Tout n’a pas encore été dit sur les comparaisons entre la crise actuelle et celle des années 1930. Bien sûr, les journaux ont amplement abordé le fait que les deux phénomènes ont été précédés par une explosion d’innovations financières et par une prise de risque accrue. Mais selon des études récentes, les deux périodes sont également marquées par un accroissement similaire des inégalités de revenus.
Dans l’un de ses articles sur son blogue, l’économiste Paul Krugman cite une étude récente publiée par le NBER selon laquelle les écarts croissants de revenus qui se sont produits dans les années 1920 et dans les années 1990 s’expliqueraient principalement par l’explosion des revenus des employés du secteur de la finance. Par exemple, alors que dans les années 1980 les salaires accordés dans le secteur financier auraient connu une évolution identique aux salaires obtenus par les professionnels des autres secteurs d’activité économique, on s’aperçoit qu’à partir du début des années 1990 (jusqu’en 2006, dernière année de l’étude), les salaires des financiers se seraient plutôt accrus 1,7 fois plus rapidement que dans les autres secteurs, peu importe le niveau d’expertise atteint. Un phénomène identique se serait produit dans les années 1920.
En outre, on peut faire un parallèle entre les deux périodes sur le plan de la fiscalité. Le taux marginal d’impôt le plus élevé serait passé de 75 % à 25 % entre 1921 et 1928, soit une diminution des deux-tiers en 7 ans. Plus récemment, dans la foulée de la révolution conservatrice aux États-Unis, le taux marginal le plus élevé serait tombé à 35 % en 2005, alors qu’il était à 70 % en 1980, soit une baisse de 50 % pour la période.
Selon l’étude, ce n’est qu’après la grave dépression des années 1929-1934, et le retour à des politiques fiscales plus progressives, que les salaires des financiers seraient revenus à des taux de croissance équivalent à ceux des autres secteurs. Cette évolution se serait ensuite poursuivie jusqu’à la fin des années 1980. Autrement dit, pendant les périodes où se conjuguent libéralisme économique et dérégulation des marchés financiers, on assiste systématiquement à des euphories spéculatives, à une croissance effrénée des revenus des acteurs de la finance en même temps qu’à un accroissement des inégalités de revenus dans la société.
Les conclusions que l’on peut en tirer sont assez claires : à l’origine des deux crises financières majeures qui ont provoqué des drames sociaux sur une large échelle, on trouve un mouvement politique ultralibéral appelant à la dérégulation des marchés sur la base d’une doctrine qui prétend que libéralisme et croissance économique vont de pair. Or dans les deux cas, la liberté effrénée des marchés nous ont plutôt conduit à une croissance insoutenable parce que fondée sur des inégalités sociales croissantes et sur la prise de risques systémiques qui nous ont mené à la catastrophe.
Aux États-Unis, le mouvement syndical, et en particulier UNI global union, a entrepris une campagne de lutte contre les salaires inadmissibles des dirigeants financiers, en visant plus spécifiquement les dirigeants de fonds de private equity dont les activités sont catastrophiques pour les travailleurs. Selon UNI global union, les 10 dirigeants les mieux payés des cinq plus grands fonds de private equity auraient des fortunes évaluées à 34 milliards $. Le « baron » de Blackstone, Stephen Schwarzman, aurait un revenu équivalent à un million $ par jour alors que celui de KKR, Henry Kravis, serait évalué à 51 000 $ de l’heure.
Selon le secrétaire general de la UNI global union, Philip Jennings « These figures are way off the pay scale and it is long overdue that regulators bring the excess down. How can we really say we are making an effort to rebuild a fairer financial system for the benefit of all workers if this is allowed to continue? »
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