L’auteur invité est Sylvain Biville, journaliste à Eco89.
Retraite à 66 ans, 500 000 emplois supprimés, 91 milliards d’euros d’économies : les mesures radicales annoncées à Londres relèguent les projets de Nicolas Sarkozy au rang de « réformettes ». Pourtant, au Royaume-Uni, grève et manifs ne sont pas à l’ordre du jour. L’opinion britannique soutient -pour l’instant- la politique d’austérité de son gouvernement.
Ils n’étaient que quelques dizaines à protester mollement, pancartes à la main, devant le Parlement de Westminster, lorsque George Osborne a dévoilé, mercredi 20 octobre, son plan de rigueur pour les cinq ans à venir. Les coupes à la hache annoncées par le ministre britannique des Finances sont les plus sévères depuis soixante ans. Certains commentateurs remontent même jusqu’aux années 1920. The Economist parle carrément d’un tour d’écrou dans les dépenses publiques « sans précédent » dans l’histoire britannique.
Depuis son arrivée au pouvoir en mai, le gouvernement de coalition entre conservateurs et libéraux-démocrates s’est fixé pour priorité de résorber le déficit structurel des dépenses publiques. Avec 175 milliards d’euros, il représente aujourd’hui 11% de la richesse nationale, un taux record en Europe – mais à peine supérieur au déficit américain. Pour parvenir à ses fins, George Osborne ne recule devant aucun tabou.
Plus fort que Maggie Thatcher
Les subventions allouées au logement social vont être divisées par deux, les prestations sociales plafonnées, le chômage de longue durée rogné, les aides aux handicapés amputées. Le budget de la police va diminuer de 20%, celui des universités de 25% -mais les droits d’inscription vont s’envoler avec la suppression du plafond actuel de 3 500 euros par an.
Les collectivités locales (-28%) et la culture (-33%) sont les principales victimes de la rigueur qui, en revanche, épargne relativement les écoles, la santé et, plus surprenant, l’aide au développement, dont le budget va bénéficier d’une hausse de 37%. C’était une promesse de campagne de David Cameron. Si elle est tenue, le Royaume-Uni pourrait devenir, dans cinq ans, le premier pays de l’OCDE à honorer l’engagement de consacrer 0,7% du PIB à l’aide internationale.
Au total, 91 milliards d’euros de dépenses publiques vont purement et simplement disparaître d’ici 2015, pour ramener le déficit à 1% du PIB. Même Margaret Thatcher n’avait pas osé aller aussi loin.
490 000 emplois vont être supprimés dans le secteur public et le gouvernement a déjà prévenu que des licenciements secs seraient inévitables. Pour engranger des économies supplémentaires, l’âge officiel de départ à la retraite sera fixé à 66 ans dès 2020.
Même la reine est au régime sec
George Osborne explique que ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il sort la hache, mais qu’il est dans « l’intérêt national » de remettre de l’ordre dans les finances publiques : « Aujourd’hui, la Grande-Bretagne sort du précipice et nous nous attaquons aux factures laissées par dix années de dettes. Le chemin sera difficile, mais il nous conduira vers un avenir meilleur. »
Accusé de mener une croisade idéologique, le ministre des Finances prend soin de présenter son plan d’austérité comme équilibré : « Le fardeau le plus lourd sera porté par les épaules les plus solides. »
Certes, la reine, qui voit son budget réduit de 14%, participe à l’effort national. Certes, les allocations familiales sont supprimées pour les ménages les plus aisées. Mais dans l’ensemble, ce sont bien les plus pauvres qui seront les principales victimes de la rigueur, comme l’analyse le très respecté Institut des études fiscales.
Les Britanniques semblent résignés
Le gouvernement table sur le secteur privé pour prendre la relève d’un Etat en retrait. Mais les entreprises pourraient elles aussi pâtir de la diminution des dépenses publiques. 500 000 postes pourraient disparaître dans le privé, selon certains analystes, qui chiffrent le coût du plan de rigueur à un demi-point de croissance chaque année.
Quand Margaret Thatcher s’est attaquée aux services publics et a privatisé l’industrie lourde, dans les années 1980, elle a dû faire face à une violente riposte sociale. Aujourd’hui, les Britanniques semblent résignés à avaler la potion du docteur Osborne.
60% d’entre eux estiment inévitables les coupes budgétaires, selon un sondage YouGov publié vendredi par le Sun. Et même s’ils sont une majorité (56%) à penser que le plan d’austérité va avoir un impact sur leur vie quotidienne, ils continuent à faire confiance à 46% aux conservateurs pour réduire les déficits, contre 20% seulement pour les travaillistes qui, après treize ans au pouvoir, sont jugés responsables de la situation actuelle.
Les syndicats britanniques regardent outre-Manche
Tony Woodley, le secrétaire général de Unite, la principale confédération syndicale du pays, espère malgré tout que la mobilisation va prendre : « Lorsque l’étendue des coupes va se faire sentir, la colère va monter. »
Bob Crowe, du syndicat des transports, invite à s’inspirer du modèle français : « Nous devrions regarder de l’autre côté de la Manche, où la résistance, organisée par les syndicats, bénéficie d’un large soutien public. C’est un exemple de résistance à l’austérité et aux attaques contre notre mode de vie. »
La presse conservatrice a aussitôt agité le spectre de la chienlit. Jeudi, le Daily Mail publiait une manchette tape-à-l’œil : « Les syndicats menacent d’organiser des émeutes sur le modèle français. »
Mais l’humeur, ici, n’est pas à la résistance active et aux manifestations de grande ampleur. Malgré les appels – sans grande conviction – de quelques syndicalistes, il y a peu de chances que les Britanniques descendent dans la rue pour sauver leurs prestations sociales.
« Les Français se plaisent à défier leurs dirigeants »
Dans le Guardian, l’éditorialiste Alexander Chancellor s’interroge sur l’apathie de ses concitoyens : « Peut-être est-ce ce sentiment que seule la souffrance partagée peut nous unir en tant que peuple. […] Les Français, au contraire, pensent que c’est la révolution qui les définit et ils ont toujours la nostalgie des événements de Mai 68. Ils sont conditionnés par la méfiance envers les élites au pouvoir et pensent qu’ils ne sont à la hauteur de leur mythe national que lorsqu’ils brûlent des voitures ou qu’ils jettent des pavés sur la police. Alors que nous aimons répondre aux appels au sacrifice de notre gouvernement au nom de l’intérêt national, les Français se plaisent à défier leurs dirigeants. » !!!!!
Ce texte est tiré du site Rue 89
Discussion
Pas de commentaire pour “Les Britanniques résignés face à un plan de rigueur drastique”