Comme nous le dit les organisateurs de la conférence dans le document de présentation, le mouvement coopératif apparaît le mieux placé pour garantir le rattachement de l’économie dans les territoires du fait que les entreprises coopératives sont initiées par des acteurs locaux qui s’engagent sur la base d’un engagement volontaire, que leur capital est indivisible et inaliénable, qu’elles sont , par leur taille, à la mesure du territoire dont elles sont issues, et qu’elles fonctionnent selon le principe démocratique. Solidaire? Oui! Mais durable? C’est ce qui fut plus particulièrement discuté lors de cet atelier. Résumons les présentations de chacun des intervenants.
Yvan Comeau, professeur de travail social à l’Université Laval
Son étude « Réalités et dynamiques régionales de l’économie sociale. La Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches », permet de dresser un portrait assez exhaustif des caractéristiques régionales de la dynamique des entreprises d’économie sociale grâce au choix de deux régions qui, malgré leur proximité géographique, rendent possibles des comparaisons pertinentes des différentes réalités de terrain. M. Comeau considère dans son étude, ce qui en fait aussi son originalité, toutes les composantes de l’économie sociale, y compris les caisses populaires et d’économie ainsi que les mutuelles et les coopératives agricoles. Il en retient que les phénomènes qui influencent les caractéristiques des entreprises de l’économie sociale sont, la plupart du temps, les mêmes que celles qui touchent les entreprises privées, en particulier lorsque l’on considère les secteurs d’activité. Cependant, l’importance accordée par les entrepreneurs à la réponse aux besoins plutôt qu’à la rentabilité à tout prix amène les entreprises d’ÉS à développer des entreprises dans des secteurs peu profitables où, malgré tout, les entreprises survivent. C’est ici que se distingue l’économie sociale, qui peut alors mobiliser d’autres types de ressources. Ce n’est pourtant là qu’une partie de l’économie sociale qui comprend également des entreprises disposant d’un riche patrimoine.
Sidney Ribaud cofondateur et coordonnateur général d’Équiterre
« Le Québec des régions à l’heure des changements climatiques : l’heure des choix ». M. Ribaud veut questionner le rôle du mouvement coopératif dans la mise en ouvre d’un renouvellement des pratiques économiques. Pour lui, les conclusions des scientifiques sont claires et presqu’universellement reconnues : le réchauffement actuel est causé par l’activité humaine, principalement dans sa dimension économique, qui émet toujours plus de GES. L’économie sociale, nous dit M. Ribaud, intègre des impératifs économiques et sociaux dans leurs activités. Mais elle n’intègre pas encore suffisamment la dimension environnementale. D’une certaine manière, nous dit-il, les entreprises qui s’insèrent dans le mouvement de la Responsabilité sociale des entreprises, qu’elles soient marchande, publiques ou sociales, sont beaucoup plus actives pour intégrer toutes les dimensions de l’activité.
Jean-François Harel, Coop fédérée
« Quel projet d’agriculture pour demain? » L’entreprise touche toutes les dimensions du secteur de l’alimentation, comme producteurs ou distributeur. Dans un contexte d’une croissance démographique globale élevée, conduisant à une population mondiale de 9 milliards de personnes en 2050, les enjeux reliés à l’alimentation seront de plus en plus graves. Avec le développement de la richesse des nations, on assiste en parallèle à en effet à un transfert des habitudes alimentaires vers la production animale, avec des effets désastreux sur la biodiversité, étant donné les pressions énormes sur la nature. Un effet supplémentaire provient du réchauffement climatique, qui conduit à une baisse de la productivité agricole. Parmi les autres enjeux, M. Harel signale la libéralisation des marchés et la financiarisation de l’agriculture. La réponse de la Coop fédérée passe par la mutualisation des ressources : chaîne de production, plan global, partage des divers outils de travail. La Coop fédérée a mis en place une direction du développement durable au sein du groupe pour intégrer ces enjeux au cœur de la vie de l’entreprise. Plus récemment, cette direction a été fusionner à celle de l’amélioration continue afin que le développement durable soit systématiquement intégrée au processus de planification.
Jean-François Draperi, rédacteur en chef de RECMA
« L’exemple français de développement coopératif des territoires ». Les coopératives françaises ne se sont que récemment préoccupées des enjeux du développement local. Pour M. Draperi, la formule coopérative est particulièrement appropriée pour assurer le développement territorial, du fait de sa nature collective, de la place qui prend l’éducation, etc. Il donne deux exemples concrets des liens entre coopératives et développement local. Le premier est celui de la production de champagne dans la célèbre région viticole française, où l’on trouve de très nombreuses coopératives. 70 % des 20 000 vignerons de la région sont membres d’une coopérative. Sans ces coopératives, ces petits propriétaires auraient été achetés les uns après les autres par les grands groupes financiers qui se sont accaparés des grands noms. 2e exemple : Queyras, un petit village des hautes vallées alpines, avec une prédominance de l’activité touristique. Contrairement à la région de Champagne, la coopération prend la forme de pluriactivité, solidarité entre les habitants en créant des activités entrepreneuriales, artisanales, un mouvement associatif serré, des organisations économiques communales – services parapublics – avec pour résultats d’un taux de chômage pratiquement inexistant. Pour M. Draperi, les deux exemples montrent la diversité et la capacité d’adaptation des entreprises coopératives : plus concurrentielle dans les territoires où dominent l’activité marchande (Champagne); plus solidaire où domine l’économie de proximité (dans les Hautes Alpes). Ce qui unit les deux, c’est la dimension participative de la coopération.
Conclusion
Les discussions avec les participants ont surtout porté sur le positionnement des coopératives face aux enjeux du développement durable. Plusieurs membres de coopératives ont souligné les actions qu’ils mènent déjà dans le domaine environnemental. Mais la discussion s’est principalement cristallisée autour de deux positions : d’une part, celle exprimée par exemple par M. Ribaud selon laquelle, comme toutes les entreprises, les coopératives doivent adapter leurs pratiques économiques de manière à intégrer les enjeux environnementaux; d’autre part, la position brillamment exprimée par M. Draperie selon laquelle du fait de leur identité spécifique, de leurs valeurs et de leurs principes d’action, les coopératives doivent concevoir les enjeux sociaux et environnementaux d’une manière différente que les entreprises marchandes ou publiques.
Discussion
Pas de commentaire pour “Quel projet de société pour demain ? Ateliers Coopératives et développement durable et solidaire des territoires”