Un nouveau rapport de recherche vient d’être publié par l’IREC : Le rapport Pronovost: un diagnostic partiel, une analyse tronquée. De toute évidence, le rapport issu de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (CAAAQ), publié en 2008, n’a pas toutes les vertus qu’on lui prêtait. Selon l’étude de l’IREC, réalisée par David Dupont et Robert Laplante, le rapport Pronovost propose dans les faits des mesures qui auraient comme conséquences d’accroître la vulnérabilité de l’agriculture québécoise.
L’IRÉC remet en question les conclusions de la CAAAQ qui suggèrent de rouvrir la porte à des ententes de gré à gré entre les agriculteurs et leurs clients. « S’adapter de cette manière, c’est s’exposer à des forces qui sont susceptibles de réduire dramatiquement la capacité du Québec de se nourrir et c’est mettre en danger son agriculture, en particulier celle des régions éloignées des grands centres », soutient avec conviction l’étude de l’IREC. « Il faut que la mise en marché collective permette des ajustements, mais c’est une erreur d’y faire une brèche », souligne l’un des auteurs, David Dupont.
Selon le rapport de l’IREC, le drame que vit l’agriculture québécoise – mais ailleurs ce sont aussi les mêmes enjeux – découle en bonne partie du fait que les principales filières agricoles sont maintenant toutes sous le contrôle des détaillants qui se sont concentrées sur une échelle rarement vue dans d’autres secteurs. Il dénonce le fait que les commissaires de la CAAAQ n’aient pas accouché de mesures pour encadrer les pratiques des grands distributeurs, qui ne sont plus que trois au Québec (Loblaw, Sobeys, Metro). Devant cette situation de perte de contrôle québécois du secteur, que fait la Caisse de dépôt et placement pour protéger le seul acteur québécois encore présent dans ce rapport de force ? Elle se départit des actions de Métro ! Les auteurs du rapport signalent en effet qu’entre 2005 et 2009, la Caisse a réduit sa position dans l’actionnariat de Métro, passant d’un ridicule 4,05 % à 0,5 % …
Qui sont les actionnaires de Métro ? Essentiellement des gestionnaires de fonds et des caisses de retraite. Ce n’est donc pas un si mauvais placement. Mais parmi les 10 premiers actionnaires, seul Jarislowsky Fraser – néanmoins le plus important actionnaire avec près de 20 % des actions – provient du Québec. La Caisse de dépôt ne fait même pas partie de ce groupe, n’étant que le 13ième actionnaire en importance. Le mauvais scénario de la perte de contrôle de Provigo, dans les années 1990, pourrait se reproduire n’importe quand et le Québec n’aurait aucun moyen pour s’y opposer.
Pourtant, « il n’y a pas seulement la Caisse de dépôt qui doit s’impliquer. Nous avons les outils nécessaires. [À elles seules] les caisses de retraite de la Coopérative fédérée et Agropur totalisent un actif de près de 200 millions $ », souligne fort justement Robert Laplante.
L’analyse de l’IRÉC démontre que le rapport Pronovost ne définit pas les conditions requises pour que l’agriculture québécoise trouve sa place, maintienne ses acquis et atteigne des objectifs conformes à ses valeurs. « C’est pourquoi, disent les chercheurs, il faut une analyse beaucoup plus étoffée de la problématique sur l’innovation, sur ses conditions de développement et sur les orientations à privilégier pour qu’agriculteurs et transformateurs locaux puissent se démarquer et tirer leur épingle du jeu en accédant aux réseaux des grandes chaînes ».
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