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Le samedi 23 avril 2022

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L’université d’été du Parti Socialiste : le retour du PS

L’auteur invité est Benoît Lévesque, professeur émérite à l’UQAM et l’ÉNAP

En France, la plupart des partis politiques organisent à la fin de l’été des universités d’été pour mobiliser leur base militante et pour se préparer pour la rentrée. Une rentrée qui sera faite entre autres de manifestations (ce qui n’est d’ailleurs guère surprenant pour la France), d’abord le 7 septembre contre le projet de retraite et par la suite le 15 septembre. Tous les partis politiques de gauche se préparent, entre autres par une université d’été. Ainsi, au cours de la dernière fin de semaine du mois d’août, le Parti communiste français (PCF) tenait son université d’été à Seignosse dans les Landes, le Parti de la gauche (PG) faisait de même à Grenoble (Isère) alors que les Verts avec Europe-Écologie s’étaient réunis au cours de l’été à Nantes. Même s’il n’est pas un parti politique comme tel, ATTAC avait tenu plus tôt son université d’été à Arles sous le thème « repenser l’émancipation sociale, l’état de demain ». Toutefois, la plus importante de ces Universités semble bien être celle du Parti socialiste, tant par la participation que par les moyens dont elle dispose.

Ainsi, l’université d’été du Parti socialiste et celle du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) ont réuni plus de 4000 élus, militants et invités. Cette université, qui existe depuis dix-huit ans, est devenue une institution avec Emmanuel Maurel comme directeur des Universités permanentes et d’été du Parti socialiste. Depuis plusieurs années, elle se tient à La Rochelle et ce sera aussi le cas l’année prochaine et les années suivantes. Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) dont la présidente est Laurianne Deniaug, y tient en même temps son université d’été avec ses activités propres, mais aussi en y partageant des plénières dont celles de l’ouverture et de la clôture. Cela assure une présence importante de jeunes mais je parierai que ces derniers ne sont pas majoritaires pour autant. L’université d’été du PS réunit toutes les générations. Les femmes sont bien représentées, y compris comme tête d’affiche, mais les minorités visibles le sont manifestement beaucoup moins.

Les objectifs de l’université : formation, débat, renouvellement des idées, mobilisation et rayonnement

Le rayonnement et la mobilisation s’imposent dès le départ. Comme par les années passées, les ténors du PS y étaient présents, à commencer par la première secrétaire, Martine Aubry, et la présidente du Conseil régional de Poitou-Charentes, Ségolène Royal. Les François Hollande, Laurent Fabius, Bernard Delanoë, Benoît Hamon, Vincent Peillon et alii ont également pris la parole, soit en ouverture, soit en clôture (moment fort), soit en plénière. De même, les journalistes sont également très nombreux en provenance aussi bien des médias électroniques (au moins sept cars de télévision de divers réseaux) que des médias écrits. Le Monde et Libération, par exemple, ont consacré au moins une page aussi bien le vendredi que le samedi et même le lundi.

À certains moments, comme lors de l’ouverture et de la clôture, alors que les fanions s’agitent et que les applaudissements se multiplient, nous avions l’impression d’être au cœur d’une convention politique pour la désignation d’un chef. Martine Aubry et Ségolène Royal ne se déplaçaient jamais sans être entourées de journalistes alors que d’autres ténors étaient courtisés pour des déclarations pouvant faire la manchette. Avec un discours soutenu d’une heure trente pour clore cette université sur le thème d’une autre France, Martine Aubry a eu la chance de s’imposer comme personne d’autre n’a pu le faire au cours de ces trois jours (il faut ajouter que sa fonction de première secrétaire le justifiait, mais une heure trente cela ne passe pas inaperçu).

Enfin, les occasions de nouvelles pour les journalistes n’étaient pas évidentes puisqu’aucune décision n’était prévue et que les idées débattues n’étaient pas nouvelles. De toute façon, les idées nouvelles ne font généralement pas la manchette, y compris quand elles le sont. Cela dit, Olivier Schmitt dans Le Monde (30 août 2010 : 7) a rappelé l’existence du « Laboratoire des idées » créé il y a deux ans et présidé par Christian Paul, député de la Nièvre. Comme l’indique Michel Wieviorka dans ce même article, ce laboratoire, qui avait la responsabilité d’une plénière de l’université d’été et d’une activité Hors les murs, permet « des collaborations au long cours » entre hommes et femmes politiques, d’une part, et intellectuels et chercheurs, d’autre part. Cela devrait être plus fructueux au plan des idées que de demander comme par le passé « des notes de deux pages, ou de plancher une demi-heure devant quelques responsables », de conclure le sociologue du Centre d’analyses et d’interventions sociologiques de l’École des hautes études en sciences sociales.

Bien que réunissant plusieurs personnalités publiques et en dépit de plusieurs discours plutôt politiques dans le sens partisan, il s’agissait bien d’une université (d’été) avec sa thématique, ses plénières, ses ateliers de formation et ses ateliers de débat. En plus, des conférenciers et intervenants socialistes, on y retrouvait des invités externes au Parti socialiste pour leurs idées, leur création ou leur action sociale, soit des intellectuels, des universitaires, des écrivains, des artistes, des comédiens, des chorégraphes, des syndicalistes (FO, CGT, CFDT) et des intervenants sociaux. On y retrouvait aussi des invités de plusieurs autres pays dont la Grande-Bretagne, la Grèce, l’Italie, les Etats-Unis et le Québec (en ce qui nous concerne). Au total, sans doute plus de cent cinquante intervenants.

L’environnement créé pour l’événement facilitait les discussions, les échanges et la réflexion avec entre autres un cinéma où l’on projette des films pertinents pour leur contenu politique et une librairie où l’on peut lire et acheter les ouvrages des intervenants et même leur proposition de lecture, y compris des romans. Ces activités se tiennent pour la plupart dans un espace bien délimité autour de l’Espace Encan, sur les quais de cette belle ville qu’est La Rochelle. Enfin, comme nouveauté cette année, certaines activités se tenaient Hors les murs, au cœur même de la ville. Chaque jour, un court journal, L’indispensable, est distribué à tous, faisant un court rapport de certaines activités de la journée précédente et annonçant des changements ou rappelant des activités à venir. Enfin, sur le site internet de l’université d’été une partie importante des conférences est diffusée en direct et on y retrouve également des résumés d’atelier de même que des entrevues.

Une thématique principale, mais des thèmes très nombreux et diversifiés

La thématique principale de l’université d’été 2010, « La vie que l’on veut », n’allait pas de soi pour un parti politique, a fortiori pour un parti socialiste. Sur la page d’accueil du site, il est écrit « les universités d’été sont titrées « La vie qu’on veut », et permettront de populariser le projet PS, de mobiliser contre la politique du gouvernement et de montrer le volontarisme du PS pour améliorer concrètement la vie des Français ». Martine Aubry, première secrétaire nationale, précise ailleurs : « La vie qu’on veut. C’est d’abord une société fondée sur la justice (…). C’est une société qui rompt avec la tyrannie du court terme et du profit maximum, pour prendre en compte les besoins réels des hommes et de l’environnement et la préparation de l’avenir. C’est une société qui rompt avec le tout avoir et l’individualisme au profit de l’émancipation de chacun et du vivre ensemble. C’est une société qui donne sa chance à chacun et qui ne laisse personne sur le bord du chemin » (Voir L’indispensable, No 2, 27 août 2010).

La thématique « La vie que l’on veut » voulait sans doute ouvrir sur l’alternative politique, celle d’une autre France, sans par ailleurs avoir l’intention réelle de la préciser à ce moment-ci puisque le travail de renouvellement est loin d’être terminé et que les élections présidentielles ne se tiendront qu’en 2012. Dès lors, les discours des politiciens socialistes faisaient une place très importante à la critique de la droite, à commencer par Nicolas Sarkozy. L’expulsion des ROM, le projet de retraite et celui de la décentralisation revenaient les plus souvent, avec comme leitmotiv l’image d’une France abîmée par le président de la République. Par ailleurs, les plénières et les ateliers avaient tous une thématique bien spécifique qui permettait de savoir de quoi il y était question. Il est difficile sinon impossible de rendre compte des contenus de l’ensemble des travaux tant le parcours d’un participant peut être différent de celui d’un autre.

L’ouverture s’est faite avec des interventions des représentants des instances nationales et régionales concernées (voir le site de l’université d’été) suivie immédiatement par des ateliers. Sans compter l’ouverture et la clôture, nécessairement en plénière, il était possible d’assister à cinq plénières qui portaient sur les thèmes suivants :
• La crise, la Grèce, l’Europe et nous. La crise, point de départ d’un nouveau modèle de développement, solidaire, écologique et durable
• Territoire en danger. Décentralisation. Projet de contre-réforme sans consultation des élus (il existe un projet de loi qui réduit le rôle des élus sur le territoire)
• Faire société. La peur de l’avenir, le sentiment de déclassement, la confiance ébranlée (plénière organisée par « Le laboratoire d’idée » qui regroupe des intellectuels indépendants du PS)
• La question sociale au cœur de notre projet. Crise sociale et retraite (Le projet de réformes des retraites est fortement contesté et sera l’objet de manifestation dès le 7 septembre, les syndicats sont directement concernés)
• Le monde dans vingt ans : coopération contre compétition

Entre les plénières (et parfois en concurrence avec ces dernières), vingt-six ateliers dont certains visaient plutôt la formation et d’autres le débat. Sans faire une liste de tous ces thèmes, indiquons qu’ils étaient très divers, allant d’ateliers relativement techniques comme « le décryptage des dernières élections régionales » (atelier no 1), « Yes we can. Comment mobiliser notre électorat en et hors campagne ? » (atelier no 6) et « les primaires pour la présidence : mode d’emploi » (atelier no 14) à des ateliers, les plus nombreux, portant sur des enjeux sociaux et politiques tels le défi migratoire (atelier no 12), la société des seniors (atelier no 18), la discrimination positive : statistiques ethniques, quotas sont-ils compatibles avec les principes républicains ? (atelier no 15) ou encore des ateliers carrément tournés vers l’avenir tels l’économie française dans vingt ans (atelier no 25) ou encore la transition environnementale (atelier no 26). Par ailleurs, avec Laurent Godmer, maître de conférence à l’Université de Paris-Est, et Alain Richard, vice-président du Parti socialiste européen (PSE), j’intervenais dans l’atelier no 4 présidé par Alain Bergounioux (secrétaire national aux Études du PS, directeur de la Revue Socialiste et président de l’Office universitaire de la recherche socialiste). Le thème de cet atelier était « la crise de la social-démocratie européenne aujourd’hui » (le texte de mon intervention est disponible et une version plus courte paraîtra dans un prochain numéro de la Revue socialiste). Enfin, dans les activités dites Hors les murs, il existait entre autres des « cartes blanches » données par exemple à une écrivaine telle Valérie Zanetti ou encore à un artiste comédien comme Gérard Garouste ou encore une personnalité bien connue comme Danielle Mitterrand, présidente de France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand.

Enfin, le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) qui était invité à participer aux plénières de l’université d’été du PS, avait aussi organisé des activités spécifiques pour ses membres. D’abord trois plénières : une première portant sur « Mon quartier, c’est ma république », une seconde sur « L’entreprise autrement, c’est possible », une troisième sur « On change le monde, la révolution numérique ». Ensuite, cinq ateliers portant sur des thématiques telles « Drogue : autre politique » ou encore « Inventer l’éducation populaire au XXIe siècle ». Enfin, trois café-débats portant sur l’allocation-autonomie, sur les sans-papiers et la gauche et sur l’État n’est pas tout, à partir du dernier ouvrage de Jean-Louis Laville dont le titre est Politique de l’association.

Le retour du Parti socialiste comme alternative ?

Donné pour mort, il y a un an, le Parti socialiste serait aujourd’hui vainqueur si l’on se fie à un sondage lui donnant 55% des voix (sondage dont plusieurs journaux faisaient allusion à cette occasion). Si l’insatisfaction à l’égard de Nicolas Sarkozy joue en faveur du PS comme parti d’alternance, il n’est pas perçu pour autant comme une alternative. Ainsi, le même sondage révèle que 57% des citoyens pensent que le PS ne ferait pas les choses autrement que le pouvoir en place. En somme, le principe de l’alternance joue pleinement en faveur du PS, mais cela ne signifie pas qu’il représente une réelle alternative.

Par ailleurs, le PS semble s’être mis sérieusement à l’ouvrage pour proposer quelque chose de différent, d’où une confiance retrouvée. D’abord un souci d’unité, comme on a pu l’observer à l’université d’été lorsque Ségolène Royal et Martine Aubry ont fait leur entrée en se tenant par le bras comme deux sœurs et par la suite dans les discours des grands ténors où l’on ne retrouvait pas les méchancetés de l’année dernière. Ensuite, outre la nouvelle « déclaration de principes » adoptée en 2008, la Rénovation du parti adoptée en juillet dernier mettra fin au cumul des élus et devrait faciliter le choix du candidat ou de la candidate à la présidence avec des règles claires pour les primaires. Plus largement, cette Rénovation représente un effort sérieux pour démocratiser le PS lui-même, ce qui constitue à notre avis la première étape pour rendre possible la traduction en programme d’aspirations provenant de ceux et celles qui croient au changement. Enfin, trois grandes conventions sont annoncées pour les mois à venir : une première sur le nouveau modèle de développement, une seconde sur la nouvelle donne européenne et sociale et une troisième sur l’égalité réelle.

Il faudra attendre la convention extraordinaire du printemps 2011 pour voir si le PS représente non seulement un parti d’alternance mais aussi un parti d’alternatives. On comprend ainsi que si l’université d’été 2010 était bien ouverte aux débats et aux idées nouvelles, les candidats éventuels à la présidence ont été plus enclins à dénoncer la droite qu’à énoncer ce que la gauche entend proposer comme programme puisque ce dernier n’est pas encore arrêté. Il faut aussi ajouter que le choix du candidat ou de la candidate du PS à la présidence devrait donner également une couleur plus ou moins marquante au programme alors adopté.

Ce texte est tiré du site du Chantier sur le renouvellement de la social-démocratie

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