L’auteur invité est Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques.
Après la crise de 1929, les Américains avaient eu la sagesse de choisir le New Deal de Franklin Roosevelt. Il est très inquiétant de constater qu’ils ont opté cette fois-ci, lors des élections de mi-mandat, pour les ultralibéraux du Tea Party, alors même que ce sont les conceptions libérales qui ont conduit les Etats-Unis à la crise.
Les Américains ont massivement désavoué Barack Obama en donnant une large majorité aux républicains à la Chambre des représentants, et notamment en plébiscitant parmi eux de nombreux extrémistes du Tea party. A vrai dire ce désaveu n’est pas surprenant. Le chômage flirte avec les 10 % depuis bientôt trois ans outre-Atlantique. Or, 10 % de chômeurs aux Etats-Unis cela n’a rien à voir avec 10 % de chômeurs en Europe : en Amérique les indemnités de chômage ne durent que quelques mois et il n’existe ni ASS, ni RMI, ni assurance-maladie généralisée, ni CMU… Chez nous, la situation des sans-emploi est très difficile, mais elle n’est en est pas moins sans commune mesure avec celle de leurs collègues d’infortune américains. Et cela, d’autant plus que ce chômage élevé se combine avec un niveau colossal de surendettement des ménages. Ce niveau est lui aussi sans commune mesure avec l’ampleur de ces problèmes chez nous, même si celle-ci est déjà très inquiétante.
Barack Obama a certes commis des erreurs – proximité trop grande avec Wall Street, sous-estimation de la question de l’emploi dans ses priorités… – mais de toutes façons la tâche du président des Etats-Unis est particulièrement ingrate dans cette période. Le « modèle américain », si régulièrement vanté, est en effet arrivé au bout du rouleau du fait de l’ampleur croissante des déséquilibres internes – surendettement des ménages – et externes – déficit du commerce extérieur – qu’il a suscité. Cette fois, il faut vraiment que les Américains apprennent à consommer moins et épargner un peu. Et c’est forcément un processus socialement et politiquement douloureux.
Il n’en reste pas moins fascinant de voir les ultralibéraux du Tea Party profiter des difficultés de Barack Obama alors même que ce sont justement les conceptions libérales mises en œuvre aux Etats-Unis quasiment sans discontinuer depuis l’arrivée de Ronald Reagan aux affaires en 1980 qui les ont amenés là où ils en sont… L’histoire ne se répète heureusement jamais, mais la capacité à faire les mauvais choix suite à des crises majeures et à privilégier des « solutions » qui aggravent les problèmes au lieu de les résoudre est bien attestée. Suite à la crise de 1929, tous les pays européens s’étaient lancés avec ardeur dans des politiques du type de celles que revendique le Tea Party : moins d’Etat, réduction drastique et rapide des déficits publics… Et cela avait débouché sur la prise du pouvoir par Adolf Hitler en Allemagne puis dans la foulée sur la seconde guerre civile européenne en l’espace d’un quart de siècle, avec toutes les conséquences que l’on connaît.
A l’époque les Américains, après avoir suivi dans un premier temps la même voie que les Européens, avaient eu la sagesse de rectifier le tir à temps en élisant Franklin Delano Roosevelt en 1932. Il avait alors mis en œuvre la politique keynésienne du New Deal, préservant ainsi le pays de troubles sociaux et politiques majeurs malgré l’ampleur de la dépression qu’il avait subie. S’ils choisissent de s’engager davantage encore dans l’aventure Tea Party, il se pourrait bien que cette fois le risque principal de dérapage post-crise vienne des Etats-Unis. L’Europe ne manque cependant pas elle non plus d’apprentis sorciers tout aussi dangereux…
Ce texte est tiré du site du magazine Alternatives Economiques
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