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Le samedi 23 avril 2022

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Hommage au Devoir

L’auteur invité est Richard Le Hir, avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95).

ENFIN ! Oui, enfin ! Je commençais sérieusement à me demander si ce n’était pas moi qui étais porté à réagir démesurément devant l’avalanche de faits troublants qui nous tombent sur la tête depuis que Jean Charest a pris les rênes au Québec. L’affaire Bellemare, bien sûr, mais aussi toutes les autres qui nous amènent à nous interroger au profit de qui ce gouvernement exerce le pouvoir.

De jour en jour depuis le 30 novembre 1998 [élection de Jean Charest comme député de Sherbrooke aux élections générales du 30 novembre 1998, NDLR], il s’est produit un glissement, au tout début imperceptible, puis de façon de plus en plus marquée, dans les bénéficiaires de l’exercice du pouvoir, d’abord la population, puis ensuite une foultitude d’intérêts privés qui en sont venus à parasiter complètement le système.

Contributions politiques, allers-retours des cabinets politiques au secteur privé, noyautage par les « amis » de toutes les structures du pouvoir, détournement de la finalité des grandes institutions que sont la Caisse de dépôt et placement et Hydro-Québec, transactions douteuses au bénéfice d’intérêts privés (Gaz Metro), mainmise de la mafia sur le processus des appels d’offres publics dans la construction, liens suspects du pouvoir avec les dirigeants d’agences de sécurité qui obtiennent de lucratifs contrats du secteur public… Même les garderies n’ont pas échappé à la rafle systématique des profiteurs du système.

Aujourd’hui [l’édition du 3 septembre, NDLR] enfin, Le Devoir, dans un sursaut d’indignation, pose un geste rare et courageux en sur-titrant sa première page avec la mention « UN GOUVERNEMENT EN CRISE ». Il faut maintenant espérer qu’il répètera ce geste jusqu’au dénouement de cette crise qui ne peut venir qu’avec la démission du gouvernement Charest et la tenue d’élections générales.

Le fait que ce soit un journal qui ait à poser un geste à si haute valeur symbolique nous oblige à nous interroger sur la faiblesse de l’Opposition officielle dans toute cette affaire.

Elle n’est pas parvenue à mordiller plus haut que les jarrets. Agacer, picosser, oui.

Terrasser, non. Il faut espérer qu’elle saura saisir cette perche tout à fait inattendue que vient lui tendre Le Devoir.

À ceux qui seraient tentés de croire que le départ de Jean Charest devrait suffire, il faut rappeler que Jean Charest n’est que la figure de proue d’un énorme système, une véritable pieuvre qui a étendu ses tentacules à tous les niveaux. Le départ de Jean Charest, devenu le symbole de toutes nos frustrations devant cette situation, permettra de changer l’air pendant une semaine ou deux, mais la pieuvre sera toujours là. Elle aura tout simplement pris un autre visage.

Il y a un an commençaient à s’élever des voix en faveur d’une enquête sur les liens entre le pouvoir et l’industrie de la construction. Cette enquête demeure plus que jamais nécessaire, mais ce ne peut pas être la seule. Non plus est-il possible de fondre cette enquête-là avec une enquête plus large sur les liens entre le pouvoir et les intérêts privés.
Dans le cas de l’industrie de la construction, c’est l’infiltration de la mafia qu’il faut faire ressortir, avec son cortège de corruption, de trafics illicites, de blanchiment d’argent et de méthodes fortes.

Dans le cas des intérêts privés, les méthodes employées sont beaucoup plus douces, et la corruption prend le visage du monde ordinaire, autant dire de nous tous. Le questionnement qui résulterait de cette deuxième enquête nous interpellerait bien davantage que le premier et nous obligerait à repenser nos valeurs en profondeur, un exercice qui serait particulièrement salutaire à cette étape de notre histoire.

Et l’indépendance dans tout ça ? L’indépendance est un autre chantier, et le déroulement des événements est en train de nous apporter une autre preuve de la nécessité absolue pour ceux qui croient en sa nécessité de se mettre à l’oeuvre pour la faire eux-mêmes. Dans les années qui viennent, le gouvernement aura d’autres chats à fouetter. Le seul espoir qui reste, c’est de lui présenter l’indépendance sur un plateau d’argent, toute prête à être mise en oeuvre. Il s’en attribuera le mérite. Et puis après…

Ce texte est tiré du site de Vigile

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