés, telle est la solution qui permettrait d’accompagner une croissance du nombre de retraités plus rapide que celle des salariés.

Cette réforme brutale est aussi le prélude à un plan d’économies budgétaires tout aussi brutal qui la suivra de près. C’est pourquoi, la manifestation réussie du 24 juin nous a fait entrer dans une nouvelle séquence de luttes contre la régression sociale.

On peut lire ce texte sur le site REGARDS

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