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Le samedi 23 avril 2022

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Forages pétroliers – Doit-on confier l’avenir du golfe Saint-Laurent à des non-élus ?

Les auteurs invités sont Karel Mayrand, directeur général de la Fondation David Suzuki, et Christian Simard, directeur général de Nature Québec

Le 20 octobre dernier, l’Assemblée nationale adoptait une résolution unanime demandant à Terre-Neuve de surseoir à l’émission de permis d’exploration pétrolière dans le golfe Saint-Laurent d’ici 2012. On apprenait le lendemain que Québec et Ottawa s’apprêtent à confier l’avenir du golfe Saint-Laurent à un office composé de dirigeants non élus, dont le mandat premier est de développer l’industrie des forages côtiers. Cette négociation se déroule derrière des portes closes, ce qui n’augure rien de bon.

Bien que le Québec ait annoncé qu’il renonçait à l’exploitation gazière et pétrolière dans l’estuaire du Saint-Laurent, il maintient des visées sur les ressources du golfe, notamment sur le gisement Old Harry, situé près des îles de la Madeleine. Or Québec doit d’abord s’entendre avec Ottawa pour pouvoir aller de l’avant, puisque le golfe est une juridiction partagée. Une telle entente ouvre la porte à la multiplication des offices extracôtiers et à un morcellement de la gestion du golfe Saint-Laurent qui rendra impossible une gestion cohérente de ses ressources.

Des failles

Le modèle proposé est la création d’un Office extracôtier Canada-Québec, modèle qui a montré des failles importantes à Terre-Neuve, qui vient d’autoriser des activités exploratoires malgré l’opposition des scientifiques, des pêcheurs et de plusieurs communautés riveraines. Le Québec doit faire mieux pour s’assurer que le rôle de la science, la protection des écosystèmes et des communautés, ainsi que la transparence soient renforcés.

Le modèle terre-neuvien comporte plusieurs failles qui ne permettent pas de garantir la sécurité des communautés riveraines et des écosystèmes. D’abord, l’Office extracôtier a le double mandat d’encourager l’exploration-exploitation d’hydrocarbures, tout en étant responsable du maintien de la protection de l’environnement marin. Ce double mandat crée un conflit d’intérêts qui est renforcé par sa composition, puisque les membres du conseil d’administration sont, souvent, issus de l’industrie. Ces membres ne sont pas des élus; ils sont sélectionnés par les deux ordres de gouvernement, fédéral et provincial, et ne rendent pas de comptes à la population. En outre, l’office comporte des mécanismes de consultation déficients qui entachent la légitimité de ses décisions.

Aucune leçon

On retrouve dans ce type d’office semi-indépendant plusieurs des sources de la catastrophe du golfe du Mexique: absence de contrôle direct des élus, problème d’imputabilité et de reddition de comptes, proximité avec l’industrie, mandat prioritaire de promotion des activités pétrolières, connaissances scientifiques déficientes. Tous ces facteurs contribuent à lever plusieurs des contrôles démocratiques et scientifiques nécessaires pour assurer la protection des communautés et des écosystèmes. À cela s’ajoute le fait que le Canada n’a pas cru bon, comme les États-Unis l’ont fait, de réviser l’ensemble de ses réglementations sur les forages en mer. Il n’a donc tiré aucune leçon de la catastrophe du golfe du Mexique.

Fort de ces constats, le Québec doit minimalement proposer la création d’un office dont le mandat serait basé en premier lieu sur la protection des communautés et des écosystèmes, et sur la gestion intégrée des ressources marines avec une réelle possibilité de s’opposer à des projets contraires au bien commun. Afin d’y arriver, il s’avère essentiel que cet office soit composé de représentants issus des milieux scientifiques, environnementaux, des pêcheries, du tourisme, des Premières Nations et des deux ordres de gouvernement, et que ses décisions soient entérinées par les ministres qui le supervisent. Les exigences de transparence et de consultation publique de l’office devraient également être plus élevées. Finalement, avant toute entente sur la création d’un office Canada-Québec, il faut s’assurer que l’ensemble de la réglementation canadienne soit revu, comme cela a été fait de l’autre côté de la frontière.

Distances et temps

Avant de confier à des non-élus, issus de l’industrie, la gestion de notre golfe, Québec doit prendre ses distances du modèle terre-neuvien et soumettre sa proposition au test minimal d’une commission parlementaire. Sa création doit être également conditionnelle aux conclusions de l’Évaluation environnementale stratégique (EES) en cours, qui comprend un examen public par une commission indépendante de type BAPE.

Dans un milieu aussi sensible et productif, il faut prendre le temps de bien faire les choses et ne pas hésiter à prolonger le moratoire actuel, dont l’échéance est prévue en 2012. Puisque le Québec dit vouloir exploiter les ressources durablement, il se doit de faire la preuve qu’il se donne les moyens de ses ambitions.

Ce texte est tiré du quotidien Le Devoir

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