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Le samedi 23 avril 2022

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« L’étude » du Conference Board sur la situation financière du Québec

L’auteur invité est Richard Le Hir, avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95).

Le Conference Board publiait la semaine dernière une « étude » sur la situation financière du Québec sous une manchette alarmiste : « Le Conference Board du Canada prévoit un déficit de 45 milliards de dollars ou une taxe de vente provinciale de 19,5 p. 100 en 2030 ».

Commençons d’abord par régler rapidement le sort de cette étude qui, dans le contexte actuel, est d’un ridicule achevé. Alors que la planète financière est en feu, que le système capitaliste est en train de se désintégrer sous nos yeux, que le dollar ne règne plus en maître sur le monde, que le système monétaire international menace de s’effondrer d’une semaine à l’autre, produire une étude sur un horizon de vingt ans constitue un exercice qu’aucune institution sérieuse soucieuse de sa crédibilité ne voudrait cautionner.

Dès le mois de mars dernier, réagissant à la campagne de matraquage dont le Québec était victime pour imposer l’agenda des Lucides, j’avais écrit pour Vigile un texte intitulé « L’autre grosse arnaque » dans lequel j’exposais les rouages de la méthode utilisée pour maintenir les Québécois dans la soumission par la peur. Et je faisais le lien avec la situation que j’avais vécue pendant la campagne référendaire de 1995 à titre de ministre chargé de produire les fameuses études.

Comme je le disais alors :

« Comprenons-nous bien. La situation financière du Québec n’est pas rose, et un coup de barre s’impose incontestablement. Mais ce coup de barre, il s’impose à tous les pays qui ont été ébranlés par cette crise financière que nous n’avons d’ailleurs pas fini de traverser, au premier rang desquels figurent les États-Unis, et relativement parlant, la situation du Québec se situe dans la bonne moyenne. Il n’y a donc pas de quoi s’alarmer, sauf pour comprendre qu’une fois de plus, des efforts concertés sont à l’oeuvre pour faire croire aux Québécois qu’ils n’échapperont aux foudres de Wall Street et de ses agences de crédit qu’en restant bien sagement à l’intérieur du Canada. »

Aujourd’hui, l’étude émane du Conference Board. Aucun des journalistes qui ont fait écho à son communiqué ne se sont donnés la peine de vérifier qui était le Conference Board et qui le dirigeait. S’ils l’avaient fait, ils auraient eu la surprise de découvrir que cet organisme se dit indépendant, objectif et non partisan, et prétend en outre ne faire aucun « lobby » auprès de qui que ce soit. Mon oeil !

Le Conference Board n’est pas indépendant. Il est financé par les cotisations de très grosses entreprises qui au Québec comprennent Power Corp, Hydro-Québec et le Mouvement Desjardins, pour ne nommer que celles-là. Pour ce qui est de l’objectivité, de la non partisanerie et de ne pas faire de « lobby », l’affirmation est totalement grossière. La devise du Conference Board pourrait tout aussi bien être « On veut votre bien. On va l’avoir ! »

Mais le meilleur, c’est que cette officine de propagande fédéraliste et affairiste « cheap » est dirigée par un conseil d’administration dont le président actuel se trouve à être… nul autre que l’ineffable Thierry Vandal, le PDG d’Hydro-Québec, rémunéré par Hydro-Québec, donc par vous et moi, pour faire la sale job de nos « maîtres ».

Or, nous l’avons vu,Hydro-Québec a elle aussi un conseil d’administration parmi les membres duquel on retrouve Michel Plessis-Bélair, vice-président du conseil de Power Corporation du Canada (qui siège aux comités suivants de HQ : Comité exécutif, Comité des finances, Comité de gestion financière du régime de retraite, Comité de gouvernance et d’éthique (!!!)).

Et samedi paraissait dans La Presse, sous la signature d’André Pratte, un éditorial qui louangeait la sagesse de l’étude du Conference Board. Ben voyons ! …

Voilà un bel exemple de ce que Pierre-Karl Péladeau appelle « la convergence », mais à une échelle politique et non commerciale, comme le souligne justement aujourd’hui Richard Martineau dans le Journal de Montréal, en citant Pierre Falardeau : « La convergence qui relie La Presse, Radio-Canada et le Parti Libéral est plus dangereuse et plus perfide que celle qui est pratiquée au sein du groupe Quebecor, car elle est de nature politique au lieu d’être de nature commerciale. ».

Mais pour en revenir au Conference Board, moi, ce que je trouve curieux, c’est qu’il ne se soit pas donné la peine de se pencher sur le cas des finances de l’Ontario, qui affiche un déficit de 19,7 milliards $ cette année alors que celui du Québec se situe autour de 5 milliards $. Pour vous aider à relativiser ces chiffres, sachez que le déficit du Québec en 1993 ou 1994 atteignait déjà les 5 milliards $, avec un PIB d’environ la moitié de ce qu’il est aujourd’hui, alors que l’Ontario à la même époque enregistrait de gros surplus.

La dégradation des finances de l’Ontario est infiniment plus inquiétante que celle du Québec, et pourtant, c’est du Québec qu’on parle ! Cherchez l’erreur…

P.S. : Un bon nombre d’entre vous faites affaires avec le Mouvement Desjardins. Si c’était mon cas, ça me dérangerait beaucoup de savoir que Monique F. Leroux, Présidente et chef de la direction du Mouvement des caisses Desjardins, siège au conseil d’administration du Conference Board. Ça ne vous tente pas de le lui dire ?

Ce texte est tiré du site Vigile.

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