L’auteur invité est Kamal Ahmed, journaliste au Telegraph.
La vague d’austérité en Europe et aux USA, en restreignant la demande, risque de plonger les économies dans une nouvelle phase de récession, avertit Joseph Stiglitz, qui fait part également de son pessimisme au sujet de l’Espagne. Privé des mécanismes d’ajustement monétaires, le pays pourrait s’enfoncer dans une spirale dépressive, à l’image de l’Argentine au début des années 2000, estime-t-il. Selon lui, la monnaie commune pourrait ne pas survivre à la crise, tant les situations disparates dans la zone euro sont désormais la source de tensions croissantes.
Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel et ancien économiste en chef de la Banque Mondiale estime que les spéculateurs pourraient bientôt commencer à s’en prendre à l’Espagne, qui est aux prises avec un important déficit et un chômage élevé. La semaine dernière, l’agence de notation Moody’s à abaissé la note du pays de AAA à Aa1.
L’ancien conseiller du président Bill Clinton affirme également que le secteur bancaire est retourné trop vite au « business as usual », et que persiste le risque d’une nouvelle crise financière en dépit des quelques améliorations qui ont été apportées à la réglementation.
M. Stiglitz, aujourd’hui professeur à la Columbia Business School, développe ces arguments dans une édition mise à jour de son livre, Chute libre, traitant de la crise financière. Il y fait part de ses craintes que les gouvernements du monde entier, en tentant de réduire leurs déficits trop rapidement, ne prennent le risque d’une nouvelle récession.
« Le problème est celui de la vague d’austérité qui se développe dans toute l’Europe et frappe même le rivage de l’Amérique », déclare M. Stiglitz. « De nombreux pays ayant réduit leurs dépenses prématurément, la demande globale va baisser et la croissance va ralentir – voire peut-être entraîner une nouvelle récession. »
« L’Amérique a peut-être causé la récession mondiale, mais l’Europe agit de façon semblable aujourd’hui. »
M. Stiglitz avertit également que l’Espagne, à l’instar de la Grèce, est dorénavant dans le collimateur des spéculateurs.
« Selon les règles du jeu actuel, l’Espagne doit maintenant réduire ses dépenses, ce qui fera presque certainement augmenter encore son taux de chômage, » s’inquiète-t-il.
« Avec le ralentissement de l’économie, l’amélioration de sa situation financière peut être minime. L’Espagne pourrait tomber dans ce type de spirale délétère qui a frappé l’Argentine il y a dix ans. Ce n’est que lorsque l’Argentine a rompu la parité de sa monnaie avec le dollar qu’elle a commencé à retrouver la croissance et que son déficit budgétaire a diminué. »
« À l’heure actuelle, l’Espagne n’a pas été attaquée par les spéculateurs, mais ce ne peut être qu’une question de temps. »
Quant à l’euro, M. Stiglitz déclare que la différence des politiques convenant aux pays enregistrant des excédents commerciaux élevés, en particulier l’Allemagne, et ceux qui sont déficitaires comme l’Irlande, le Portugal et la Grèce, implique que la monnaie unique subit des tensions intenses et pourrait ne pas y survivre. Il suggère qu’une façon de sauver l’euro serait que l’Allemagne quitte la zone euro, permettant ainsi à la monnaie de dévaluer, ce qui contribuerait à renforcer les exportations.
« Les pays qui partagent une monnaie ont un taux de change fixe et renoncent ainsi à un outil d’ajustement important », note-t-il. « Tant qu’il n’y avait pas de chocs, l’euro fonctionnait bien. L’épreuve devait venir lorsqu’un ou plusieurs pays auraient à faire face à un ralentissement économique. »
On peut lire le texte original en anglais sur le site du Telegraph, ou la version traduite sur le site de Contre Info
Discussion
Pas de commentaire pour “L’euro pourrait ne pas survivre à la crise, estime Joseph Stiglitz”