Les auteurs invités sont Claude Béland, Chaire en responsabilité sociale et en développement durable, Louis Favreau, Université du Québec en Outaouais, Gérald Larose, Université du Québec à Montréal et Hélène Simard, Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.
L’article paru dans le Devoir du 5 mai dernier portant en titre « Un autre Québec est possible » a le mérite de contrebalancer le dogme, plutôt naïf mais répandu, selon lequel le marché peut et doit être la solution aux crises financière, démographique, environnementale, alimentaire et social. Les auteurs interrogent la « pensée dominante » représentée par le « tout au marché », ce dernier étant perçu comme la solution à toutes les crises. Or, ce n’est pas en amincissant l’État que l’on peut sortir d’une crise elle-même causée, pour l’essentiel, par le «tout au marché». Bien au contraire, cela contribuerait effectivement à accroître les inégalités! Nous désirons compléter l’analyse l’Alliance sociale, espérant par là faire un pas de plus, tant dans la réflexion, que dans les solutions.
En d’autres termes, ce que nous disent les auteurs, c’est que la pensée unique contribuerait à la crise, plutôt que de la solutionner. Historiquement, la création de richesse fut associée aux capacités des entreprises, le plus souvent les grandes entreprises capitalistes, à générer du développement. Cette idée est encore omniprésente aujourd’hui dans les universités, dans les médias et dans l’opinion publique en général. Quant aux crises, elles seraient un accident, une erreur de parcours qu’il faut réguler par des mécanismes mis au point par des économistes orthodoxes. Pourquoi, selon nous, cette interprétation est-elle erronée?
En septembre dernier se tenait à Lévis une conférence internationale intitulée Quel projet de société pour demain?, à l’invitation du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.. La première journée portait sur les enjeux et défis auxquels la société québécoise est aux prises, en termes d’urgence écologique, de développement solidaire des territoires, de démocratisation de l’économie, les alliances entre mouvements sociaux, de renouvellement de l’État social et de solidarité internationale. La seconde journée débutait avec l’animation d’un panel appelé « les grandes oreilles » de la conférence, qui proposait une analyse permettant aux 550 participants présents d’aborder la seconde journée, mais cette fois-ci, en mode solutions. Les participants à cette conférence provenaient d’univers multiples, notamment du mouvement coopératif, syndical, du développement local, de l’environnement et de l’écologie, des groupes communautaires et du monde municipal. Ces mouvements sociaux d’allégeances différentes ont pourtant contribué de façon déterminante à bâtir la société qui est la nôtre.
Le monde dans lequel nous vivons ne résulte pas de la vision d’une seule culture, bien au contraire. Le développement résulte de la contribution d’une diversité d’acteurs qui participent de leur point de vue à enrichir la société. Une clé d’interprétation de la crise actuelle repose sur cette tendance à ne voir qu’un seul système, une seule culture. Cette culture unique s’exprime, notamment, par le biais des formations qui reposent sur un seul mode de développement et de gestion enseigné dans les milieux académiques. Elle se mesure également à l’importance accordée à la finance ou à la bourse, présentée comme le centre du monde par les médias. L’opinion publique s’en trouve alors nivelée par une culture unique qui valorise le profit sans égard à la redistribution de la richesse et à la réponse aux besoins.
Pourtant, notre société québécoise s’est développée avec la contribution d’une pluralité d’acteurs issus de mouvements diversifiés. Qui aurait cru, par exemple, quel les coopératives, tant au Québec que dans le monde entier, ont mieux traversé les crises que les grandes entreprises capitalistes ? C’est pourtant la réalité. Les études du Ministère Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation le démontrent clairement au Québec. Sur une décennie, elles sont deux fois plus nombreuses à durer que les entreprises dites « traditionnelles ». Le modèle coopératif repose sur une pensée à long terme, une pensée qui tient compte d’abord des besoins, tout en occupant un espace de marché. De la même façon, les syndicats ont développé différents outils financiers pour soutenir les travailleurs.
La bataille pour sortir de la crise ne réside donc pas dans la tendance à « plus d’économie de marché ». La bataille est culturelle. Promouvoir la biodiversité entrepreneuriale comme l’avançait le vice-président de l’Alliance coopérative internationale monsieur Felice Scalvini à l’ouverture de la conférence, est une des avenues pour sortir de la crise. Créer un espace où cette diversité apparaît dans les instances de formation et de recherche, dans les médias comme dans les outils et réglementations de l’État. Le débat n’est pas seulement celui de savoir si le développement viendra de l’État ou du privé. Le débat repose sur l’idée qu’on se fait de la liberté, celle d’avoir le choix, tant dans l’opinion publique que pour les jeunes en formation, d’un modèle entrepreneurial. Le débat concertant la sortie de crise repose aussi sur la démocratie, celle qui reconnaît que la création de richesse et la justice sociale vont de pair.
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