Les auteurs invités sont David et Seb, chroniqueurs sur le site Reversus, chroniques économiques & politiques.
Les étrangers volent-ils le pain des Français ? Cette crainte, ancrée dans l’inconscient collectif, est aujourd’hui habilement instrumentalisée par le gouvernement pour justifier sa politique d’expulsion. Pourtant, ce postulat est faux, comme le prouvent la plupart des analyses économiques sur le sujet…
« Nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde »
L’un des arguments régulièrement mis en avant pour défendre l’idée d’une immigration choisie ou régulée est économique. « Nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde » disait M.Rocard. L’idée sous-jacente est que l’afflux d’une main d’œuvre bon marché sur le marché du travail compresserait les salaires et provoquerait une hausse du chômage. Le sujet avait déjà été abordé dans un chapitre du dernier livre des Econoclastes (Stéphane Ménia et Alexandre Delaigue) : parcourant l’état des connaissances sur l’analyse économique de l’immigration, ils démontraient que ces conjectures ne reposent sur rien.
En premier lieu, supposer qu’une immigration massive induit une hausse du chômage revient à considérer que le travail est une sorte de gâteau qui se partage. Une théorie erronée, comme le prouve l’exemple le plus connu et le mieux documenté :sur la question : l’exode de Mariel. D’avril à octobre 1980, plus de 125 000 cubains s’installèrent à Miami. David Card, dans une publication qui fera date, avait analysé l’évolution du chômage et des salaires dans la ville de Miami suite à ce choc migratoire. En s’appuyant sur des villes témoins, il concluait que, 18 mois après le début de l’exode, plus aucun effet notable n’était perceptible. Les expériences européennes aboutissent à des conclusions similaires, à ceci près qu’elles ont décrit une vitesse d’absorption du marché du travail plus longue, donc une phase de transition plus longue.
L’argument du coût économique ne tient pas…
En effet, d’un point de vue théorique, les effets de l’immigration sur le marché du travail sont ambigus. A court terme, l’offre de travail est rigide, induisant une baisse des salaires. Progressivement, les entreprises réagissent à la diminution des salaires en investissant davantage et donc en embauchant de la main d’œuvre – in fine l’offre de travail s’ajuste. Si par ailleurs les immigrés produisent, ils contribuent à l’augmentation de l’offre de biens et services et donc à la diminution de leurs prix. Enfin, ils deviennent bien évidemment de nouveaux consommateurs. Ceci implique une hausse de la production des entreprises et donc de l’emploi. Au total, les effets sont contradictoires et peuvent expliquer l’absence d’impact durable et notable sur le marché du travail à Miami dans les années 1980. Par souci de rigueur et pour souligner l’ambiguïté de l’impact d’un choc migratoire, on peut noter que George Borjas concluait dans une étude que l’immigration vers les États-Unis entre 1980 et 2000 avait réduit le niveau des salaires de 3% en moyenne. Néanmoins, ceci représente un peu moins d’un dollar par an pour les salariés, un montant assez négligeable.
En définitive, les différentes analyses des spécialistes sur la question aboutissent à démonter l’argument du coût économique de l’immigration. L’immigration dite contrôlée ou choisie ne peut alors être défendue à l’aune d’un quelconque effet néfaste sur le marché du travail. De plus, le coût des expulsion s’avère de plus en plus élevé. Selon un rapport du Sénat, une expulsion coûte à la France 20.970 euros par personne.
A contrario, l’immigration peut être une source de croissance de revenus puisqu’elle aboutit à une augmentation de la population. Or la Banque Mondiale indiquait dans une étude publiée en 2006 qu’une progression d’1% de la population conduit à une hausse de 1,25% du PIB. Comme expliqué ci dessus, les immigrés sont aussi des consommateurs et des producteurs supplémentaires. D’un autre coté, on pourrait arguer que de nombreux immigrés ne travaillent pas et tentent de « bénéficier du système ». L’argument est limité dans la mesure où une large part de la protection sociale requiert d’être cotisant. Définitivement, l’argument économique ne tient pas, et les hommes et femmes qui se cachent derrière celui-ci pour justifier la diplomatie du charter seraient bien inspirés de revoir leur copie.
Ce texte est tiré du site du site Reversus
Discussion
Pas de commentaire pour “Le coût économique de l’immigration, une vaste fumisterie”