Avec la guerre sur les monnaies où se confrontent plusieurs des membres du G-20, il serait étonnant qu’ils ressortent de cette rencontre solidaire derrière un plan commun de lutte sur les enjeux prioritaires de l’heure : le climat et le développement. Les marchés, à leur habitude totalement aveugles aux enjeux de long terme, ont applaudi sans retenues les mesures prises par la Fed étatsunienne d’injecter 600 milliards $ dans l’économie. Mais cette mesure est, à plus d’un titre, un geste désespéré des autorités compétentes, avec des effets potentiellement pervers.
Le gouverneur de la Fed n’avait véritablement pas le choix de prendre des mesures pour relancer la machine économique étatsunienne. Pour au moins deux ans, l’administration Obama sera bloquée par un Congrès qui veut sa peau. Cette défaillance de la politique budgétaire oblige les autorités monétaires à utiliser d’autres outils pour arriver aux résultats désirés. M. Bernanke doit être parfaitement conscient que l’injection de monnaie de la Fed risque de provoquer une nouvelle bulle spéculative. Mais, dans le contexte d’un pouvoir politique bloqué, les risques de déflation et la nécessité de rétablir un meilleur équilibre des échanges, des actions urgentes s’imposaient.
On comprend les autres membres du G-20 de ne pas apprécier ces mesures, puisqu’ils seront les victimes de cette injection massive de monnaie. Dans cette optique, la rencontre des pays du G20, dont les principaux membres critiquent vertement les Etats-Unis, accusés de menacer l’équilibre économique mondial en favorisant la faiblesse du dollar, va malheureusement être dominée par la guerre des monnaies, alors que bien d’autres enjeux sont à résoudre.
Il semble bien que la Chine a déjà décidé de solutionner le problème de la sous-évaluation du yuan, mais elle veut le réaliser à son rythme, en transférant progressivement son activité économiques de l’exportation vers la consommation intérieure, ce qui passe par des hausses de salaires, l’organisation d’un vrai système de retraite et d’une assurance maladie, bref, une sorte de « sino-fordisme ». La proposition des Etats-Unis que les gouvernements s’engagent à maintenir le solde extérieur de leurs divers pays entre -4% et +4% du PIB a été écarté avant même que le sommet ne commence. Les deux pays visés par cette mesure, l’Allemagne et la Chine ont d’emblée rejeté cette idée.
J’ai diffusé vendredi dernier sur OikosBlogue deux lettres publiques envoyées aux dirigeants du G-20 par les mouvements de la société civile mondiale, appelant à des solutions concrètes pour un développement durable, juste et équitable. Les groupes favorables à la mise en place d’une taxe sur les transactions financières (TTF) ont calculé qu’une taxe extrêmement basse de seulement 0,005% sur ces transactions permettrait de générer 33 milliards de dollars par an. Donc un taux de 0,05%, qui serait raisonnable, engrangerait des revenus de 330 milliards $ annuellement. Rappelons que les 190 pays présents à Copenhague se sont engagés à mobiliser 100 milliards $ par années pour soutenir les pays en développement à lutter contre les changements climatiques.
Une TTF, si elle devenait mondiale, permettrait donc de lutter d’autant plus efficacement contre la pauvreté, d’encourager une finance solidaire, de favoriser l’éducation et de financer les biens publics mondiaux dont dépendent les citoyens qu’elle permettrait en même temps d’agir contre la spéculation financière et les facteurs de crise financière.
Par ailleurs, bien que les conclusions de la réunion des ministres des Finances, il y a quelques semaines, évoquaient l’importance de la coopération internationale et de réponses coordonnées à la crise, la Confédération syndicale internationale signale qu’il y a peu d’indications d’une réelle collaboration entre les gouvernements, hormis lorsqu’il s’agit de renforcer leur détermination apparente envers la « consolidation fiscale », pour apaiser les marchés financiers au lieu d’impulser la croissance économique mondiale et de remettre les gens au travail. L’importance accordée par les membres du G-20 à un partenariat entre gouvernements et milieux d’affaires suscite, à juste titre, des inquiétudes du mouvement syndical quant à l’influence indue des milieux d’affaires sur l’agenda mondial.
Outre le problème des devises, pour lequel il était impossible de trouver une solution en ce moment, les membres du G-20 ont donné leur aval aux nouvelles normes bancaires (les normes de Bâle III) destinées à rendre les institutions financières plus résistantes. Ils ont en outre convenu de remédier au problème posé par les institutions financières dites systémiques, qui présentent un risque pour l’ensemble du système financier en cas de défaillance. Le Conseil de stabilité financière (CSF) déterminera d’ici la mi-2011 quelles sont les banques systémiques qui seront appelées à faire l’objet d’une réglementation renforcée.
Dans le domaine des vœux pieux, les pays du G20 ont promis d’assurer le succès de la conférence mondiale sur le climat de Cancun (prions le Saint-Frère-André) et souhaité que les négociations du cycle de Doha sur la libéralisation des échanges puissent être conclues en 2011…
Selon le magazine Challenge, le communiqué final reprend mot pour mot le communiqué publié fin octobre à l’issue de la réunion des ministres des Finances du G20 !
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