L’auteur invité est Claude Emmanuel Triomphe, directeur de publication et de la rédaction, Metis, correspondances européennes du travail.
Dans une Europe que la crise financière ne cesse de bousculer et qui commence à trembler dans ses fondements tant les incertitudes sont désormais loin de se limiter aux fameux PIGS (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne), l’Etat providence, l’Etat social est à la peine. La réforme de retraites, même si elle n’a pas déclenché partout des manifestations « à la française » est difficile à faire avaler. Et il y a fort à parier que les réformes qui guettent nos voisins espagnols, irlandais ou britanniques ne seront pas exemplaires ! Mais n’est-ce pas tout l’Etat social qui vacille aujourd’hui ?
La crise des finances publiques est invoquée, prétextée, par de nombreux pays pour revoir les allocations sociales de toutes sortes. La persistance de la dépression et du chômage dans la plupart des pays européens, à l’exception très notable de l’Allemagne, ne manquera pas de reposer la question des indemnités-chômage. Mais les indemnités maladie, allocations pour les mères et pour les familles, aides au logement sont aussi sur la sellette.
Les réformes engagées par nos Etats vont quasiment toutes dans le même sens et transfèrent aux individus le soin de prendre en charge de nombreuses dépenses sociales, assurées jusqu’à présent par le système de redistribution. Le contexte dans lequel elles sont annoncées est celui de la perception d’une très grande injustice, tant il est clair désormais que les fauteurs de crise poursuivent leurs activités dans un contexte de totale impunité au moment même où l’on demande aux sociétés et à leurs citoyens des sacrifices considérables aux fins d’éponger les dégâts et d’assurer la continuité de mécanismes qui ont failli. La refondation du capitalisme, énoncée et annoncée par les politiques, a de G20 en G8 fondu comme neige au soleil et se contentera, au mieux, de sauvegarder et de nettoyer le système financier. Pour le reste, l’on risque de faire « comme avant », voire pis encore. On lira avec attention la Lettre à nos amis irlandais d’Armand Braun, libre penseur, mais dont les propos à contre -courant de ce que l’on peut lire ces temps-ci devraient faire réfléchir. Quid d’une refonte en profondeur de la fiscalité ? De systèmes redistributifs adaptés aux réalités présentes et à venir ?
Certes, et nous n’insisterons jamais assez, le monde se renverse à un point que les Européens ont du mal à percevoir : tandis qu’ici ou en Amérique du Nord, nous nous débattons dans la crise, en Chine, au Brésil ou en Inde, le débat porte sur la maîtrise de la croissance ! Et c’est bien dans ce contexte qu’il nous faut exister, nous frayer un chemin, nous réinventer. Il est temps de changer nos modèles sociaux nous dit Philippe Askenazy.
Notre dossier sur le secteur de la santé tombe à pic ! Voilà un secteur qui est une sorte de miroir de toute notre société. Alors que nous vivons dans un monde marqué par l’avènement du corps, son périmètre ne cesse de s’étendre. Le secteur médico-hospitalier n’en est plus qu’une composante : montée des thérapies non médicales, club de bien-être, prise en charge des personnes dépendantes, etc… La part des dépenses que l’on y affecte, publiques et privées, contraintes ou volontaires, ne cesse de croître.
Les enjeux de la transformation du secteur de la santé, que cela soit sous l’angle de sa structuration, de l’emploi ou des relations de travail, sont multiples et complexes comme le montre avec beaucoup de finesse William Dab, professeur au CNAM mais aussi ancien directeur général de la santé en France. Ce qui est certain c’est que l’insatisfaction des soignants européens est grande !!! Et si les emplois « verts » sont, avec raison, à la mode, les emplois « blancs » – 20 millions en Europe, deux millions en France – sont devenus un enjeu crucial comme le montre Danielle Kaisergruber : de multiples hôpitaux aujourd’hui sont en situation de pénurie et de tension extrême, ce qui conduit par ailleurs la France, l’Allemagne et les pays nordiques, à favoriser des mouvements migratoires intra et extra européens, problématiques pour les pays d’origine en Europe de l’Est ou en Afrique. Enfin, les mutations de la santé questionnent les structures comme les approches déployées dans les soins aux personnes :
- Faut-il miser sur le public ou le privé ? Sur les coopératives ou les mutuelles ? On le voit avec la Suède ou le Royaume Uni avec un système de santé étatique, largement préservé jusqu’ici, qui pourrait entrer dans une ère de bouleversements très profonds.
- Faut-il revoir en profondeur nos systèmes de prise en charge des personnes âgées et l’organisation des maisons de retraites comme le plaide Rose-Marie Van Lerberghe, aujourd’hui directrice générale de Korian après avoir assumé d’éminentes responsabilités au sein des hôpitaux publics ou encore de l’administration française des politiques d’emploi ?
- Quid de la relation aux patients que le système hospitalier voudrait essayer de traiter comme un client ?
Retraites, santé, chômage, il est urgent de réinventer plus que de rafistoler. L’Europe aurait en la matière beaucoup à gagner de diagnostics partagés et de propositions qui ne se contentent pas du maître mot privatisations. Mais n’est-elle pas trop fatiguée voire épuisée pour oser d’autres voies ?
Tout cela est bien sérieux, j’en conviens. Alors pour vous changer les idées, pourquoi ne pas vous plonger dans la chronique de Denis Rheprise, notre DRH préféré qui ne se lasse pas de nous conter ses heurs et malheurs ?
On peut lire le texte complet (avec les nombreuses références) en allant sur le site Internet de Metis, correspondances européennes du travail
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