L’auteur invité est Louis Bourque, Bacc Urb., citoyen montréalais
Le projet d’échangeur Turcot s’inscrit dans un programme d’autoroutes urbaines qui visait jusqu’ici à diminuer la résistance et l’habitabilité de l’espace public; c’est-à-dire le rendre fluide en l’adaptant à une circulation favorisée. Signe du temps, le MTQ (Guide à l’intention des MRC, 1994) reconnaît depuis la coûteuse dépendance automobile qu’il a induit, que la Direction de la santé publique (Rapport annuel 2006) indiquait de rompre en priorité vu ses effets sur la santé. Le MAMR (Cadre d’aménagement métropolitain, 2001) en prescrivait déjà la nécessité, en consolidant la ville existante autour du transport collectif. Il semble donc que l’inertie fasse la désuétude du modèle.
Actuellement, plusieurs faits mettent en cause la pertinence des autoroutes urbaines au centre de l’île de Montréal : d’abord, un déclin marqué de l’activité manufacturière assorti d’une forte progression du secteur des services à la production. Ce déclin tempère la pertinence d’une armature de canalisations inertes permettant le mouvement combiné de fret et de personnes en toutes directions (du réseau autoroutier urbain). Cette progression appelle plutôt au développement des personnes au sein de réseaux plus fins, d’espaces transactionnels et culturellement enrichissants, sans nuisances à l’occupation et à l’établissement. De pair avec l’usage de modes plus interactifs, efficients et doux que l’automobile. Parallèlement, ce contexte est celui du grotesque déficit commercial du Québec, principalement en raison de l’importation de véhicules et de carburants (pour 25G$ annuellement).
Ce contexte est aussi celui d’une forte diminution de la part de la population apte à conduire (à marcher) et surtout, à vivre de façon autonome sur le territoire diffus et fractionné (monofonctionnel) de l’automobile pour les 30 prochaines années : un lourd vieillissement associé à une reprise toute récente des naissances et à l’obésité (notamment chez les jeunes, que des médecins qualifient de catastrophique). Plus généralement, ce contexte est celui de l’essoufflement d’une majorité de ménages, de la rareté croissante du temps (en famille), des liens et de l’accès sensible à l’autre, et du sol arable. Cela, assorti de risques et de coûts croissants à la production énergétique et sécuritaire, et à l’obésité. Assimilable à l’évolution du travail et du territoire, ce contexte est largement fait de ce que coûte, gaspille et met en forme l’automobile.
Ce contexte serait enfin la complétion de l’autoroute 30 devant relayer Turcot (mitiger l’importance stratégique de Turcot), et de la dégradation des quartiers riches et pauvres du centre par le danger et les émissions automobiles.
Présenter ce contexte ne remet pas en cause la valeur du génie québécois. Y répondre adéquatement demande toutefois de reconnaître le contexte contemporain et de ne pas confondre l’aménagement, le projet de société de la résolution technique. De sortir du cadre de l’urgence en planifiant d’abord les voies alternatives, celles qui nous donnèrent les trains de banlieue. Afin d’établir sa pertinence, on s’attend raisonnablement à ce que le programme du MTQ pour la région de Montréal atteigne les objectifs concourants suivants, auxquels tendent les principes incontournables émis par Montréal :
D’abord réduire le besoin de mobilité; augmenter la valeur du temps passé à se déplacer et réduire le coût de la mobilité pour les ménages de banlieue. En cela, réduire la dépendance automobile résultant de la fuite des espaces dégradés par la pression automobile et la fuite des capitaux, traduite par l’augmentation des distances et de la complexité des déplacements, au sein d’un territoire se développant de façon diffuse et morcelée.
Ce faisant, exciser les nuisances et dangers posés aux personnes et aux milieux de vie, qu’ils soient danger de blessures, pollution, appropriation clandestine d’enclaves, insécurité civile ou distances inertes comme les assurent le projet. Parallèlement, qualifier le corps humain comme objet interactif et moteur et cela, en ville comme en banlieue. Ainsi, en périphérie comme en ville, composer (préserver) des milieux de vie complexes, denses et accessibles depuis une maille d’espaces publics attrayants. Des réseaux porteurs de mouvements, de repères et de sens.
Et ce faisant, contenir la fuite des capitaux.
Pour y parvenir et clore, les responsables du projet doivent concevoir l’accessibilité comme une fonction de la proximité et de la complémentarité des usages, autant que des qualités d’interface et d’efficience du mobile. Et qu’une large part de la solution réside hors de l’échangeur; que les transports (inter)actifs et collectifs sont serviables non pas dans l’enclave, mais au sein de milieux de vie complexes et denses où ils offrent une même valeur de déplacement pour le tiers du coût. En ce sens, ils doivent concevoir ce projet comme un véritable projet de composition urbaine.
Enfin, les responsables du projet doivent appréhender socialement l’usage de l’espace contraignant et documenté de la ville. Par exemple, l’insécurité du passage obligé en milieu inhabité et clos, suspendant les références éthiques et les recours à l’obligation civique. Car dans l’usage en société de l’espace humanisé sur le temps long réside le coeur de la question économique des transports et des espaces urbains.
Il y a probablement de bonnes idées dans ce texte… mais il est rédigé dans un charabia intellectuel illisible et indigeste.