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Le samedi 23 avril 2022

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Un temps pour dépenser

L’auteur invité est J. Bradford DeLong, ancien secrétaire assistant au Trésor américain, est professeur d’économie à l’Université de Californie à Berkeley et chercheur associé au NBER.

L’idée centrale de la macroéconomie était un fait déjà connu de John Stuart Mill dès le premier tiers du dix-neuvième siècle : il peut y avoir un large écart entre l’offre et la demande de pour ainsi dire tous les biens et les services produits à un moment donné et pour tous types de travail s’il y a un excès de demande tout aussi important pour les biens financiers. Et ce point fondamental est la source de gros soucis.

Un écart normal entre l’offre et la demande pour quelques sous-ensembles de marchandises produites à un moment donné n’est pas un problème grave, car il est contrebalancé par un excès de demande pour d’autres marchandises produites. Les industries supportant un manque de demande suppriment des emplois tandis que celles qui profitent d’un surplus de demande les embauchent. L’économie se rééquilibre rapidement et retourne au plein emploi – et ce dans une configuration de l’emploi et de la production mieux adaptée aux préférences des consommateurs.

Par contre, un écart entre l’offre et la demande lorsque le surplus de la demande correspondant se porte sur les biens financiers entraine généralement un effondrement économique. Les travailleurs sans emploi ne peuvent en effet aisément fabriquer les biens – de l’argent et des titres qui ne soient pas uniquement notés de première qualité d’investissement, mais qui le soient effectivement – que les marchés financiers ne fournissent pas de manière adéquate. Le flux des travailleurs sans emploi est supérieur au flux des travailleurs qui ont retrouvé un emploi. Comme l’emploi et les revenus chutent, les dépenses pour les marchandises produites à ce moment donné chutent plus encore et l’économie est précipitée dans une spirale descendante vers la récession.

Le premier principe de politique macroéconomique est donc que puisque seul le gouvernement peut créer des biens financiers notés de première qualité d’investissement, rares en périodes de récession, cette tâche incombe au gouvernement. Le gouvernement doit faire en sorte que l’offre d’argent coïncide avec le niveau de demande d’argent en période de plein emploi et que l’offre de moyens d’épargne sûrs dans lesquels les investisseurs peuvent placer leur richesse coïncide aussi avec la demande.

Les gouvernements ont-ils été performants dans cette tâche depuis trois ans ?

En Asie de l’est (excepté le Japon), les gouvernements semblent avoir plutôt bien réussi. La pénurie de demande pour les biens et les services produits actuellement et le chômage de masse ne constituent plus de réelles menaces macroéconomiques dans la région. Le fait d’avoir inondé leurs économies de liquidités, maintenu des taux de change favorables aux exportations et investi pour employer les travailleurs tout en relançant la demande pour des moyens d’épargne sûrs a contribué à rendre la Grande Récession moins pénible en Asie de l’est qu’ailleurs.

En Amérique du Nord, les gouvernements semblent s’être empêtrés. Ils n’ont pas fourni assez de garanties bancaires, insisté pour plus de renégociations d’hypothèques, augmenté suffisamment les dépenses ou financé assez d’emplois pour rééquilibrer les marchés financiers, normaliser les prix des biens et faciliter un retour rapide au plein emploi. Mais le chômage n’a pas non plus tellement dépassé les 10%.

Les problèmes les plus sérieux sont actuellement en Europe. L’incertitude concernant la manière de garantir précisément les banques fortement endettées et les gouvernements périphériques surendettés réduit l’offre de moyens d’épargne sûrs à un moment où le rééquilibrage macroéconomique exige qu’elle soit augmentée. Et le comblement rapide des déficits budgétaires que les gouvernements européens se sont engagés à entreprendre ne peut qu’augmenter la probabilité d’une complète récession à double creux.

La situation globale est claire : plus les gouvernements se sont inquiétés de favoriser d’autres aléas moraux par des renflouages excessifs et de contenir le creusement de la dette publique, plus les performances de leurs économies ont été mauvaises. Plus ils se sont concentrés sur des mesures permettant de remettre leurs populations au travail, meilleures ont été les performances de leurs économies.

Cette situation n’aurait pas surpris les économistes du dix-neuvième siècle comme Mill ou Walter Bagehot, qui avaient compris les origines financières de la récession industrielle. Mais il semble que cela surprenne non seulement un grand nombre d’observateurs aujourd’hui, mais aussi un grand nombre d’hommes politiques.

Ce texte est tiré du site de Project Syndicate

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