L’auteure invitée est Monique Jeanmart, d’ATTAC-Québec
En 2008, Normand Mousseau publiait un premier livre (Au bout du pétrole. Tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétique) pour montrer que nous sommes à l’aube d’une crise énergétique majeure – et jamais vue – générée par la fin des combustibles fossiles. Cette crise n’est pas pour demain matin, mais « le pic de la production pétrolière » atteint, à la fin de notre décennie, marque inexorablement la fin de 150 ans de croissance de la production sur laquelle s’est bâtie toute la civilisation moderne. Ce premier livre offrait une analyse basée sur des faits géologiques et expliquait tout ce qu’il faut savoir pour comprendre les enjeux énergétiques auxquels seront confrontées nos sociétés.
Un an plus tard, il reprend le dossier avec une tout autre perspective : une analyse centrée sur le Québec, avec pour concept central l’indépendance énergétique comme réponse aux défis qui nous attendent. À la fois politique, économique et sociale son analyse veut ouvrir la voie sur ce que pourrait être une réponse à ces défis « par l’élaboration d’une stratégie qui tienne compte de ses ressources, de ses besoins, mais aussi de ses valeurs et de son héritage culturel » (p.xiii). Aucune société (et toutes y seront confrontées) n’affrontera cette crise en copiant ou en important une solution toute faite. Si les contraintes imposées par les limites physiques et géologiques sont déterminantes, les inévitables transformations économiques et sociales seront plus déterminantes encore. Le livre met en évidence que « la solution miracle n’existe pas », pas plus que l’on ne peut attendre de la technologie seule qu’elle règle les problèmes. Le pétrole est inscrit au cœur de nos sociétés depuis 150 ans; il « s’est immiscé dans presque toutes les facettes de notre vie » à la fois comme source d’énergie, mais surtout comme matière première d’une multitude de produits.
Après avoir analysé la situation dans l’ensemble du Canada (chap. 1 et 2) et passé en revue une série de « solutions technologiques », qui semblent pourtant prometteuses (biocarburants, voitures hybrides, stockage de l’énergie, voiture électrique, etc.) la conclusion s’impose : la réponse à cette crise ne pourra pas être uniquement technologique. Bien sur des améliorations peuvent être trouvées (retour des tramways, des trains, réaménagement du territoire, etc.) (chap. 6) mais on ne pourra pas faire l’économie d’un « questionnement délibéré de notre mode de vie » et « d’un changement d’habitudes à grande échelle ». Mais surtout, pour faire face à cette crise le Québec doit se doter d’une « stratégie qui lui permette d’atteindre l’indépendance énergétique ». Différents scénarios sont présentés, plus modestes ou plus ambitieux, qui permettraient de combiner 2 objectifs : l’indépendance énergétique et la lutte contre les gaz à effet de serre (chap. 7 et 8).
Pour mettre en place cette stratégie, il faudra questionner les causes économiques et politiques qui sont au cœur du problème : cette crise énergétique provient, elle aussi, d’un néolibéralisme débridé dont la seule règle est la recherche du profit à tout prix. Pour l’auteur, affronter cette crise ne demande pas nécessairement de sortir du capitalisme, mais d’en faire un outil. « La main invisible d’Adam Smith serait secondée ici par la poigne évidente celle-là d’un gouvernement représentant ses citoyens. » (p.149) Replacer les citoyens – et la société civile – au cœur du processus décisionnel rendrait possible la mise en place d’un projet de société mobilisateur et redonnerait un sens a la démocratie contre le pessimisme et le cynisme ambiant.
Vision optimiste certes, parce qu’un regard objectif sur le cadre politique (fédéral comme provincial) ne montre que des politiciens qui gouvernent par idéologie et les yeux rivés sur la prochaine élection. Ce livre n’est ni un guide pratique décrivant les étapes à suivre, ni un manifeste politique. En se basant sur des faits, il ouvre la porte à une discussion élargie sur le modèle de société dans lequel nous voulons vivre. Deux conclusions s’imposent : si nous ne faisons pas maintenant les choix vers une société moins dépendante des énergies fossiles et que nous laissons le marché imposer ses solutions, la transition sera plus longue et pénible pour une majorité de citoyens. Par ailleurs, rien ne sera possible sans une volonté politique incarnée dans un gouvernement fort et décidé et c’est à chacun de nous qu’il revient d’élire les gens qui pourront relever ce défi.
On trouve le texte au complet (avec ses références) dans le Bulletin de septembre d’ATTAC-Québec
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