L’auteur invité est Antoine de Ravignan, journaliste au magazine Alternatives Economiques.
Préserver les ressources naturelles nécessite d’y accorder un prix, souligne un rapport qui évalue les services qu’elles rendent à l’économie.
La nature, c’est comme la santé, ça n’a pas de prix. Mais quand on la perd, on mesure ce qu’il en coûte de ne pas la ménager. Un exemple ? Des chercheurs ont estimé la valeur de la pollinisation des arbres et des plantes réalisée par les abeilles dans un pays comme la Suisse : ces butineuses sont l’indispensable chaînon d’une production agricole estimée à 213 millions de dollars par an, cinq fois plus que la valeur du miel qu’elles fournissent. Dans le monde, la disparition des insectes pollinisateurs se traduirait par des pertes estimées à 153 milliards de dollars, 9,5 % de la production agricole mondiale, a estimé une équipe de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).
Ces chiffres et quelques autres qui ne rassurent pas figurent dans les rapports sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité (TEEB en anglais) présentés à Nagoya, à l’occasion de la conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique en octobre dernier.
Le rapport TEEB est à la biodiversité ce que le rapport Stern est au changement climatique : une tentative de mesure des coûts de l’inaction face à la dégradation de l’environnement. Il vise à rendre économiquement visibles les services rendus par la nature, qui passent largement inaperçus pour la plupart des décideurs économiques. La prise de conscience progresse néanmoins, comme le montre ce programme de recherche lancé par les ministres de l’Environnement du G8 et des grands pays émergents réunis en 2007 à Postdam.
Gagnant-gagnant ?
Il n’est déjà pas simple de fournir des estimations de coûts globales pour la seule question de la consommation d’énergie, comme l’ont fait le rapport Stern ou l’Agence internationale de l’énergie. L’exercice est impossible dans le domaine encore infiniment plus complexe de la biodiversité. Au-delà de services directement « productifs » (les plantes utilisées par l’industrie pharmaceutique, les insectes pollinisateurs…), les écosystèmes sont des habitats pour les espèces animales et végétales, des régulateurs de l’environnement (stockage du carbone dans les végétaux, micro-organismes dans les sols qui digèrent une partie de la pollution…).
Le rapport TEEB ne propose donc pas « le » chiffre qui agglomérerait toutes les variables, mais une série d’éclairages ponctuels. En outre, leurs auteurs ne sont ni naïfs ni idéologues : il est impossible, ni même souhaitable, d’attribuer une valeur monétaire à tous les services rendus par les écosystèmes, et partant de fixer un « prix » de compensation pour leur perte. A combien estimer un paysage où l’on aime se promener ? Un arbre sacré ?
La mesure des services de la nature n’en est pas moins un instrument utile pour éviter de prendre de mauvaises décisions. Au nord de New York, aider les agriculteurs des monts Catskill pour qu’ils réduisent la pollution des nappes phréatiques a permis, au début des années 2000, d’éviter la construction et les coûts de fonctionnement d’une nouvelle usine de traitement des eaux et l’explosion des factures d’eau des New-Yorkais. Un exemple parmi bien d’autres cités dans le rapport TEEB. Au risque de faire oublier que toutes les solutions ne sont pas « gagnant-gagnant », du moins sur l’horizon de temps court qui est celui des décideurs politiques.
Ce texte est tiré du site d’Alternatives Economiques
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