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Le samedi 23 avril 2022

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Sauvons la planète, sortons du capitalisme !

kempfDe façon générale, la nouvelle plaquette de Hervé Kempf, destinée au grand public et dotée d’exemples très concrets, expose l’idée selon laquelle le système capitaliste n’est pas équipé pour gérer la crise climatique. Pire, il en serait à l’origine.

Dans son livre Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, l’auteur examine plus en profondeur les impacts de la surconsommation et de l’individualisme. Pour sortir de la crise, il faudra diminuer la consommation et mettre de l’avant des solutions devant renforcer les rapports collectifs. Si plusieurs pensent que l’on pourra sauver le monde avec les énergies alternatives, pour Kempf il s’agit d’une illusion, particulièrement parce que ces technologies sont déployées afin de répondre à une hausse de la demande, plutôt que pour remplacer une production polluante.

On extrapole les tendances antérieures [d’augmentation de consommation d’énergie], et on exclut de facto une politique sérieuse de réduction de la consommation d’électricité. Dans cette optique, le développement des énergies renouvelables ne sert que d’alibi écologique à une politique inchangée, de contrefort au capitalisme destructeur de l’environnement. (pp. 87-88).

Par exemple, l’énergie éolienne est déployée de façon à permettre des augmentations de consommation d’électricité, bref elle n’est pas bien utilisée et son apport à la lutte contre les changements climatiques est très marginal à l’échelle globale. L’une des manifestations de ce phénomène, peut-être moins au Québec qu’ailleurs, est que les entreprises qui produisent de l’énergie à partir du charbon ou du nucléaire investissent aussi dans l’éolien, sans nécessairement remplacer leur production polluante. En Europe, pourtant une terre socialement fertile pour les éoliennes, on prévoit de mettre en opération 40 nouvelles centrales de charbon pour combler les 2% d’augmentation de consommation énergétique annuelle prévue! D’ici à 2012!

D’autres technologies, comme le nucléaire, proposent des solutions onéreuses pour transformer la pollution de l’air en pollution des sols. L’Agence internationale de l’énergie estime que l’augmentation prévue de 30 GW d’origine nucléaire sur une base annuelle, soit 610 nouveaux réacteurs d’ici 2030, au coût unitaire de 5 à 12 milliards de dollars, ne permettrait qu’une diminution de 6% des GES en 2050. De plus, les déchets devront être entreposés pendant des milliers d’années, sans que l’on ait de stratégie pour libérer les générations futures de ce fardeau.

Et qu’en est-il de la technique de capture et de stockage du carbone (CSC), qui promet de rendre inoffensive la peu coûteuse exploitation du charbon ? Jusqu’à maintenant, l’enfouissement semble effectivement s’effectuer de façon étanche dans le sol. Le principal problème est que ça coûte extrêmement cher pour les centrales électriques, de 20% à 40% de plus pour produire l’énergie. De plus, les opérations de CSC produisent des GES, lesquels ne sont pas nécessairement enfouis par la suite. L’auteur cite le cas de l’entreprise Sleipner et de l’un de ses gisements dans le Mer du Nord qui contient beaucoup de CO2 par rapport à d’autres sources (environ 3 fois plus). Sleipner a commencé la CSC car les clients exigent une concentration maximale de CO2 dans le gaz, le processus permet donc de baisser la proportion de CO2 dans le gaz au niveau maximal accepté (et non pas au niveau zéro). De plus, la Norvège a imposé une taxe sur l’émission de CO2 en 1992. L’entreprise enfouit ainsi un million de tonnes de CO2 annuellement. Mais le fonctionnement de la plateforme génère 900 000 tonnes de CO2 pour l’extraction (80MW) et pour comprimer le gaz destiné à l’enfouissement (6MW) et ce CO2 n’est pas enfouit car, à part la taxe, il n’y a pas de contraintes économiques, les clients ne se préoccupent pas de cette partie de l’opération.

Que faire? Selon Kempf le grand défi n’est pas l’émergence d’alternatives isolées, qui foisonnent par ailleurs, car elles ne suffiront pas à inverser la tendance :
De même que « consommer vert » ne change pas la logique de marchandisation universelle, « cultiver son jardin alternatif » ne menace aucunement le capitalisme, puisque l’essentiel pour lui est que les « agents » soient divisés et agissent sans coordination (p. 121).

Selon lui, l’enjeu est plutôt de marginaliser le principe de maximisation du profit en plaçant la logique coopérative au cœur du système économique (p. 121).

Il faut aussi explorer certaines avenues, comme la lutte contre les paradis fiscaux, la mise en place d’un revenu maximal admissible ou davantage de taxation sur les hauts revenus. À ce sujet, il semble qu’il y ait encore pas mal de terrain à conquérir, ou à reconquérir comme soulignait Robert Reich aux États-Unis qui rappelait que la taxation des revenus les plus hauts aux États-Unis dans les années 1950 atteignait 91%.

En conclusion l’auteur reprend certaines idées et propose quelques pistes d’action pour cheminer vers une forme d’écologie sociale. D’abord, afin de réduire notre consommation d’énergie, et pas seulement d’augmenter notre efficacité énergétique, il faudra moins consommer de choses. En ce sens, la réduction des inégalités et des extrêmes entre les riches et pauvres apparaît comme un incontournable pour l’auteur, qui adhère à la théorie de Veblen selon laquelle notre surconsommation tire son origine d’une relation de rivalité entre les concitoyens, dans une société où l’atteinte d’un certain prestige est déterminé par les modèles de consommation des « oligarques ». L’auteur n’exclut pas non plus l’idée de mettre en place certaines formes de rationnement de consommation, comme pour l’eau en période de sécheresse par exemple. Il y a un défi à faire accepter ces idées, mais il faut aussi entrevoir que les risques de réponse autoritaire dans l’avenir sont bien réels.

Il faudra aussi incorporer les coûts des impacts écologiques dans le prix des biens. Cet ajustement se traduirait notamment par une augmentation des prix de l’énergie, puis, conséquemment, une réduction de consommation d’énergie qui devrait favoriser la relocalisation de la production des biens et des services plus près des consommateurs.

Enfin, il convient d’accompagner ces mesures d’une réduction des temps de travail, que les citoyens mettront à profit en s’impliquant dans les délibérations politiques. Voilà peut-être dans sa proposition l’élément le plus radical, qui va à contre-courant du discours productiviste largement consensuel et qui souligne aussi la nécessité de lutter contre le capitalisme sur des bases politiques et culturelles.

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