Nous nous rappelons que la folie spéculative qui avait précédé la crise de 2008-2009 s’était étendue aux biens alimentaires, provoquant une dramatique hausse des prix et une succession de révoltes de la faim dans plusieurs pays en développement. Or la FAO déclare dans un récent rapport que 22 pays dans le monde seraient aujourd’hui en situation de « crise prolongée », confrontés à de graves difficultés, telles que crises alimentaires à répétition, dues à l’effet combiné de catastrophes naturelles, de conflits et de la faiblesse des institutions.
Le rapport sur « L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde » dévoilé à la mi-octobre donne, pour la première fois, une définition claire de la crise prolongée. Un État se trouve dans cette situation « lorsqu’il connaît une crise alimentaire depuis huit ans ou plus, que les secours humanitaires qu’il reçoit représentent plus de 10 % de l’ensemble de l’aide étrangère et qu’il figure sur la liste des pays à faible revenu et à déficit vivrier ».
Plus de 166 millions de personnes sont concernées, « soit environ 20 % du nombre total de victimes de la sous-alimentation dans le monde, ou plus d’un tiers du total en excluant les grands pays comme la Chine et l’Inde », précise la FAO. Les 22 pays en crise alimentaire prolongée sont : Afghanistan, Angola, Burundi, Congo, Côte d’Ivoire, Érythrée, Éthiopie, Guinée, Haïti, Iraq, Kenya, Libéria, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Corée du Nord, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tadjikistan, Tchad et Zimbabwe.
Les conclusions du rapport de la FAO ont été au cœur de la rencontre du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) qui s’est tenu à Rome du 11 au 16 octobre 2010. Le CSA est un organe intergouvernemental créé par la FAO dans les années 1970. L’an passé, dans la foulée de la flambée des prix alimentaires et de la crise de 2008-2009, le CSA a été réformé pour servir d’instance, au sein du système des Nations Unies, pour l’examen et le suivi des politiques concernant la sécurité alimentaire mondiale, y compris la production et l’accès physique et économique à la nourriture.
La première réunion du premier Comité de la sécurité alimentaire (CSA) nouvelle génération, se serait terminée sur « des avancées positives mais encore de nombreuses interrogations quant à des actions concrètes et rapides pour lutter contre l’insécurité alimentaire, » selon Oxfam-France. Le point positif se situe dans l’engagement des États et de la société civile pour en faire l’organe de gouvernance mondiale sur la sécurité alimentaire.
Les discussions ont principalement portées sur la volatilité des prix agricoles et l’accaparement des terres, démontrant la volonté des participants de travailler sur les causes profondes de la faim dans le monde. Selon Oxfam-France, le silence du secteur privé, dans le débat sur l’accaparement des terres, prouve que beaucoup reste à faire pour réellement protéger les populations les plus vulnérables face aux investisseurs privés.
« Renforcer le droit foncier est un impératif que le CSA a reconnu. Mais devant le vide juridique qui existe dans de nombreux pays sur la question, et à la vitesse de l’accaparement des terres, des mesures urgentes et contraignantes n’auraient pas été du luxe pour les milliers de personnes toujours menacées d’expulsion de leurs terres. »
Signe de sa volonté de s’attaquer aux causes de la faim dans le monde, le CSA a mandaté un groupe d’experts pour produire des recherches approfondies sur les causes et effets de la volatilité des prix et l’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire.
La crise alimentaire ayant la gravité que ce article présente bien, il est essentiel que le bulletin OÏKOS couvre régulièrement ce type d’information fort négligée (par rapport à celle sur le réchauffement climatique par exemple) dans les médias traditionnels. L’Université d’été du GESQ fin mai dernier portait justement sur la crise alimentaire et sur l’objectif de la souveraineté alimentaire portée par les organisations paysannes à travers le monde. Nous avions avec nous des Maliens et des Brésiliens.
Le compte-rendu de cette Université d’été est disponible sur le site du GESQ:
http://www.uqo.ca/ries2001/gesq/
Longue vie à cet indispensable outil qu’est oikosblogue!