L’auteur invité est Richard Le Hir, avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95).
Depuis quelques jours, on entend partout parler du besoin d’actualiser les études réalisées en 1995 en préparation du référendum. S’il existe bien un besoin de procéder à de nouvelles études, rien ne serait plus saugrenu que d’actualiser celles de 1995.
Il faut en effet comprendre que ces études étaient elles-mêmes une actualisation de celles qui avaient été menées dans le cadre de la Bélanger-Campeau à l’instigation du gouvernement Bourassa dans la foulée du rejet de l’accord du Lac Meech par le ROC.
Loin d’avoir été prévues pour préparer l’accession du Québec à l’indépendance, elles ne constituaient qu’une tentative assez pathétique de convaincre le Canada du sérieux des intentions du Québec d’opter pour l’indépendance advenant le cas où celui-ci ne lui soumettrait pas d’autres offres constitutionnelles en remplacement de l’accord du Lac Meech.
Pour des raisons qu’on ne m’a jamais pleinement expliquées mais qui devaient certainement tenir au laps de temps très court dans lequel il faudrait produire des études avant le référendum, Jacques Parizeau avait décidé qu’on s’en tiendrait à l’actualisation des études de la Bélanger-Campeau. Peut-être en se disant que c’était le meilleur moyen de faire l’économie de longs débats sur les sujets à retenir, et que ce qui avait été jugé suffisant par Bourassa suffirait à contenter les Québécois.
Aborder la question différemment
Mais dans l’optique de la préparation de l’indépendance du Québec sur un horizon de quatre ou cinq ans, il serait nécessaire d’aborder la question différemment, en s’interrogeant d’une part sur ce que les Québécois ont besoin de savoir avant de s’engager sur la voie de l’indépendance, et en s’interrogeant d’autre part sur ce que le gouvernement a besoin de savoir pour non seulement ne pas compromettre les intérêts, les acquis et les ambitions des Québécois sur les plans économique, social et culturel, mais pour faire en sorte que l’indépendance se traduira par une nette amélioration de leur condition sur ces trois plans.
Les questions des Québécois varient en fonction de leur degré d’instruction, de leur connaissance de la problématique de l’avenir du Québec et du milieu dans lequel ils évoluent. Il faut donc avoir une approche très sophistiquée à la satisfaction de leurs besoins en information. On ne peut pas se contenter de leur dire qu’ils pourront utiliser le dollar canadien et qu’ils continueront de recevoir leur chèque de pension ou leur prestation d’assurance-emploi.
Et non seulement les Québécois ont-ils besoin d’avoir des réponses à certaines questions, mais ils ont aussi besoin d’avoir confiance que le gouvernement d’un Québec indépendant sera en mesure de prendre en charge ses nouvelles responsabilités et de s’en acquitter à leur avantage.
Qui plus est, de nombreuses questions qui pouvaient se poser en 1991 et en 1995 ne se posent plus en 2010 ou ne se posent plus avec la même acuité ou de la même façon. Ainsi, si la question de l’accession du Québec à l’ALENA pouvait se poser en 1995, elle ne se pose plus aujourd’hui. Nous connaissons la réponse. Si la question de la capacité du Québec à assumer sa part de la dette fédérale en 1995 pouvait se poser, elle ne se pose plus aujourd’hui, nous connaissons également la réponse. Et ainsi de suite.
Ce travail de préparation doit se faire en dehors du gouvernement
En 1995, toute l’attention s’est concentrée sur le processus des études. Comme le gouvernement en était le maître d’œuvre, c’était inévitable. Chaque virgule devenait une pelure de banane dans la joute parlementaire, et c’est la dynamique de celle-ci qui a pris le dessus sur la satisfaction des besoins en information des Québécois.
C’est un piège dans lequel il faudrait éviter de retomber, et c’est pourquoi je répète depuis plusieurs mois que tout ce travail de préparation doit se faire en dehors du gouvernement. On ne peut pas se retrouver encore une fois dans la situation où l’Opposition deviendra maître du jeu du simple fait de son droit d’interpeller le gouvernement avec la complicité des médias, de toute façon majoritairement hostiles à son option.
Contenir les médias
Et, parlant des médias, il faut que ce travail de préparation se fasse en toute sérénité et qu’on puisse apporter des modifications en cours de route comme lorsqu’il s’agit d’un travail de recherche ordinaire sans que cela prenne à chaque fois les proportions d’une affaire d’État. Si ce travail est effectué par un organisme non gouvernemental détaché de celui-ci, il est beaucoup plus facile de garder les médias à distance. C’est d’ailleurs ce que font nos adversaires en confiant leurs recherches à des instituts « indépendants » comme le C.D. Howe ou autres.
Enfin, en procédant de la sorte, on évitera aussi qu’un gouvernement indépendantiste puisse se faire accuser de faire financer son option à même les deniers publics par des gens qui ne la partagent pas, ce qui soulève une embarrassante question de légitimité.
En effet, plus on se rapproche du moment de la décision, moins les questions de légitimité ne doivent se poser. Si elles continuent de se poser jusqu’à la fin, non seulement se reflèteront-elles dans le résultat du vote, mais aussi dans l’accueil que la communauté internationale réservera à notre demande de reconnaissance de notre statut de pays indépendant. Imaginez s’il fallait qu’on se fasse renvoyer faire nos devoirs à ce stade-là. Les Québécois ne nous le pardonneraient pas, et ils auraient raison. Ce serait suffisant pour faire déraper tout le processus.
On peut consulter ce texte sur le site Web Vigile
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