Dans mon billet de la semaine dernière, j’appuyais la demande d’un moratoire proposée par plusieurs organisations. Il nous faut un moratoire d’une durée significative, d’une part pour prendre le temps de faire les études selon les règles de l’art, mais idéalement pour remettre les choix finaux à la veille des prochaines élections québécoises, ce qui permettrait de rendre les Québécois juges ultimes des solutions à choisir entre la filière libérale de l’Association pétrolière et gazière du Québec ou un projet fondé sur l’intérêt général du Québec.
On ne peut pas, avec les connaissances que nous avons aujourd’hui, choisir ce qui est bon pour le Québec mais aussi pour la planète, car il faut que ce choix tienne évidemment compte de la cible de réduction des GES adoptée par le Québec. Or, s’il se révèle, comme nous le signale Louis-Gilles Francoeur, que le gaz de schiste est aussi polluant que le charbon en raison des fuites de méthane lors de son exploitation, il y a lieu de se demander si nous ne devrions pas plutôt continuer à importer du gaz naturel conventionnel.
Richard Le Hir résume assez bien la problématique à laquelle nous faisons face. Tout est question de mesure. Ce qu’il faut rejeter, ce sont les stratégies qui mènent aux excès, qui s’avèrent généralement les pires solutions : tout développer tout-de-suite; rejeter tout développement d’énergies fossiles; tout nationaliser, etc. L’occasion est bonne pour passer à une nouvelle phase du BAPE, en s’instrumentant de nouveaux outils d’analyse qui permettraient de tenir compte des impacts économiques, sociaux et environnementaux de nouveaux projets de développement, en prenant le temps de le faire selon les meilleures règles de l’art.
Ce n’est pas rien ! Pour bien mesurer les impacts sociaux, il faudrait redonner une place plus importante à la participation des acteurs sociaux, de la formulation des mandats jusqu’à la formulation des recommandations. Pour les impacts environnementaux, il faut faire appel aux meilleurs experts et donner les moyens aux organisations de la société civile active dans le domaine de l’environnement. Pour les impacts économiques, il faut sortir de la pensée ultralibérale qui a largement contaminée les lieux de pouvoir politiques et économiques, et faire en sorte de renouveler le cadre de pensée permettant d’actualiser le modèle québécois de développement.
Dans le domaine de l’exploitation des énergies, je ne crois pas à la supériorité de la nationalisation, contrairement à la filière hydroélectrique ou aux infrastructures publiques. D’autres outils sont disponibles. La Norvège a réussi à imposer ses règles d’exploitation du pétrole et du gaz en détenant 51 % de toutes les activités pétrolières et gazières sur son territoire, sans être elle-même nécessairement l’exploitant.
« Il y a des participations qui peuvent être prises dans les entreprises, des sociétés mixtes peuvent être bâties. On a de grandes sociétés d’État qui pourraient être amenées à investir sans qu’il y ait une nationalisation. [...] Il n’y a pas que la propriété. Il y a les redevances, la taxation. Il y a beaucoup de voies possibles à utiliser pour s’assurer que le Québec sorte gagnant », a souligné Pauline Marois. Il faut redonner à la SGF, par le biais de sa filiale SOQUIP, un pouvoir d’agir dans ce domaine.
Laisser l’exploitation du gaz naturel aux générations futures ? Mais selon les estimations actuelles, le gaz de schiste présent sous la Vallée du Saint-Laurent représente une centaine d’années de la consommation actuelle de gaz naturel au Québec, donc au bas mot pour quatre générations. Ce qu’il faut savoir c’est s’il est possible d’exploiter cette ressource de façon rentable sur les plans économique, sociale et environnemental. Il faut donc prendre le temps pour connaître tous les impacts de cette industrie et faire nos choix en connaissance de cause.
Mais, comme le signale Louis-Gilles Francoeur, citant Luc Ouimet, l’un des premiers commissaires du BAPE « C’est parti tout croche […]. On est en train de refaire une commission Bastarache sur les gaz de schiste, trop limitée, qui ne cerne pas plusieurs des principaux enjeux et qui fait fi de plusieurs règles assurant la rigueur et l’intégrité d’un véritable processus d’audiences publiques. »
« L’ennui, nous dit Richard Le Hir, c’est que Charest a déjà mis en place son réseau ‘de copains et de coquins’ […]. Ils sont affamés et ils sont prêts à vendre non pas leur mère (quoique…), mais la nôtre. Qui plus est, à moins qu’ils ne vivent sur une autre planète, ils doivent bien sentir que, pour eux, c’est maintenant ou jamais. Le pillage par les domestiques, c’est toujours dans les derniers jours avant une révolution qu’il se produit. »
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